Villa Nirvana : quand la réunion publique vire au règlement de comptes politique

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Le promoteur du projet immobilier de la Villa Nirvana s'est plié au jeu des questions-réponses face à la vague de contestations que suscite l'opération. Très peu de questions ont émergé mais plutôt une série de critiques concernant plus largement la politique d'urbanisme menée par la collectivité.

Derrière l'arbre se cache la forêt. Ce n'est pas tant le projet du promoteur qui est attaqué que la politique d'urbanisme menée par la collectivité. A vrai dire, il est ressorti un sentiment de défiance, de suspicion de collusion entre intérêts publics et privés. Rien de bien nouveau, si ce n'est l'ampleur de la gronde et les moyens de l'exprimer.

Rarement un programme immobilier aura cristallisé autant de tension, bien palpable ce jeudi soir, à l'occasion de la réunion publique organisée par l'atelier Alter Ego pour présenter ce qu'il entend faire de la Villa Nirvana. Une tribune rêvée pour les opposants au projet, qui donnaient le ton dès l'entrée du centre des congrès en brandissant des pancartes plus réprobatrices les unes que les autres. Des tracts ont été distribués, sur lesquels on apprenait que le promoteur avait assigné en justice un membre du collectif Nirvana Boncelin et l'association Riants Boncelin. « J'ai simplement exprimé mon désaccord contre la modification du PLUi (plan local d'urbanisme intercommunal). Le promoteur estimait être nommément attaqué, ce qui n'était pas le cas et la juge l'a d'ailleurs débouté ce jour », indique l'un des membres, qui préfère garder l'anonymat.

Si l'auditoire a laissé Sacha Guinchard, dirigeant d'Alter Ego, présenter son projet, elle l'a moins assailli de questions que de critiques, qui ne lui étaient, parfois, pas franchement destinées. Le vice-président de Grand Lac chargé de l'urbanisme, Thibaut Guigue, et l'adjoint à l'urbanisme de la Ville d'Aix-les-Bains, Nicolas Vairyo, étaient aux premières loges pour apprécier l'ambiance, mais ne se sont pas exprimés.

 

Point de crispation central : l'OAP

L'une des personnes les plus virulentes se trouvait au premier rang et n'a pas manqué d'afficher son mépris à la moindre occasion qui se présentait. L'objet de sa colère : la densification au sein des zones périurbaines. « Le programme Bel Air à Pugny-Chatenod m'a rendu folle. Et c'est le même qui veut construire la Villa Nirvana. Je trouve ça louche ; je croyais qu'à Aix-les-Bains, on ne trouvait plus de terrain ! »

L'urbanisation des quartiers résidentiels fait bondir cette habitante qui a participé, il y a quelques années, à l'élaboration d'une charte visant à la sauvegarde du patrimoine au sein de la ville. « Je ne comprends pas pourquoi le document n'a pas protégé le quartier de Chantemerle-Boncelin, où se trouvent une série de maisons remarquables, de toute construction, à commencer par les deux immeubles neufs situés pile devant la villa. » Cette Avap (aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine), justement, ne serait pas pleinement appliquée selon un défenseur du patrimoine présent dans la salle. « Cette Avap a été signée par le ministre qui a accordé le label Ville d'art et d'histoire sous réserve qu'il y ait un Ciap (centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine), un animateur et l'application de cette Avap. Seul l'animateur a été embauché et les bâtiments répertoriés à l'époque ont été depuis démolis... »

Dans ce cas précis, il ne s'agit aucunement de démolir la villa qui, au PLUi, affiche une étoile. Cela signifie que toute modification ne peut s'opérer sans en référer aux spécialistes du patrimoine. Le parc, lui, n'est pas classé et, au demeurant, le PLUi actuel autorise leur abattage au profit de la construction de multiples petits ensembles autour de la villa, sous condition qu'elles ne dépassent pas 10 mètres de haut. Le promoteur a préféré réduire son emprise au sol « pour préserver ces arbres remarquables à mes yeux », mais souhaite construire plus haut que ce qu'autorise la réglementation actuelle sur le secteur. D'où une demande d'OAP (orientation d'aménagement et de programmation). C'est véritablement le cœur de la crispation. Une riveraine, travaillant dans le milieu de l'architecture, s'offusque de cette « dérogation ». « A chaque fois que je fais un projet, on ne demande pas une OAP mais de se caler sur le PLUi existant... »

 

Une politique locale chapeautée par un cadre législatif national

Pour un autre spécialiste de l'urbanisme et de l'architecture présent dans la salle, cette OAP « est la meilleure des solutions » car il s'agit de faire avec les choix politiques arbitrés à l'époque au moment de l'élaboration du PLUi. « Peut-être la villa est-elle passée sous radar. Le parc n'est pas protégé et la villa non plus finalement car la propriété a des droits à bâtir ; ça c'est politique. » Daniel Carde, conseiller municipal et communautaire d'opposition, ne comprend pas « pourquoi la Ville n'a pas préempté cet espace » et se dit « atterré de voir se multiplier les projets qui menacent la biodiversité ». La politique locale doit aussi s'inscrire dans un cadre législatif national issu de la loi Climat et résilience : la densification pour consommer moins d'espace agricole. Composer avec cette loi et l'arrivée de nouveaux habitants n'est pas une mince affaire. Et fera toujours des mécontents : personne n'a envie de voir s'ériger un immeuble à côté de chez lui.

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Photo 5 : Sacha Guinchard présente un plan masse du projet.

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