Après un accident de la route, il remonte en selle à l’envers

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Robert Poggio après son ascension du Galibier en juin dernier. Malgré son grave accident et ses nombreuses fractures, il a réussi à reprendre le sport et le vélo.

Robert Poggio après son ascension du Galibier en juin dernier. - Photo : Robert Poggio

C'est une histoire difficile à croire, que l'on pourrait sans doute ranger dans la case insolite si seulement elle était classable.

Le dimanche 8 juin, pour célébrer ses 80 ans, Robert Poggio a réalisé la montée du Galibier à vélo accompagné de son fils. Mais ce que ceux qui l'entourent ne savent pas c'est que le nouvel octogénaire n'en était pas à son coup d'essai puisqu'il avait déjà réalisé l'ascension mais cette fois, en marche arrière, 40 ans auparavant (en 1985) sans mettre le pied à terre. Une performance qui peut sembler surréaliste mais bien réelle.

Elle fait d'ailleurs l'objet d'un record du monde dans le Guinness book des records. Si Robert Poggio s'est une nouvelle fois lancé un défi, ce n'est pas dû au hasard, il voulait passer un message. "Je voulais montrer qu'avec beaucoup de patience et de volonté tout le monde peut améliorer la condition dans laquelle il se trouve", explique Robert Poggio. Un message qu'il tente de transmettre depuis des années car son cas relève du miracle.

Un terrible accident

Car le chemin a été semé d'embûches pour le cycliste aguerri. Cinq ans après son record du monde, en 1990, il est victime d'un grave accident de la route. "J'ai eu un terrible accident à Vallières en face de la carrosserie Josserand", raconte-t-il. Coincé dans la voiture accidentée, il perd connaissance. Pour autant, son heure n'est pas arrivée. Le garagiste Aimé Josserand, installé juste en face de l'accident tente d'intervenir et prend la main de Robert Poggio.

Un simple contact qui n'a rien d'anodin pour le cycliste alors dans le coma. "C'est ce lien qui m'a tenu à la vie", indique Robert. "Quand il a voulu me lâcher pour trouver le moyen de me dégager, j'ai réussi à lui faire comprendre qu'il ne fallait pas qu'il lâche ma main", poursuit-il. Emmené aux urgences, il s'en sort finalement avec une trentaine de fractures en plus de nombreuses blessures. Rotules, fémurs, côtes... Son corps n'a pas été épargné mais il est bel et bien vivant.

Les pronostics des médecins ne sont néanmoins pas encourageants concernant sa mobilité. Il est même considéré inapte à refaire le moindre sport ou même à se déplacer normalement. Mais Robert Poggio ne l'entend pas de cette oreille, il entame une rééducation exigeante. "Le plus dur, c'est de ne pas savoir combien de temps ça va prendre de retrouver ses facultés", estime-t-il. 

Un retour en force

Face aux diagnostics des médecins, il s'accroche à cet espoir. Après de multiples opérations, deux ans et demi de rééducation et 398 séances de kinésithérapie plus tard, le miracle a lieu. Robert Poggio est de nouveau capable de marcher et de remonter sur un vélo. Un succès qu'il met au crédit d'une volonté farouche et d'un cadre idéal notamment grâce à l'eau thermale d'Aix-les-Bains où il réside.

Après cela, il veut continuer d'avancer vers ses objectifs. "Quand on est sur le lit d'hôpital, on pense à tout ce qu'on a voulu et pas pu faire parce qu'il y avait le travail, la vie de famille et là je me suis dit que si je remontais sur mon vélo je n'avais plus de temps à perdre", explique-t-il. Dans un premier temps, il ressent le besoin de rencontrer celui qu'il considère comme son sauveur, Aimé Josserand avec lequel il entretient désormais de bonnes relations.

Mais ayant retrouvé toutes ses facultés, il ne tarde pas non plus à se relancer des défis. Son ascension du Mont-Blanc huit mois seulement après la fin de sa période de convalescence en atteste. "Tout ce que j'ai fait après l'accident en découlait", souligne-t-il. Mais ce qui le galvanise c'est bel et bien de retrouver son vélo. Et pour l'année 2000, il réalise un exploit jamais atteint auparavant.

De nouveaux défis

Celui de faire 2000 km divisés en 20 étapes en marche arrière sur son vélo. En partant de Genève, il rallie Brest. Il ne néglige pas pour autant sa sécurité car rouler dos au sens d'avancée (donc sans voir la route) reste dangereux. "J'avais une voiture devant moi, une voiture derrière et un cycliste dans le bon sens pour me donner des indications sur la route et me guider", détaille-t-il. Bien encadré, il est équipé de son vélo habituel pour concrétiser cette performance.

Seules quelques petites modifications avaient été réalisées sur le deux-roues du cycliste. "J'ai relevé le guidon, inversé les cale-pieds et j'ai mis le changement de vitesse sur la barre horizontale", précise Robert. Ainsi, il enregistre un nouveau record (inscrit au Guinness book) qui attire toutes les plus grandes chaînes de télévision nationales et même CNN. Pendant ce tour de force, il a d'ailleurs joint l'utile à l'agréable. "Dans toutes les municipalités j'ai collecté du matériel scolaire pour les enfants des tribus des montagnes en Thaïlande", raconte le recordman. Donner sans rien attendre en retour, il en fait une de ses marques de fabrique à la suite de son accident.

La volonté d'aider les autres

Celui qui ne détient pas moins de 3 records dans le célèbre livre Guinness book (puisqu'il a également réalisé 7 tours de piste en pédalant les jambes croisées), a en effet choisi de s'ouvrir au monde. "J'ai appris, à travers l'accident, à penser plus aux autres qu'à moi". Il veut aussi faire passer un message fort d'espoir à travers son histoire. Et si établir des records n'était pas le but à la base, il le concède : "Pour faire passer un message il fallait faire quelque chose qui sort de l'ordinaire. Je voulais que rouler à l'envers ça ait un sens".

Plusieurs fois relatées, notamment à la télévision, ses prouesses ont certainement permis de donner un peu d'espoir aux gens. Retraité après avoir travaillé dans la banque, Robert Poggio consacre désormais son temps à profiter des moments simples de la vie et à faire de bonnes actions quand il le peut. Il a notamment été président du club handisport du bassin aixois pendant 15 ans dans cette démarche. Toujours dans cet objectif, il va désormais en Éthiopie et à Madagascar pour enseigner les maths. "Apporter quelque chose aux autres représente une grande richesse", sourit l'octogénaire. Une joie qu'il retrouve également en remontant sur son vélo.

D'ailleurs, il n'enterre pas complètement l'idée de réaliser à nouveau la montée du Galibier au moins en partie en marche arrière "avant d'être trop vieux". Il entend bien profiter de chaque moment, car il le sait mieux que personne : "Il faut toujours avancer parce que le temps, lui, avance dans tous les cas". Il ajoute : "beaucoup trop de gens vivent sans se rendre compte du miracle étonnant de chaque seconde, voient un paysage sans l'admirer, respirent sans savoir que c'est l'essence de la vie."

Robert Poggio sur son vélo. - Photo : Robert Poggio
Robert Poggio sur son vélo. - Photo : Robert Poggio
Robert Poggio lors de son record du monde à l'envers. - Photo : Robert Poggio
Robert Poggio lors de son record du monde à l'envers. - Photo : Robert Poggio
Robert Poggio - Photo : Alexis Fernandez 
Robert Poggio - Photo : Alexis Fernandez 
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