«Le Chéran est un joyau du patrimoine naturel qu’il faut préserver»

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Dans un contexte de changement climatique, de raréfaction de la ressource en eau, avec des épisodes de sècheresse de plus en plus fréquents, des crues de plus en plus violentes, et avec une démographie grandissante, comment préserver, protéger les milieux aquatiques et plus particulièrement ceux du bassin versant du Chéran, rivière emblématique des Pays de Savoie, patrimoine naturel de l’Albanais ? Parmi les acteurs de la gestion de l’eau, figure le SMIAC, Syndicat Mixte Interdépartemental d'Aménagement du Chéran, créé en 1995. Ses deux principales missions sont le bon fonctionnement du Chéran et de ses affluents (les 54 km du Chéran et les 436 km de ruisseaux), des zones humides, des eaux souterraines, en tant qu’écosystème, ainsi que la prévention des inondations. Il couvre 41 communes sur quatre intercommunalités de l’amont vers l’aval (communauté d’agglomération Grand Chambéry, communauté d’agglomération Grand Annecy, communauté de communes Rumilly Terre de Savoie et communauté d’agglomération Grand Lac). Le Chéran, labellisé «site rivières sauvages» en 2019, prend sa source au coeur du Parc Naturel Régional du massif des Bauges (à 1450 m d’altitude) puis se jette dans le Fier à proximité de Rumilly (à 300 m d’altitude).

Protéger les cours d’eau et sécuriser le territoire

Comme l’explique Yohann Tranchant, président du SMIAC, également vice-président de la Communauté de Communes Rumilly Terre de Savoie en charge de la prévention et de la valorisation des déchets et des milieux aquatiques, et maire de Sales, le SMIAC fait face à trois enjeux majeurs : préserver le patrimoine naturel qu’offre le Chéran, sécuriser le territoire face au risque d’inondations (protection des personnes et des biens) - «Avec le changement climatique, tout va être plus sec mais quand les orages vont éclater, ils éclateront plus fort». En moyenne, en cumul, 1200 millimètres de pluie tombent par an soit 1,20 mètre. «Nous constatons une baisse annuelle des précipitations pour l’instant relativement faible. En revanche, ce sont les épisodes très secs qui persistent et durcissent le sol en le rendant moins perméable. L’eau ruisselle et ne peut donc être stockée. Sachant que les évènements pluvieux seront plus forts et plus soudains, cela engendrera des risques d’inondations et de glissements de terrain plus conséquents» - et maintenir un territoire actif en permettant de concilier tous les usages de l’eau : potable, agriculture, industrie, loisirs de pleine nature (kayakistes, pêcheurs), etc.

Différentes actions au service des rivières

L’objectif est de mener différentes actions au service des rivières du territoire, pour comprendre, préserver, restaurer, entretenir et sensibiliser. Yohann Tranchant explique que le SMIAC, dont il est président depuis janvier 2021, est en pleine reconfiguration, avec le recrutement récent d’un directeur pour structurer le syndicat, de deux chargés de missions techniciens en charge de la compétence GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) qui vont remplacer les opérateurs de terrain, et d’une secrétaire à mi-temps (poste à pouvoir). Certains besoins sont re-priorisés. Le SMIAC a pour but d’apporter une réelle expertise (études, prospective, observation, veille de terrain), de mobiliser tous les acteurs de l’eau (sensibiliser les usagers, suivi des pollutions en lien avec la police de l’eau, communication aux propriétaires riverains sur leurs droits et devoirs, appui technique). «Une fois qu’on connait, qu’on a expertisé, notre rôle n’est pas de faire mais plutôt de faire faire. Sensibiliser tous les usagers dont les collectivités qui sont en charge du petit cycle de l’eau (prélèvement de l’eau potable et traitement des eaux usées). L’adduction d’eau potable prend de l’eau au grand cycle naturel, le petit cycle épure cette eau et nous la renvoie. Notre rôle est donc de mobiliser les acteurs pour voir combien ils peuvent prélever, où est-ce qu’ils prélèvent, à quelle période, et d’être attentifs à la qualité des rejets. Nous intervenons pour l’intérêt général».

«Rendre compatible la dynamique du territoire avec l’écosystème»

Entre le changement climatique et le développement démographique, les milieux aquatiques et la ressource en eau subissent des pressions et des dégradations. Ainsi, une étude sur les volumes prélevables est en cours afin de quantifier les débits nécessaires aux cours d’eau pour maintenir un fonctionnement biologique correct. «Il y a des périodes de l’année où l’on prélève beaucoup mais durant lesquelles il y a aussi beaucoup d’apports, ce qui ne nuit pas au milieu. Mais il y a également un effet ciseaux où, dès que les sources gravitaires sont taries, on prélève dans les nappes alors que le ruisseau lui-même est dans un débit qui descend, on va alors puiser encore plus et donc l’assécher. Des efforts sont à faire pour répartir les endroits où l’on prélève l’eau en fonction du moment. L’enjeu est donc de concilier les usages, de poursuivre nos activités, en consommant moins. Nous sommes vraiment dans des démarches de qualité, de sobriété, d’optimisation avant d’arriver à des virages qui seraient plus brutaux. L’objectif est de rendre compatible la dynamique du territoire avec l’écosystème». Selon le président du SMIAC, il faut pouvoir limiter sa consommation d’eau, que ce ne soit pas conjoncturel mais que ce soit une évolution de la pratique de nos usages. «Il faut se poser les bonnes questions, faire évoluer nos modes de consommation à chaque échelle, toutes les parties prenantes, des pouvoirs publics aux particuliers».

Les orientations futures en matière de prélèvement d’eau potable sur le bassin versant s’appuieront sur les résultats de cette étude. Cette étude donnera lieu à un arrêté préfectoral, où le préfet déterminera des volumes prélevables puis un Plan de Gestion de la Ressource en eau (PGRE) sera élaboré dans le cadre du projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) : «Ce qui nous renverra à des objectifs communs avec tous les acteurs en charge de l’eau afin de définir la trajectoire à prendre pour atténuer les effets du changement climatique et maintenir un niveau de vie aquatique satisfaisant».

Suivi de la qualité de l’eau

Par ailleurs, le SMIAC a mis en place en 2020 un réseau de 13 stations de mesures de la qualité de l’eau et des communautés biologiques. La surveillance des conditions environnementales du Chéran est un outil indispensable pour anticiper les problèmes liés à l’eau et à l’environnement. «C’est par cette surveillance que se fera la conservation du patrimoine naturel». Cet outil permet également d’évaluer l’efficacité des actions de restauration. Concernant les zones humides, un inventaire a été réalisé entre 2020 et 2021 pour identifier toutes celles présentes sur le bassin du Chéran (607 dont 232 en Savoie et 375 en Haute-Savoie) afin de mettre en oeuvre des plans de gestion stratégiques visant à les protéger. Le SMIAC veille également au rétablissement de la continuité écologique dans certaines zones présentant des seuils qui ont, au fil du temps, réduit l’espace de liberté de la rivière, avec l’implantation de moulins, d’usines électriques et de stations d’épuration comme à Rumilly où le seuil de l’Aumône a été effacé fin 2021. Cet effacement a redonné une dynamique naturelle à la rivière, permettant la libre circulation des organismes vivants, le transport naturel des sédiments et le bon fonctionnement des lieux de reproduction, d’alimentation, de repos. Le SMIAC inventorie et expertise également les digues de protection contre les inondations.

Le Chéran jouera un rôle majeur pour traverser les épisodes de chaleur

Le président souligne l’importance du rôle des cours d’eau en période de fortes chaleurs. «Il faut donc les maintenir propres et faire en sorte qu’ils s’assèchent le moins possible car ce sont de véritables points de fraîcheur». Il indique ne pas être favorable aux interdictions radicales de tous les accès, comme cela est parfois le cas en période de sècheresse, sauf lorsqu’il s’agit de préserver les espèces les plus fragiles : «Comment peut-on interdire à des êtres humains, qui font partie de la nature, d’aller au bord de l’eau quand il fait très chaud ? En particulier les gens qui vivent en appartement, qui n’ont pas de piscines ou de lacs à proximité. Je pense qu’il faut plutôt éduquer : comment est-ce que nous, humains, nous pouvons cohabiter avec les autres espèces de l’écosystème «rivière» dont nous faisons également partie ?».

«Apporter cette culture Chéran»

«Le SMIAC, c’est donc l’outil des quatre collectivités situées sur le bassin versant pour pouvoir mettre en valeur cet écrin naturel de notre territoire. Annecy et Aix-les-Bains ont leurs lacs, l’Albanais et les Bauges, ont le Chéran. C’est ce qui nous rassemble. La population doit toujours se le réapproprier. Notre rôle ne sera pas que technique à terme. Pour faire en sorte que chacun se rende compte de l’intérêt de la rivière, des zones humides, des ruisseaux, etc, nous devons apporter cette culture Chéran à toutes les populations et toutes les générations. On se sent bien au Chéran. C’est un fil conducteur de notre territoire. C’est une rivière où, à plein d’endroits, on se sent vraiment en pleine nature. A l’avenir, avec la croissance démographique, il restera une richesse. Le Chéran est un joyau du patrimoine naturel qu’il faut préserver".

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