Histoire d’un monument

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Au terme de la Première Guerre mondiale, «la Der des Ders», les communes furent invitées par l'Etat, en octobre 1919, à commémorer et glorifier les morts pour la France par l'édification de monuments. Le 11 janvier 1920, le conseil municipal d’Albens décida qu’il ferait élever un monument dans le nouveau cimetière de la commune «considérant qu’il importe de glorifier les enfants de la commune tombés au champ d’honneur et de leur élever un monument digne de leurs sacrifices». 
 Une fois toutes les démarches administratives effectuées, il faut attendre le 14 août 1921 pour officialiser le contrat liant la municipalité à M. Claudius Cochet, marbrier-sculpteur à Porcieu-Amblagnieu, en Isère (on lui doit également les monuments aux morts d’Alby-sur-Chéran, Gruffy, Marigny-Saint-Marcel et Saint-Félix) : «M. Cochet s’engage à ériger dans le nouveau cimetière d’Albens, un monument commémoratif aux Morts de la Grande Guerre, conformément aux plans et devis dressés par M. Jean-Marie Montillet, architecte à Albens. Le Monument sera rendu posé dans le délai d’un mois et demi pour le prix de quinze mille francs». Une souscription publique rapportera un peu plus de 6 200 francs.
Voici comment le Journal du Commerce relatait l’inauguration du monument dans son édition du 6 novembre 1921. 
«Elle fut simple, belle et touchante, la cérémonie de l’inauguration du monument aux morts, qui a eu lieu le jour de la Toussaint.
C’était l’union de tous les cœurs dans un même élan de piété, de patriotisme et de reconnaissance envers les glorieux enfants d’Albens morts pour la Patrie.
Toute la population d’Albens, grossie de nombreux parents et amis des communes voisines, s’était réunie à deux heures et demie place de l’Eglise pour se rendre au nouveau cimetière où s’élève le superbe monument.
Le cortège fut grandiose et impressionnant.
Les sapeurs ouvraient la marche.
Les enfants des écoles, accompagnés de leurs maîtres et maîtresses, portant de jolis bouquets et couronnes, la fanfare jouant des marches funèbres, la compagnie des sapeurs-pompiers toute entière, le clergé, la chorale paroissiale, les pupilles de la nation, avec une magnifique couronne, les vétérans de 1870, toujours alertes, les anciens combattants groupés autour de leur emblème, allant offrir à leurs camarades une superbe gerbe de fleurs, le conseil municipal, les fonctionnaires, la brigade de gendarmerie, et enfin une grande foule d’hommes venus de loin, défilèrent pour rendre hommage à leurs parents, amis ou camarades morts au champ d’honneur.
Pendant que tout le monde se range en ordre parfait autour du monument, la musique fait entendre une marche militaire, puis M. le Maire prend la parole.
Après avoir remercié tous, conseil municipal, comité, sculpteur, généreux donateurs, personnes dévouées qui ont contribué à l’érection et à l’ornementation du monument, il rend hommage aux glorieux combattants qui ont fait le sacrifice de leur vie pour la défense du sol de la France, à ceux qui, rescapés de cette effroyable guerre, ont vu se lever le soleil de la victoire, aux parents et orphelins si éprouvés.
Un clairon sonne l’appel des morts.
M. Débroux, président des combattants, lit la liste, trop longue hélas ! des héros d’Albens. A chaque nom on répond : «Mort pour la France».
La Chorale paroissiale exécute brillamment un chœur à quatre voix en leur honneur.
Puis M. Lansard Marius, au nom des anciens combattants, en termes éloquents, salue les frères d’armes tombés pour la Patrie. Il engage les camarades à être fidèles à la devise inscrite sur leur drapeau : «Unis comme au front».
M. Claudius Philippe s’adresse aux Pupilles de la Nation dont il est président : il les invite à être les dignes enfants de leurs glorieux pères.
M. le curé bénit le monument et donne la parole au Père Voiron, un ancien combattant, des Missionnaires de Myans, qui rappelle les souffrances des poilus. Il apporte aux parents les consolations de la religion. Dans une belle envolée, il glorifie les victimes du devoir qui reçoivent la récompense due à leur sacrifice.
Cette touchante allocution fait couler bien des larmes.
Le clergé chante ensuite l’absoute, et l’hymne national termine cette cérémonie qui laissera dans tous les cœurs un souvenir ineffaçable.
La commune d’Albens peut être fière de son beau monument ; elle peut s’enorgueillir de l’organisation parfaite de la cérémonie.
Elle a su lui donner toute la gravité qui convenait en pareille circonstance en écartant de son programme toutes manifestations joyeuses, banquets, bals ou autres».
Utilisé pour les commémorations des fêtes patriotiques durant plus de huit décennies, la distance le séparant de l’église n’était alors pas un problème pour une population habituée à se déplacer à pied. Depuis la mise en place d’un Mémorial cantonal devant le centre administratif d’Albens, au fil du temps, les habitants de la commune se sont peu à peu détournés de leur véritable monument aux morts. Aujourd’hui, même non fleuri, il reste le témoin silencieux de l’Histoire, portant encore sur ses flancs les noms gravés des enfants d’Albens morts pour la France.

 

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