Un amendement qui permet à Tefal de poursuivre son activité

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Après le vent de panique qui a soufflé sur Rumilly et tout l’Albanais face au risque de fermeture de l’usine Tefal qui emploie localement 1400 personnes, l’heure est au soulagement pour de nombreux salariés et élus du territoire. La proposition de loi du député écologiste de Gironde Nicolas Thierry «visant à protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoralkylées» (PFAS, aussi appelés «polluants éternels») menaçait le devenir de cette entreprise emblématique du territoire qui fabrique et exporte dans le monde entier divers ustensiles de cuisine dont les célèbres poêles antiadhésives. Or, l’amendement déposé par le gouvernement et les députés de la majorité pour exclure les articles culinaires du texte a été voté par l’Assemblée nationale (128 pour et 113 contre) le jeudi 4 avril. Tefal peut donc poursuivre son activité, à savoir la fabrication et l’utilisation de revêtement PTFE, substance PFAS qui, selon le groupe Seb, est reconnue pour son innocuité depuis plus de 50 ans. Si certains font part de leur soulagement, d’autres, élus ou association citoyenne, expriment leur vive inquiétude concernant les enjeux pour l’environnement et la santé publique.

Les ustensiles de cuisine exclus de la PPL

L’article 1er de la proposition de loi (PPL) prévoit de réduire, dès le 1er juillet 2026, l’exposition de la population aux PFAS «en interdisant la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché des produits contenant des PFAS, tenant compte de la disponibilité d’alternatives aux PFAS pour les produits considérés», à savoir les produits destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires, les cosmétiques, les farts et les textiles dont les usages «sont identifiés par l’Agence européenne des produits chimiques comme des produits pour lesquels des alternatives sont connues et disponibles. Pour les autres usages, l’interdiction est prévue pour entrer en vigueur en juillet 2027, date à laquelle le projet d’interdiction européenne soutenu par la France devrait également aboutir».

Mercredi 3 avril, représentants du groupe Seb et des différents sites de productions de l’entreprise Tefal, salariés, syndicats et élus se sont mobilisés ensemble contre cette PPL. Ils ont rejoint Paris où ils ont manifesté en nombre pour faire entendre leur volonté de préserver les milliers d’emplois en danger dans le pays et défendre l’économie dans les territoires concernés. Près d’une semaine après l’adoption de la proposition de loi avec modification du texte (qui sera prochainement soumise au vote du Sénat), diverses réactions ont été recueillies dans le bassin annécien et plus particulièrement dans l’Albanais.

 

Christian Dulac

«J’espère que nous allons réussir à trouver des solutions pour tout le monde»

Pour Christian Dulac, maire de Rumilly, «il y a eu une avancée avec le retrait des ustensiles de cuisine dans cette proposition de loi. Toutefois nous aurions souhaité que ce dossier, en amont, soit pris à bras le corps par le Premier ministre et que les industriels, les scientifiques, les politiques soient réunis autour d’une table ronde afin de travailler en concertation pour faire avancer les choses». Selon l’élu, «il faut préserver l’emploi tout en s’assurant qu’on tienne compte de la santé publique et des normes environnementales».

«Je pense sincèrement qu’il faut faire confiance aux industriels»

Concernant sa présence à Paris auprès des salariés, il explique avoir été reçu, avec d’autres élus du territoire et les dirigeants du groupe Seb, par les députés haut-savoyards de la majorité : «ils ont été à notre écoute et je m’en satisfais». Il se dit tout de même «attentif et vigilent sur la suite. J’espère que nous allons réussir à trouver des solutions pour tout le monde, pour l’emploi, pour l’environnement, pour la santé publique. Je sais que le groupe Seb travaille depuis quelques années pour changer son process. Le directeur général m’a parlé avec clarté et transparence, j’ai apprécié son langage». Quant au projet d’interdiction européenne des PFAS, «malgré tout 2027 va vite être là et c’est quand même une crainte. Je pense sincèrement qu’il faut faire confiance aux industriels, les accompagner dans leur recherche d’alternatives et être à leur écoute, plutôt que de tout casser comme ça. Travaillons ensemble et essayons de trouver des solutions».

 

François Ravoire

«Je suis heureux de cette issue qui n’était pas du tout acquise»

François Ravoire, président de la Communauté de Communes Rumilly Terre de Savoie, se dit «heureux de cette issue qui n’était pas du tout acquise, nous osons espérer que l’action conjointe des élus de Rumilly et de la communauté de communes a pu faire pencher la balance dans ce vote» et «satisfait pour les salariés du territoire et leurs dirigeants. Le groupe Seb/Tefal est un fleuron de l’industrie européenne, employeur principal sur le bassin d’emploi du territoire». Selon l’élu, «une loi couperet aurait été vraiment malvenue et aurait mis à mal toute l’activité économique du territoire. Ce qui ne veut pas dire que les élus ne sont pas préoccupés par le problème des PFAS, nous sommes tout à fait d’accord pour voir évoluer la législation sur le sujet, mais pas avec une loi qui prendrait effet dès 2025-2026, laissant peu de temps à l’entreprise pour trouver des alternatives».

 

FO Tefal

«On vient condamner un an avant l’Europe des industriels qui agissent»

Pour Riad Boulassel, délégué syndical central FO Rumilly- Tournus, «c’est un grand soulagement pour les salariés. Malgré certains détracteurs, la plupart sont vraiment contents et satisfaits du mouvement que FO a organisé et qui plus est en ayant su mettre de côté les vieilles rivalités patrons/syndicats pour s’allier et sauver leurs emplois». Il précise que «préserver les emplois, c’est notre combat premier et nous avons réussi un petit exploit en arrivant à bouger une loi au niveau de l’Assemblée nationale» et souligne que «malgré cette grande satisfaction, maintenant il reste quand même la peur d’eux (les Ecologistes, NDLR) car on sait qu’ils vont être revanchards et qu’ils auront à coeur de continuer leur travail de sape sur l’entreprise Tefal».

«Discuter tous ensemble de comment on passe le cap et comment on prépare l’avenir»

Lui aussi soutient qu’«il faudrait se mettre autour de la table pour discuter tous ensemble de comment on passe le cap et comment on prépare l’avenir». Concernant la recherche d’alternative en prévision de 2027, «des choses sont engagées, des études, des essais qui sont faits sur d’autres process mais on ne peut pas trop en parler vis-à-vis de la concurrence. Ça avance mais maintenant, en terme d’alimentarité, il faut être sûrs de ce qu’on va mettre sur le marché. Car on nous parle de la céramique et de l’inox, sauf que les gens ne veulent pas acheter ces produits et restent sur le PTFE». Selon le délégué syndical, «avec cette proposition de loi des Ecologistes, on vient condamner un an avant l’Europe des industriels qui agissent».

 

Députés de la majorité

«Pour l'instant, l'urgence, c'est de trouver des alternatives»

Dans un communiqué en date du 4 avril, les députés haut-savoyards de la majorité (Véronique Riotton, Antoine Armand, Xavier Roseren et Anne-Cécile Violland) ont indiqué s’engager «pour réduire et progressivement interdire les PFAS. C’est une question de santé publique et évidemment d’écologie, d’abord pour les salariés concernés et pour tous les Français. C’est le sens de la révision qui a eu lieu ce jour, du règlement européen REACH et du plan gouvernemental finalisé.».

«Interdire tout, tout de suite et uniquement au niveau national, c’est un non-sens»

Ils soutiennent Tefal qui est «un acteur économique important pour notre territoire, porteur d’emplois, porteur aussi d’une certaine fierté du «made in France» de produits qui s’exportent partout dans le monde. L’entreprise investit dans l’économie circulaire, et base ses investissements sur des analyses de cycles de vie et études sérieuses pour des décisions éclairées. Interdire tout, tout de suite et uniquement au niveau national, c’est un non-sens ». Ils soulignent «l’urgence de mieux connaître les conséquences de l’utilisation des différents matériaux et surtout de permettre aux industriels de trouver des alternatives. Peut-être que demain, il faudra interdire les PFAS à l'échelle européenne. Mais pour l'instant, l'urgence, c'est de trouver des alternatives. Cet accompagnement des industriels est important et nous pouvons y contribuer au niveau législatif», avant de conclure : «réduire la pollution, oui évidemment et nous le faisons aujourd’hui pour des filières industrielles qui sont prêtes. Le faire aveuglément et quitte à saccager les emplois de notre propre territoire, jamais».

 

Les Ecologistes

«C’est pour nous clairement une forme de chantage à l’emploi»

Pour le responsable des Ecologistes du bassin annécien Pascal Sciabbarrasi, il s’agit d’un « vote historique et d’une grande première victoire sur le fait que les PFAS soient interdit à la fois pour les vêtements, les cosmétiques et les farts». Il souligne cependant un «petit mais», considérant que «c’est le lobby de Tefal qui a fait sortir les ustensiles de cuisine du champ d’application du texte et c’est pour nous clairement une forme de chantage à l’emploi. Quant aux élus, ils n’ont pas pris la mesure du problème car ils parlent toujours d’économie et d’emploi en faisant passer la santé au second plan alors qu’elle est pour nous prioritaire. Et c’est d’autant plus une erreur car ce sont les salariés dont on veut préserver les emplois qui sont les premiers concernés par les PFAS, les premiers exposés». Concernant le PTFE, «c’est vrai qu’on a tendance à entendre qu’il est inoffensif mais on n’en a pas vraiment la preuve, raison pour laquelle nous demandons depuis des mois et des mois à la préfecture notamment, qu’une étude épidémiologique soit engagée pour en avoir le coeur net et que toute la transparence soit faite sur sa dangerosité ou non, mais nous n’avons toujours pas de réponse».

«On n’est pas dupes, on connait le poids des lobbies»

Il considère que «le chantage à l’emploi ne tient pas trop car en 30 ans, on a perdu environ deux millions d’emplois industriels et est-ce dû aux PFAS ? Clairement non». La solution selon lui : «Il vaut mieux peut-être prendre des décisions qui sont difficiles à prendre rapidement et qui demandent un peu de courage politique en disant «vous allez effectivement perdre votre emploi parce que c’est une économie qui n’est pas vertueuse mais on va vous accompagner déjà pour protéger votre santé et puis pour trouver des alternatives et un emploi où vous serez en santé». La politique pour moi c’est avoir une vision d’avenir et anticiper les problèmes». Il termine en précisant «On n’est pas dupes, on connait le poids des lobbies et on se doutait un petit peu de ce qui allait se passer, mais on va continuer et on est quand même assez positifs».

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