Un combat quotidien contre les violences conjugales
Les violences conjugales constituent un fléau qui touche toutes les sphères de la société. En Haute-Savoie, la gendarmerie, sous la coordination de la Cheffe d’Escadron Charlotte Limonier, met en œuvre des dispositifs innovants et un réseau partenarial solide pour accompagner les victimes et prévenir ces violences. Retour sur les initiatives clés et les défis rencontrés.
Un constat alarmant : des violences en constante progression
Depuis plusieurs années, les chiffres des violences conjugales ne cessent d’augmenter. En Haute-Savoie, cette tendance se confirme : "Sur les dix premiers mois de 2024, nous avons observé une hausse de 10% par rapport à l'année précédente", explique la Cheffe d’Escadron Charlotte Limonier, en charge de la prévention et des partenariats. Les brigades du département accueillent en moyenne cinq victimes chaque jour, un chiffre qui témoigne de l’ampleur du phénomène.
Cependant, cette augmentation peut également être vue sous un angle positif : "C’est peut-être aussi le signe que la parole se libère. Les dispositifs de prévention et les partenariats que nous avons mis en place encouragent les victimes à nous contacter", nuance-t-elle. Pour autant, ces données restent préoccupantes, illustrant un problème enraciné dans toutes les catégories sociales, tous les âges, et au sein de toutes les professions.
Des violences protéiformes : au-delà des coups
Les violences conjugales sont souvent associées aux agressions physiques, visibles et facilement identifiables. Cependant, cette perception est loin de refléter l’ensemble des réalités. "Nous devons sensibiliser à d'autres formes de violences qui sont parfois invisibles, comme les violences économiques, psychologiques et surtout cyber", insiste la Cheffe d’Escadron.
Les cyber-violences, en particulier, explosent. "Neuf victimes sur dix font face à des cyber-violences, qui prennent des formes variées : rester joignable en permanence, permet l’accès à sa géolocalisation, logiciels espions installés dans les téléphones, trackers GPS dissimulés dans des sacs ou véhicules, et surveillance constante via des applications", détaille-t-elle. Ces pratiques, qui relèvent d’un contrôle insidieux, compliquent encore davantage la libération de la parole.
Les violences psychologiques, souvent minimisées, laissent également des séquelles profondes. "Humiliations répétées, isolement social, et manipulation sont autant de formes de violence qui détruisent une victime", ajoute-t-elle. Pour elle, il est essentiel de faire passer le message : ces violences sont tout aussi graves et méritent la même attention que les violences physiques.
Des dispositifs innovants pour soutenir les victimes
Face à ces défis, la gendarmerie de Haute-Savoie s’est dotée de dispositifs adaptés pour accueillir et accompagner les victimes dans un cadre sécurisant. Parmi ces initiatives, la Maison de Protection des Familles, située à Annemasse, joue un rôle central. "C’est un lieu neutre où exercent cinq gendarmes spécialisés, où les victimes, y compris les enfants, peuvent se sentir à l’aise, loin de l’environnement parfois impressionnant d’une brigade", explique la Cheffe d’Escadron. Les gendarmes y travaillent en tenue civile, dans des espaces aménagés pour préserver la confidentialité et réduire le stress des victimes.
D’autres brigades disposent de salles Mélanie, spécialement conçues pour accueillir les enfants victimes ou témoins de violences. Ces salles, équipées pour enregistrer les témoignages dans un cadre chaleureux et sécurisant, permettent de recueillir des informations cruciales tout en limitant les traumatismes.
La prévention est également au cœur des préoccupations. "Nous intervenons régulièrement auprès des mineurs pour les sensibiliser aux dangers des cyber-violences et à la question du consentement. Ces actions, menées en partenariat avec les écoles et les institutions locales, sont essentielles pour prévenir les comportements abusifs dès le plus jeune âge", explique-t-elle.
Le rôle clé des partenariats
La lutte contre les violences conjugales ne peut être menée par la gendarmerie seule. "C’est un travail partenarial. Nous avons besoin des associations, des services sociaux, des professionnels de santé et des collectivités pour accompagner efficacement les victimes", insiste la Cheffe d’Escadron.
En Haute-Savoie, ce maillage partenarial est particulièrement développé. Les associations d’aide aux victimes, les professionnels de santé et les travailleurs sociaux jouent un rôle crucial pour orienter les victimes vers la gendarmerie ou d’autres structures adaptées. "Ce lien de confiance est essentiel pour que les victimes puissent être accompagnées dans leur parcours, qui est souvent long et difficile", ajoute-t-elle.
Les commerçants et entreprises locales peuvent également devenir des relais précieux. Bien que ce partenariat ne soit pas encore formalisé, des initiatives sont régulièrement proposées :
"Quand une profession ou une entreprise nous sollicite pour sensibiliser ses employés, nous répondons toujours présents. C’est en multipliant les relais que nous pourrons toucher un maximum de personnes", affirme-t-elle.
Des freins persistants à la dénonciation
Malgré les efforts déployés, de nombreux freins empêchent encore les victimes de franchir la porte d’une brigade. "Le sentiment de honte, la peur des représailles ou encore la dépendance économique à l’agresseur sont des obstacles majeurs", souligne la Cheffe d’Escadron. Les cyber-violences ajoutent une difficulté supplémentaire :
"Certaines victimes savent qu’elles sont surveillées en permanence, ce qui rend toute démarche très risquée."
Pour pallier ces difficultés, la gendarmerie offre plusieurs options. Outre l’accueil en brigade, les victimes peuvent se tourner vers la plateforme en ligne Arrêtons les violences, où elles peuvent dialoguer anonymement avec un gendarme ou un policier. Les intervenants sociaux en commissariat et gendarmerie, présents sur l’ensemble des compagnies aujourd’hui, apportent également une aide précieuse.
Un engagement renforcé grâce à la formation
La gendarmerie de Haute-Savoie a également renforcé la formation de ses équipes pour mieux répondre aux besoins des victimes. "Depuis le Grenelle des violences conjugales en 2019, la formation initiale des jeunes gendarmes a été complètement repensée. En parallèle, la Maison de Protection des Familles organise des sessions de formation continue pour tous les gendarmes du département", explique la Cheffe d’Escadron.
Des référents en violences intra-familiales, formés spécifiquement, sont également déployés dans les brigades pour soutenir leurs collègues et intervenir dans les situations les plus complexes. "Ce sont des ressources précieuses, qui apportent une expertise pointue et un soutien aux équipes sur le terrain."
Un message d’espoir et de soutien
Interrogée sur le message qu’elle souhaite transmettre aux victimes, la Cheffe d’Escadron est claire : "Il y a toujours une solution. Que ce soit auprès d’une association, d’un professionnel de santé ou de la gendarmerie, des dispositifs existent pour vous écouter, vous croire et vous accompagner."
Grâce à des initiatives innovantes, des partenariats solides et un engagement sans faille, la gendarmerie de Haute-Savoie espère continuer à faire progresser la lutte contre les violences conjugales, pour qu’un jour, aucune victime ne se sente seule ou impuissante face à son agresseur.
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Exemple d’une borne installée à la brigade de gendarmerie de Meythet. (©Gendarmerie74)