«On aurait voulu être traités avec respect !»

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«On n’est pas contre le projet, mais pas en l’état et pas dans n’importe quelles conditions. Et on aurait aimé être tenus au courant. Ce qui s’est passé l’a été de manière brutale et irrespectueuse».
Pour nombre de propriétaires et occupants des logements situés dans le périmètre Rue Montpelaz-Rue des Tours, concernés par le projet «d’aménagement» préparé par la municipalité, la nouvelle a fait l’effet d’une douche froide : leur quartier allait subir des coupes franches, une partie de l’espace allait être rasée et urbanisée, et certains risquaient une expropriation.
Petit rappel des faits, pour commencer. Rumilly a été choisie, seule du département, pour bénéficier du programme «Action Cœur de Ville» destiné à revitaliser son centre historique. 
Et, parmi les actions retenues, l’ilot Montpelaz-Tours a été placé en priorité car, selon les urbanistes, souffrant «d’une image dégradée». Le projet prévoit «d’intervenir fortement sur le foncier» avec l’objectif de «recomposer un parcellaire plus adapté». 
Au programme, des regroupements de propriétés, des démolitions, des reconstitutions de bâtiments. Plus un ensemble de petits immeubles neufs sur la Rue des Tours (lire l’Hebdo des Savoie du 7 mars dernier).
Pour réaliser cette opération, que le maire Pierre Béchet considère comme indispensable, voire primordiale pour l’avenir du centre ville, la municipalité veut aller vite et, déjà, la recherche d’un aménageur en charge de l’opération a été lancée. 
Amis des Tours
Du côté des habitants du quartier, on n’a pas exactement les mêmes positions. «On n’a jamais été consultés», déclarent leurs représentants. «Le maire a annoncé en réunion publique que 90% des propriétaires concernés étaient d’accord pour vendre, alors qu’aucun d’entre nous n’a jamais donné son accord !». 
Et la plupart ont appris que leur maison était menacée lors de la réunion publique dite «de concertation» organisée en février dernier.
Un groupe de 18 propriétaires de l’ilot Montpelaz-Tours se sont rassemblés au sein d’un collectif, «Amis des Tours», pour échanger des informations et rechercher les meilleurs moyens d’influer sur les projets municipaux.
«Il n’y a pas eu de concertation, et aujourd’hui, on refuse, à la mairie, de discuter avec nous. On n’a pas un esprit obtus, on veut bien discuter du meilleur moyen de dynamiser le quartier. Mais pas de cette façon : il faut travailler avec les gens, pas de cette façon autoritaire. Le comportement des élus, c’est de l’irrespect !».
D’autant que la plupart des membres du collectif éprouvent un certain attachement à leur quartier où nombre d’entre eux ont grandi ou qu’ils ont adopté depuis longtemps. 
Un quartier à la valeur patrimoniale remarquable puisque construit en partie sur les remparts médiévaux de la ville, et en partie sur les jardins des ordres monastiques comme les Bernardines. Certaines maisons possèdent des caves voûtées qui témoignent de l’histoire de Rumilly.
Un drame humain
L’histoire, justement ! Au-delà de ce que les membres du collectif n’hésitent pas à nommer «drame humain», en particulier pour certaines personnes âgées qui imaginent avec terreur devoir quitter la maison où elles ont vécu toutes ces années, l’aspect patrimonial n’est pas à négliger pour eux. 
Dans une ville qui, il faut bien le reconnaître, s’est plus préoccupée, même avec succès, de son développement économique que de la conservation de son patrimoine architectural, le projet Montpelaz-Tours, selon les membres du collectif, «fédère toutes les innovations calamiteuses, aujourd’hui obsolètes» fondées sur la multiplication des «barres d’immeubles».
L’histoire de Rumilly, pour eux, se trouve dans ces bâtiments anciens, un patrimoine architectural qu’ils souhaitent voir rénover plutôt que de vouloir «absorber le trop-plein d’Annecy, s’agrandir, devenir un vaste dortoir, faire du chiffre».
Pour ces propriétaires de «vieilles pierres» qu’ils ont, pour la plupart, rénovées pour y créer des logements confortables pour eux ou pour la location, le risque, c’est qu’on leur propose un rachat à un prix qui ne leur permettrait pas d’acheter un autre bien comparable. D’autant que le charme des maisons du «Vieux Rumilly» et de leurs jardins est difficilement remplaçable. «Comment retrouver un logement en centre ville avec un jardin ? L’identique n’existe pas.»

Débats citoyens
Globalement, les «Amis des Tours» ne sont pas radicalement opposés à un projet de rénovation de leur quartier. Mais ils refusent qu’on considère leur lieu de vie comme un quartier «à l’image dégradée» qu’il faudrait raser en partie, voire totalement sur la rue des Tours. Et ils refusent également d’être mis devant le fait accompli, sans réelle concertation. En supportant une pression forte pour les pousser à vendre. Voire certains actes «d’intimidation»…
Certains ont déjà pris contact avec des avocats pour tenter de résister au projet actuel. Des recours sont, évidemment, possibles qui risquent bien de retarder, pour le moins, l’avancée des travaux envisagés. «Pendant 40 ans, on n’a rien fait et on veut tout changer en trois mois ?», arguent les «Amis des Tours» qui ont bien l’intention de porter le débat sur la place publique en cette période pré-électorale. 
Ils organisent d’ailleurs une série de «débats citoyens» pour inviter à proposer des projets alternatifs. Le premier de ces débats aura lieu le jour de la fête patronale, le samedi 7 septembre, symboliquement dans l’ancien jardin des Bernardines au 5 de la rue des Tours.
L’occasion, peut-être, d’une réelle et attendue concertation…
 

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