La difficile équation entre densification et préservation du patrimoine

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La Ville doit mener à terme le dossier des Sites patrimoniaux remarquables, entamé il y a de nombreuses années et visant à protéger le patrimoine. Mais la réalité aujourd'hui est tout autre et la loi a changé.

Lors de la réunion publique sur le projet de la Villa Nirvana, une habitante avait remis sur le tapis la question de l'élaboration d'une charte recensant le patrimoine remarquable à protéger en ville, appelée à l'époque Avap (Aires de valorisation de l'architecture et du patrimoine), renommée depuis SPR (Sites patrimoniaux remarquables).

Lors du dernier conseil municipal, le conseiller d'opposition Gilles Camus (Aix naturellement) a demandé où en était le processus de mise en œuvre de cette charte, indispensable au maintien du label Ville d'art et d'histoire. « C'est un sujet en cours complexe et long, qu'il faut retravailler pour le mener à son terme et le mettre en application », a répondu le maire, Renaud Beretti.

Thibaut Guigue, vice-président de Grand Lac en charge de l'urbanisme, a exposé la complexité multifactorielle de ce dossier. Lors du mandat précédent, au terme d'un travail de diagnostic recensant le patrimoine potentiellement remarquable, un document d'Avap avait été arrêté. « Nous rencontrons aujourd'hui quelques soucis dans la mesure où le document arrêté à l'époque diffère de la réalité d'aujourd'hui. Les terrains et maisons mentionnés ont soit déjà disparu, soit fait l'objet d'interventions immobilières. Il y a donc nécessité de revoir le contenu précis de ce document. »

 

« Le document tel qu'arrêté protège le centre-ville alors que l'on nous impose de construire la ville sur la ville »

D'autant plus que les enjeux et la réglementation ont changé. La loi Climat et résilience, votée en 2021, impose le Zéro artificialisation nette qui contraint les collectivités à diviser par deux la consommation de foncier d'ici à 2031. Comment ? En construisant la ville sur la ville. Or, « la charte augmente la pression foncière sur les zones pavillonnaires ; le document tel qu'arrêté protège le centre-ville alors que l'on nous impose de construire la ville sur la ville », pointe Thibaut Guigue.

Le dossier, relancé, nécessite donc un toilettage complet. Là encore, la mise en œuvre s'annonce difficile, d'un point de vue technique et administratif. « Cela nécessite l'intervention d'un bureau d'études spécialisé en architecture patrimoniale, et il y en a peu en France. Le maître d'œuvre ne souhaite pas revenir sur ce qu'il a fait ; nous devons donc relancer un marché public. » Autre problème : le manque de personnel pour gérer le dossier au service planification, déjà occupé par trois PLUi.

L'urbanisme reste un sujet hautement sensible à Aix-les-Bains. Les tensions se cristallisent aujourd'hui autour du projet de la Villa Nirvana _ la construction de 27 logements dans et autour de cette maison historique _, sur les hauteurs de la ville, en zone UD, c'est-à-dire pavillonnaire. A sa prise de fonction, le maire avait pris des dispositions pour limiter la densification des zones classées UD, qui couvrent 60% du territoire communal. « Certains opposants au projet estiment que j'ai tourné casaque. » Et de brandir des chiffres démontrant l'inverse : « 296 logements ont été produits en 2016 en zone UD contre 53 en 2022. On est loin de la bétonisation à tout-va », fait-il observer. Quant au projet de la Villa Nirvana, la collectivité doit répondre aux questions du commissaire-enquêteur, qui doit ensuite émettre un avis. Le maire se déterminera « après avoir écouté les uns et les autres ».

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