Les priorités d’un commandant en action
Arrivé en juillet 2024 à la tête du groupement de Gendarmerie de Haute-Savoie, le Colonel Ganuchaud Stanislas partage sa vision et ses priorités pour ce territoire aussi riche que complexe. Entre sécurité, formation des gendarmes, innovations technologiques et coopération avec les partenaires locaux, il revient sur son parcours et les enjeux de son commandement.
Un parcours riche et diversifié au service de la Gendarmerie
Colonel Ganuchaud, pouvez-vous nous retracer votre parcours avant d’arriver en Haute-Savoie ?
Mon parcours est assez varié, ce qui m’a permis d’acquérir une vision large des enjeux de notre institution. J’ai débuté en tant que réserviste à Nantes, entre 2001 et 2003, tout en suivant des études de droit. J’ai ensuite intégré l’école de Saint-Cyr pour devenir officier, avec une spécialisation en gendarmerie. Après mes études, j’ai commandé une communauté de brigades à Carnac, puis une compagnie en Corse-du-Sud, où j’ai eu à gérer des problématiques complexes, comme le développement de nouvelles unités et des affaires criminelles spécifiques à l’insularité.
Ensuite, j’ai intégré l’école de guerre, ce qui m’a ouvert les portes de la direction des ressources humaines de la Gendarmerie. Là, j’ai participé à des projets innovants, notamment l’intégration de l’intelligence artificielle pour optimiser les processus RH. J’ai aussi été envoyé en mission au Mali, en tant que commandant de la gendarmerie prévôtale. À mon retour, j’ai travaillé auprès de la direction générale de la Gendarmerie avant de prendre mes fonctions en Haute-Savoie en juillet dernier.
Vous avez occupé des postes très variés. Quels enseignements retirez-vous de cette diversité d’expériences ?
Chaque poste m’a appris à m’adapter rapidement aux spécificités locales et à valoriser l’intelligence collective. Par exemple, en Corse, j’ai appris à bâtir des relations solides avec les acteurs locaux pour mener des projets complexes. Mon passage aux RH m’a donné une vision humaine et systémique des enjeux, et au Mali, j’ai découvert la richesse du travail en interarmées et le volet coopération internationale. Aujourd’hui, j’applique ces apprentissages pour répondre aux défis de la Haute-Savoie.
Les défis uniques de la Haute-Savoie
Quelles sont les principales problématiques sécuritaires dans ce département ?
La Haute-Savoie est un territoire dynamique mais complexe. Nous faisons face à des problématiques variées. Les violences intrafamiliales représentent près de 50% de nos interventions et constituent une priorité. Le trafic de stupéfiants est également en augmentation, notamment à cause de la proximité avec la Suisse et l’Italie.
Il y a aussi les défis liés au tourisme, avec des afflux massifs à Annecy ou Chamonix, qui demandent une vigilance particulière, notamment en matière de secours en montagne. Enfin, les atteintes environnementales, comme les décharges sauvages ou les constructions illégales, sont des enjeux cruciaux dans ce département au patrimoine naturel exceptionnel.
La proximité avec la Suisse et l’Italie influence-t-elle particulièrement vos actions ?
Absolument. Ces frontières renforcent les enjeux transfrontaliers, qu’il s’agisse de trafic de stupéfiants, de vol de véhicules ou même de cybercriminalité. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues suisses et italiens, notamment via des dispositifs comme les patrouilles communes ou les échanges d’informations. Cette coopération est essentielle pour lutter efficacement contre des réseaux criminels de plus en plus structurés.
Violences intrafamiliales : une priorité absolue
Vous avez mentionné les violences intrafamiliales comme un problème majeur. Comment la Gendarmerie agit-elle pour y faire face ?
Ces violences constituent un véritable fléau. Chaque unité de gendarmerie est formée pour accueillir et accompagner les victimes de manière professionnelle et bienveillante. Nous travaillons aussi avec des associations et des services sociaux pour apporter des réponses adaptées et durables.
Nous avons également la Maison de Protection des Familles à Annemasse, où des enquêteurs spécialisés traitent des affaires souvent complexes. Nous faisons un travail de prévention dans les écoles pour sensibiliser les jeunes aux conséquences des violences, et nous développons des outils concrets pour libérer la parole, comme des affiches dans les salles d’attente des médecins ou des points de contact dans les pharmacies.
Cette formation étendue des gendarmes est-elle une nouveauté ?
Cela a été renforcé ces dernières années. Aujourd’hui, l’objectif est que tous les gendarmes soient formés pour identifier les signaux de détresse et réagir de manière appropriée. Ce n’est pas simple, car une mauvaise phrase ou une réaction maladroite peut briser la confiance d’une victime. Nous mettons un point d’honneur à accompagner nos équipes pour qu’elles soient à la hauteur de ces attentes.
Une Gendarmerie innovante et proactive
Vous avez parlé d’innovation, notamment avec les brigades mobiles. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Les brigades mobiles sont une réponse aux besoins des zones reculées ou difficiles d’accès. Équipées de VTT électriques et de véhicules légers, elles permettent une meilleure couverture du territoire. Ces unités ont aussi un rôle préventif : elles vont à la rencontre de la population, sensibilisent sur des sujets comme la sécurité routière ou les atteintes environnementales, et collectent des informations sur les problématiques locales. Nous avons même sur le secteur de Saint-Julien un véhicule qui a été transformé pour aller au devant de la population dans les zones moins habitées. Elle sera d'ailleurs inaugurée au début de l'année 2025.
Qu’en est-il des outils numériques pour la prévention ou la communication ?
Les réseaux sociaux sont devenus un levier majeur pour toucher le public. Nous y diffusons des messages de prévention, comme des conseils contre les cambriolages ou des informations sur la cybercriminalité. Par exemple, la semaine dernière, nous avons valorisé l’action de deux gendarmes qui ont sauvé un enfant en détresse respiratoire sur le secteur d'Evian. Ce type de communication humaine renforce la proximité avec les citoyens.
Sécurité et environnement : un équilibre délicat
La Haute-Savoie, avec ses paysages, demande une attention particulière à l’environnement. Comment la Gendarmerie agit-elle dans ce domaine ?
Nous avons des enquêteurs formés pour identifier et traiter les atteintes environnementales, qu’il s’agisse de dépôts sauvages, de pollutions ou de constructions illégales. Nous travaillons avec l’Office français de la biodiversité et d’autres partenaires pour mener des enquêtes approfondies.
Nous faisons aussi un travail de prévention auprès des entreprises et des particuliers pour les informer des bonnes pratiques. Ce territoire est exceptionnel et mérite qu’on le protège activement.
Un commandement tourné vers l’humain
Vous avez parlé d’épanouissement pour vos gendarmes. Pourquoi est-ce si important pour vous ?
Nos gendarmes sont en première ligne, souvent face à des situations difficiles, comme des violences intrafamiliales ou des accidents graves. Mon rôle est de m’assurer qu’ils disposent des moyens nécessaires pour accomplir leur mission et qu’ils se sentent soutenus, moralement et matériellement.
Je veux qu’ils soient fiers de leur travail et qu’ils renvoient une image positive de la Gendarmerie. Cela passe par un management humain, où l’écoute et la reconnaissance sont essentielles.
Quel est votre objectif personnel pour les années à venir ?
Je souhaite renforcer encore les liens entre la Gendarmerie et la population, moderniser nos outils et continuer à mettre l’humain au centre de nos actions. La Haute-Savoie est un département riche en défis et en opportunités, et j’ai à cœur de m’y investir pleinement.