«Nous avons posé les bases d’un conflit qui risque de durer»

Lecture 11 minute(s)

Suite à l’invasion russe en Ukraine, l’armée de Terre s’inscrit dans le renforcement de la posture défensive et dissuasive de l’Otan. Au début du mois de mars, elle a envoyé 500 militaires et de nombreux véhicules de combat en Roumanie. Ce déploiement consolide la protection du flanc Est de l’Europe. Intégrant des unités belges, le détachement majoritairement composé des Chasseurs Alpins du « 27 » et de la Brigade, s’est constitué en «bataillon fer de lance» de 800 hommes prêts à toute éventualité.

Retour en arrière

[[{"fid":"34471","view_mode":"default","fields":{"format":"default","field_file_image_alt_text[und][0][value]":"chasseurs alpins, 27e BCA, invasion russe, guerre en Ukraine, armée de terre, bataillon de chasseurs alpins","field_file_image_title_text[und][0][value]":false},"link_text":null,"type":"media","field_deltas":{"3":{"format":"default","field_file_image_alt_text[und][0][value]":"chasseurs alpins, 27e BCA, invasion russe, guerre en Ukraine, armée de terre, bataillon de chasseurs alpins","field_file_image_title_text[und][0][value]":false}},"attributes":{"alt":"chasseurs alpins, 27e BCA, invasion russe, guerre en Ukraine, armée de terre, bataillon de chasseurs alpins","height":393,"width":700,"class":"media-element file-default","data-delta":"3"}}]]

Le 28 février, un C-130 J décolle d’Istres pour Constanta en Roumanie. (© Armée de Terre/CCH Julien H.)

La piste d’atterrissage est gelée. Cette nuit, les températures descendent bien en-dessous de -5°C. Au-dessus de l’aéroport militaire roumain Mihail Kogalniceanu, à deux pas de la mer Noire, un avion de transport tactique français apparaît. Taillé pour apporter une réponse rapide à l’activité opérationnelle exceptionnelle, le C-130J Super Hercules de l’armée de l’Air et de l’Espace est adapté à la situation. À son bord, des militaires français, prêts à remplir leur mission : mettre en place le Spearhead  Battalion (bataillon fer de lance) de la force de réaction rapide de l’Otan en Roumanie, à seulement une centaine de kilomètres de la frontière ukrainienne. Parmi eux, le capitaine Benoît du 27e bataillon de chasseurs alpins (27e BCA), officier responsable de la conduite des opérations : «Nous vivons un moment important de l’histoire européenne avec cette mission inédite. Notre premier défi est le déclenchement sur court préavis. On ne sait pas à quoi s’attendre, mais nous devons être à la hauteur quelle que soit la mission». Dans l’avion, les soldats sont concentrés. Une fois au sol, la tranche arrière de l’aéronef s’ouvre sous de gros flocons qui volent à l’horizontale. Quelques sourires apparaissent sur les visages : «Ça, on connaît !».
Majoritairement composé de soldats de la 27e brigade d’infanterie de montagne (27e BIM), le détachement ne se laisse pas surprendre par les conditions météorologiques.  Chacun débarque avec son matériel et son armement. Un bus vient les récupérer pour les conduire à l’intérieur de la base de l’Otan, dans laquelle militaires roumains et américains cohabitent. Il y a également une compagnie de parachutistes néerlandais en exercice. Un important détachement belge doit rejoindre la base. Cette mission a un très fort accent de fraternité interalliée.

«Défendre nos alliés»

[[{"fid":"34472","view_mode":"default","fields":{"format":"default","field_file_image_alt_text[und][0][value]":"chasseurs alpins, 27e BCA, invasion russe, guerre en Ukraine, armée de terre, bataillon de chasseurs alpins","field_file_image_title_text[und][0][value]":false},"link_text":null,"type":"media","field_deltas":{"4":{"format":"default","field_file_image_alt_text[und][0][value]":"chasseurs alpins, 27e BCA, invasion russe, guerre en Ukraine, armée de terre, bataillon de chasseurs alpins","field_file_image_title_text[und][0][value]":false}},"attributes":{"alt":"chasseurs alpins, 27e BCA, invasion russe, guerre en Ukraine, armée de terre, bataillon de chasseurs alpins","height":412,"width":618,"class":"media-element file-default","data-delta":"4"}}]]

A l’entrainement commun avec un détachement Belge. (© Etat Major des Armées)

Quelques jours plus tôt, le 24 février, la Russie a décidé d’envahir l’Ukraine, au mépris du droit international. Alors que la France assure le rôle de nation-cadre dans la constitution de la force à très haut niveau de réactivité de l’Otan, le président de la République prend la décision de déclencher son déploiement pour venir renforcer les positions de l’Alliance sur le flanc est de l’Europe. La mission Aigle débute immédiatement direction la Roumanie. Ce pays de l’Otan membre de l’Union européenne est frontalier avec l’Ukraine. Tous les soldats français et alliés présents sur la base entendent la ministre des Armées, Florence Parly, rappeler l’importance capitale de ce déploiement lors de sa visite, le 6 mars : «Notre unité est sans faille quand il s’agit de défendre nos alliés». Composé d’unités du 27e BCA, du 126e régiment d’infanterie, du 4e régiment de chasseurs (4e RCH), du 93e régiment d’artillerie de montagne et de plusieurs éléments de soutien, le bataillon Fer de lance intègre également sous commandement français une compagnie du 1er/3e régiment de lanciers belges, et est soutenu par une compagnie de logistique et une unité médicale. 

«Les 800 hommes et femmes qui arrivent sont enthousiastes, curieux et impatients de remplir leur mission.» le colonel Vincent Minguet, chef de corps du 27e BCA et commandant du Spearhead Battalion, a une confiance totale dans la détermination des soldats placés sous son commandement. Il est aussi lucide sur la tâche qui l’attend. «Nous sommes ici pour assurer une posture défensive et dissuasive de l’Otan sur le flanc est de l’Europe. Dans une démarche de désescalade vis-à-vis de la guerre en Ukraine, cela implique une grande responsabilité. Nous devons être prêts au plus vite.»

Le tigre, un symbole commun

[[{"fid":"34473","view_mode":"default","fields":{"format":"default","field_file_image_alt_text[und][0][value]":"chasseurs alpins, 27e BCA, invasion russe, guerre en Ukraine, armée de terre, bataillon de chasseurs alpins","field_file_image_title_text[und][0][value]":false},"link_text":null,"type":"media","field_deltas":{"5":{"format":"default","field_file_image_alt_text[und][0][value]":"chasseurs alpins, 27e BCA, invasion russe, guerre en Ukraine, armée de terre, bataillon de chasseurs alpins","field_file_image_title_text[und][0][value]":false}},"attributes":{"alt":"chasseurs alpins, 27e BCA, invasion russe, guerre en Ukraine, armée de terre, bataillon de chasseurs alpins","height":412,"width":618,"class":"media-element file-default","data-delta":"5"}}]]

Le Colonel Minguet discute avec ses homologues étrangers. (© Etat Major des Armées)

Un même symbole issu des deux grandes guerres : le tigre. Le 27e BCA a choisi le tigre en mémoire de Georges Clemenceau que l’on surnommait ainsi (il est l’initiateur des célèbres brigades du tigre). Alors qu’il était président du conseil, le 12 novembre 1918, il est venu remettre au bataillon la fourragère aux couleurs de la Légion d’honneur. La légende veut que, comme il ne parvenait pas à fixer son insigne comme épingle à nourrice. Depuis lors, les chasseurs du 27 portent ce symbole sur la fourragère. De son côté, le 1er/3e régiment de lanciers belge a choisi la tête de tigre, gueule ouverte et crocs menaçants, comme “totem”. Il date de la mobilisation du régiment en 1938 et est le symbole de la combativité de ses soldats.

Changement de commandement du Battle group forward presence

[[{"fid":"34474","view_mode":"default","fields":{"format":"default","field_file_image_alt_text[und][0][value]":"chasseurs alpins, 27e BCA, invasion russe, guerre en Ukraine, armée de terre, bataillon de chasseurs alpins","field_file_image_title_text[und][0][value]":false},"link_text":null,"type":"media","field_deltas":{"6":{"format":"default","field_file_image_alt_text[und][0][value]":"chasseurs alpins, 27e BCA, invasion russe, guerre en Ukraine, armée de terre, bataillon de chasseurs alpins","field_file_image_title_text[und][0][value]":false}},"attributes":{"alt":"chasseurs alpins, 27e BCA, invasion russe, guerre en Ukraine, armée de terre, bataillon de chasseurs alpins","height":412,"width":618,"class":"media-element file-default","data-delta":"6"}}]]

Lors de la passation de commandement de la mission Aigle. (© Etat Major des Armées)

Samedi 18 juin 2022, sur la base militaire de Cincu, en Roumanie, s’est déroulée la cérémonie de changement de commandement de la mission AIGLE.

Lors d’une cérémonie présidée par le général Iulian Berdila, chef d’état-major des forces terrestres roumaines, et en présence de madame Auer, ambassadrice de France en Roumanie, le colonel Vincent Minguet, chef de corps du 27e bataillon de chasseurs alpins (27e BCA) a passé le commandement du Battle group forward presence (BGFP) au colonel Christophe Degand, chef de corps du 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine (8e RPIMa).

Après la montée des drapeaux belge, français et roumain, la médaille de bronze de la défense nationale française a été remise à trois soldats belges. Le colonel Minguet s’est ensuite vu attribuer l’emblème d’honneur de l’armée de Terre roumaine, symbole de son implication dans le développement de la coopération entre nos deux armées. Son successeur à la tête du BGFP a rappelé l’importance de poursuivre ces relations fortes, nouées par ses prédécesseurs, avec les armées partenaires, en conservant cet esprit de fraternité d’armes, de confiance et de volontariat.

Bilan de ces quatre mois

Mardi matin avait lieu au Quartier Tom Morel à Cran, une cérémonie dite «des petites couleurs» réunissant l’ensemble des compagnies du 27ème BCA sur la place d’armes. C’était l’occasion pour le Colonel Vincent Minguet, de mettre à l’honneur ces hommes et femmes qui reviennent de Roumanie. « Il y a eu deux phases dans cette mission. La première, un déploiement extrêmement rapide où en cinq jours, homme, matériels, équipements, munitions ont été mis en place en Roumanie, prêt à combattre. La seconde où les forces Russes se sont redéployées sur la façade orientale du conflit, ce qui a entrainé une pression un point moins forte sur la frontière avec la Roumanie, position où nous avions été déployé » commente le Colonel Vincent Minguet. Ce relâchement sur le terrain a permis aux Chasseurs Alpins de mettre a profit les bases acquisent tout au long de ces années sur le terrain, en coopération aussi avec des unités venant des différents pays Européens. « Roumains, Portugais, Polonais, Belges mais aussi Américains composaient cette force mis en place par l’Otan. Nous avons pu ainsi travailler au niveau commandement, avec chacun nos cultures militaires, mais aussi des différences technologiques comme les transmissions. Sur les 800 hommes que je dirigeais nous en avions 300 issus de l’armée Belge, et heureusement, de la région wallonne ce qui faisait que nous n’avions pas la barrière de la langue » commente le Colonel Minguet. Autre occupation durant ces quatre, mois, du combat inter-arme, mettant à profit les spécificités et surtout les matériels de chacun : blindé, canon, tireur d’élite ou de missile…

Le dispositif qui a été mis en place par l’Europe et qui devait être confirmé ce mardi par les chefs d’Etats réunis lors du sommet de l’Otan à Madrid, est un dispositif de défense collective. «Quand on défend la frontière Est de l’Europe, on défend la France. Si la Roumanie demain est attaquée, c’est l’Europe, la France qui en sera impacté. Nous sommes actuellement 40 000 soldats en alerte en ce moment. Nous devrions passer à 300 000» confie le colonel Minguet, avant de continuer : «Nous avons installé les bases en Roumanie, de ce que va être pour plusieurs années, car il ne faut pas être dupe, ce conflit est amené à durer. Nous allons encore être confronté une une menace réelle sur la sécurité globale de l’Europe, et des conséquences qu’il y aura sur la vie du quotidien, sur les finances, sur la diplomatie». Fort de son premier mandat, le chef de corps du « 27 » n’exclue pas le fait d’avoir des éléments qui pourraient repartir prochainement pour renforcer la présence française, où les spécificités « montagnes » et la rusticité de ces hommes n’est plus à démontrer. «Nous allons monter en gamme, niveau matériel, avec des canons, des chars d’assaut. On se dirige donc vers un renforcement plus musclé à l’avant, sans oublier les compétences des fantassins que nous sommes».

Publicité
Icone

Hebdo des Savoie

www.hebdo-des-savoie.fr

Ajouter à l'accueil