Qui est Anaïs Vincent, la nouvelle vice-championne du monde de paracyclisme licenciée à Rumilly ?
Anaïs Vincent à la mairie de Rumilly. - Photo : Alexis Fernandez
Il y a des histoires qui forcent le respect. Celle d'Anaïs Vincent est l'une d'entre elles. Sportive dans l'âme, elle pratiquait plusieurs sports. "J'ai toujours aimé le sport depuis toute jeune. Je pratiquais au collège, au lycée j'étais dans une section sportive. Il s'agissait plutôt des sports d'extérieur que ce soit la course à pied, l'escalade ou le ski l'hiver", détaille-t-elle. Alors en STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives) à Chambéry, elle voulait d'ailleurs en faire son métier. Mais un jour, le 6 mars 2021, sa vie bascule. Alors qu'elle pratique l'escalade, elle fait une lourde chute d'une falaise.
Un bouleversement total
Vivante mais paraplégique, sa vie et son quotidien prennent un nouveau tournant. Elle doit subir de longs mois de rééducation après la réanimation. Hôpital puis centre de rééducation spécialisé à Hyères dans le sud de la France. Anaïs Vincent doit apprendre à vivre différemment. "Il faut du temps parce qu'il faut déjà comprendre ce qu'il nous arrive, comment on va être parce qu'au début on se demande si c'est provisoire", confie la jeune femme.
Malheureusement il n'en est rien. "Quand j'ai compris que j'allais rester assise dans un fauteuil, je n'avais plus le choix, il fallait aller de l'avant", explique Anaïs. De retour chez elle le 6 septembre, elle souhaite alors rapidement retrouver une activité sportive malgré tout. "Un peu par hasard", elle découvre le handbike et entrevoit la possibilité de pratiquer ce sport. "Le handbike a été le sport où je m'y retrouvais, où je prenais du plaisir et j'ai rapidement voulu me fixer des objectifs", indique la jeune femme.
Son père lui achète alors un vélo adapté dès son retour alors qu'elle a pu essayer l'activité au centre de rééducation. Et si le handbike lui permet de voir ses amis et de sortir dans un premier temps, il devient rapidement important pour Anaïs. Ce sport lui permet d'avoir une liberté et une forme d'autonomie. C'est en se renseignant sur internet qu'elle prend connaissance de l'aspect compétitif du handbike et aussi de Florian Jouanny qui le pratique dans la région grenobloise.
Un exemple avec qui elle échange et qui lui propose même une sortie. La première d'une longue série pour Anaïs et Florian même si la jeune femme ne se consacre pas encore pleinement au vélo. "Je poursuivais mes études en même temps", précise-t-elle. Elle veut néanmoins progresser et bénéficier des conseils de Florian qui représentent une aide en ce sens.
Des débuts prometteurs
Elle doit alors trouver un club qui l'accueille pour participer à des compétitions et trouve de l'aide. "Lorsque j'étais étudiante en STAPS, j'étais avec une amie qui s'appelle Laure Mercier et qui est entraîneure à Rumilly. Quand j'ai eu mon accident, elle a affilié son club à la Fédération française handisport pour que je puisse avoir ma licence", raconte Anaïs Vincent.
Pour ses débuts en compétition, elle fait forcément quelques erreurs. "Je faisais un peu de vélo avant mais pas du tout dans un esprit de compétition. Je n'avais pas du tout de notions au niveau des courses, des formats ou du sens de l'activité. C'était une découverte", se remémore la compétitrice. Mais Anaïs Vincent se plaît dans ce sport, alors elle persévère et décide d'y accorder une bonne partie de son temps. En septembre 2022, difficile de concilier le vélo et sa vie d'étudiante alors qu'elle commence une autre licence STAPS à Montpellier en APAS (Activité physique adaptée et de santé).
L'année suivante, avec deux licences dans la poche et après avoir interrompu sa licence, elle se lance finalement à fond dans son sport. "Dès que j'ai pu, j'ai fait le choix de faire ça à 100% de mon temps, j'ai pris cette option".
Le regard tourné vers la compétition, elle bénéficie du travail fait en amont par Florian Jouanny qui devient son compagnon. "Florian avait déjà fait énormément de travail avec sa famille qui l'accompagne et notamment son père qui fait la mécanique, donc ça a été un gain de temps énorme et finalement ça a été un modèle à suivre à l'entraînement et tous les jours jusqu'à aujourd'hui", valorise-t-elle. Quatrième lors du contre-la-montre de ses premiers championnats du monde, elle constate son potentiel.
Une ascension fulgurante
Dans la tête d'Anaïs, les Jeux paralympiques 2024 font alors figure d'objectif majeur. Ses deux médailles de bronze aux championnats du monde de 2023, déjà une "victoire" pour la jeune femme, lui font croire en ses chances de qualification. "Je ne voulais pas rater le coche et je voulais tout donner pour essayer peut-être d'envisager les Jeux", se rappelle la paracycliste.
À force de travail, elle accède à son premier objectif majeur : se qualifier pour les Jeux paralympiques. "On l'a su un peu au dernier moment parce que ça dépendait des quotas de place par nation et des sélections de l'équipe de France", détaille-t-elle. Lancée dans le grand bain en France, elle s'offre deux cinquièmes places. Pas le résultat attendu mais "une belle expérience".
Elle continue néanmoins à s'entraîner sans relâche. "Une fois qu'on dit qu'on fait que du vélo, il faut en faire même dans des conditions difficiles, quand il fait pas beau ou quand il fait froid par exemple. Il faut aimer se faire mal parce que c'est un sport très physique", révèle la jeune femme. Tout son quotidien s'articule désormais autour du vélo.
Alimentation, entraînement et récupération sont scrutés attentivement par Anaïs. Sa famille est alors d'une aide précieuse pour tenter de poursuivre "une progression constante". L'entraînement, qui peut durer parfois plus de 4 heures, est d'ailleurs le moment clé de la journée. Anaïs Vincent s'entraîne d'ailleurs 6 jours sur 7 avec une programmation réalisée par un entraîneur. Plus rien n'est laissé au hasard malgré les difficultés que cela peut impliquer.
De beaux défis à venir
Le financement est par exemple l'un des points les plus difficiles à gérer alors que les courses ne rapportent pas d'argent. "Il faut se développer un peu comme un micro-entrepreneur donc il faut chercher des partenaires et des sponsors pour financer la saison mais aussi pour vivre toute l'année", résume Anaïs. En dépit de ces contraintes, la jeune femme de 25 ans poursuit sa route et son ascension au plus haut niveau.
Ses deux médailles d'argent en championnats du monde en août en témoignent. Elle veut cependant viser plus haut. "Il y a eu de la progression mais il y a aussi une marche pour avoir la première place donc il y a encore du défi pour essayer d'être la meilleure", nuance la vice-championne du monde.
Si l'or en championnat du monde représente désormais le prochain objectif de taille, les championnats du monde 2027 en Haute-Savoie auront forcément un côté sentimental et symbolique alors que les épreuves devraient se dérouler autour de Rumilly. Une médaille à domicile représenterait donc le scénario parfait et une bonne préparation avant les Jeux paralympiques de 2028 à Los Angeles. D'ici là, nul doute qu'Anaïs aura pour objectif de performer.
Elle se lance d'ailleurs bientôt à l'assaut des 7 cols majeurs des Alpes entre le 22 et le 27 septembre pour un total de 370 km de route et un peu plus de 10 000 mètres de dénivelé. Une manière de faire parler de son sport, peu médiatisé, et de peut-être bénéficier de plus de considération que ce soit de la part des médias ou des sponsors alors que les championnats d'Europe ont été annulés récemment faute de ville organisatrice.
Très impliquée, elle ne manque d'ailleurs pas d'encourager ceux qui hésitent à se lancer. Elle réalise qui plus est des interventions en milieu scolaire quand elle le peut pour "montrer aux enfants ce qu'on peut faire malgré le handicap". Un bel exemple d'abnégation pour les jeunes et les moins jeunes.
Photo : agence YP Médias/Valentin Jacquemet