Artisans et commerçants à poil
Le mouvement prend de l’ampleur depuis quelques jours, y compris sur l’Albanais : interdits d’exercer leur activité, artisans et commerçants se mettent à nu sur les réseaux sociaux pour interpeller les consciences… et les pouvoirs publics.
Ils sont coiffeurs, photographes, créateurs, barbiers, restaurateurs… Depuis quelques jours, ils ont pour point commun de poser dans le plus simple appareil, sur des photos diffusées sur les réseaux sociaux, souvent accompagnées d’une même phrase « Quitte à être mis(s) à poil par la Covid, je préfère le faire moi-même ».
Le mouvement s’est rapidement étendu à l’ensemble du pays, relayé localement par des artisans ou commerçants mécontents d’être considérés comme « non essentiels » et de voir leur activité à l’arrêt depuis l’entrée en vigueur du second confinement, le 30 octobre dernier.
Eveiller les consciences
La Picardie a donné le ton, sous l’impulsion de la photographe professionnelle « Anorgraphie ». Celle-ci a décidé d’élargir l’initiative, d’abord limitée aux seuls photographes, à l’ensemble des artisans du secteur qui le souhaitaient. L’idée était de faire prendre conscience aux autorités que ce qui est classé non essentiel pour elles est vital pour ces artisans. Au fil des jours des groupes ont pris naissances dans toutes les régions de France, de nombreuses photos ont été publiées sur les réseaux sociaux, assorties du Hastag #artisansapoil et #1ereentreprisedefrance. Sur le secteur de l’Albanais, ils sont déjà une vingtaine de personnes à participer au mouvement, ils sont coiffeurs, photographes, restaurateurs, bijoutiers, créateurs…). Nous avons rencontré l’une d’entre elles, Marina, Photographe, « Un instant de Bonheur ».
Un cri d’alarme
Comme nous le confie Marina, installée sur Marcellaz-Albanais, le mouvement est un cri d’alarme lancé au gouvernement suis à la fermeture des « petits commerces non essentiels ». « S’il est déjà difficile à accepter qu’on nous considère comme non essentiels… Je rappelle à toute fins utiles que le secteur de l’artisanat est le premier employeur du pays…
Comme beaucoup d’autre artisans, à l’annonce de la fermeture de son activité (et de tous les commerces qualifiés de « non essentiels »), Marina Martinez photographe décide de monter au créneau pour défendre son activité et demander une réouverture. Pour faire entendre la colère des artisans, Marina a rejoint le mouvement #artisanapoil et pose, nue, dans son studio pour protester contre des mesures qu’elle juge « inacceptables ». « J’ai découvert ce collectif sur les réseaux sociaux. J’ai cliqué sur une photo où un photographe était à poil et j’ai compris tout de suite que tous les photographes allaient vraiment se retrouver à poil financièrement avec cette nouvelle fermeture » affirme-t-elle.
Si cette photographe endosse le costume de porte-parole des artisans du secteur, c’est qu’elle estime la situation intenable. « C’est une question de survie. Nous ne tiendrons pas très longtemps. Nous avons compris et accepté le premier confinement. C’était dur mais nous avons tenu. Là c’est trop ! ».
Et malgré tous ses efforts, la jeune photographe se sent même trahie par le gouvernement. « Pendant la période estivale j’ai toujours respecté les gestes barrières consciencieusement et mis en place des mesures sanitaires (gel, masque, chaussures à l’extérieur du home studio…). Aujourd’hui, après tous ces efforts, je crie à l’injustice ! Maintenant on demande aux petits commerçants de refermer alors que les grandes surfaces restent ouvertes ? Je doute qu’il y ait plus de risque d’attraper le virus dans mon studio que dans une grande surface ! Le gouvernement est en train de détruire certaines petites entreprises qui luttent pour survivre. Notre travail n’est peut-être pas assez important aux yeux du gouvernement mais c’est ce qui nous permet de vivre et d’honorer nos factures. On reste positifs et on garde le sourire malgré tout ! »
2020 un chemin de croix ?
Pour l’heure Marina espère que de nombreux commerçants et artisans de secteurs différents continuent de rejoindre le mouvement solidaire #artisansapoil pour faire entendre leur mécontentement. Cela semble être le cas, récemment sur le secteur de Rumilly, Alexia Coiffure, l’atelier du Minotaure et Eiffer maroquinerie ont rejoint elles aussi le mouvement !
Marjolaine de l’Atelier du Minotaure évoque une année 2020 « qui nous pousse à aller chercher deep, deep inside. Creuser toujours plus profond, à la recherche de notre ténacité, de notre petite lumière tout au fond… pour révéler des trésors d’adaptabilité. …/… 2020 me fatigue. Et pourtant, grâce à elle, là j’ai repoussé mes limites encore d’un cran. …/… 2020 c’est un chemin de croix qui nous mène à la solidarité, c’est dans la communauté, et la sororité qu’on retrouve le seul réconfort qui compte. Vraiment. ».
Honorer les charges
Lors du premier confinement des dispositifs d’aide ont été mis en place pour les petites entreprises, or comme en témoigne Karine d’Alexia Coiffure « Nos propriétaires ne se soucient pas de savoir comment on va pouvoir assumer le loyer sans chiffre d’affaires ! L’Etat met en place des dispositifs, mais ce n’est pas suffisant. D’autant plus que certaines aides liées au premier confinement n’ont à ce jour toujours pas été versée ! ».
Alors oui pour ce second confinement le Click & Collect fleurit partout, mais comme le fait à juste titre remarquer Karine, il n’est pas applicable aux métiers de services (coiffeurs, salon de beauté, de tatouage, intermittents du spectacle…). Vous l’avez tous entendus, l’état a lancé un appel général au propriétaire pour qu’ils n’appellent pas le loyer du mois de novembre contre crédit d’impôt. Combien honoreront cette demande ? Dans une ambiance aussi morose, pas étonnant que certains craquent, ils ne vont pas attendre de couler leurs affaires sans rien dire !
Pallier au difficultés
Les petits artisans doivent faire preuve d’ingéniosité et d’organisation pour pallier aux difficultés engendrées par la situation sanitaire et ne pas compter leur heures … Pas évident de concilier la production, dégager du temps pour mettre en place un « Click & Collect », honorer les commandes personnalisées, échanger avec la clientèle en distanciel … tout ça en même temps ! Et ce sans parler des coûts supplémentaires induits ! « La mise en place d’une plateforme ‘Click & Collect’ est une excellente initiative, mais pour un artisan comme moi, il est très compliqué de gérer la charge de travail informatique générée. Surtout en cette période avant fête, ou il est important de produire. La seule période du 15 novembre à Noël représente 40 % de mon chiffre d’affaires annuel et une structure comme la mienne, ne sera aidée qu’à hauteur de 1 500 € par mois » confie Fanny, Eiffer Maroquinerie.
Une émotion palpable
Qu’ils soient coiffeur, bijoutier, artisan, restaurateur, intermittents du spectacle, ils ne rencontrent pas les mêmes difficultés, mais ils sont à travers ce collectif #artisansapoil tous solidaires face à cette crise sanitaire inédite. Au travers de leur témoignage, l’émotion est forte car l’avenir est incertain ! Pour Marina, Karine, Marjolaine Sabrina, Mélanie, Kévin et Fanny l’inquiétude n’est pas que comptable, leur métier, c’est leur passion avant tout, ils l’ont choisi pour ce qu’il apporte humainement. Ils ne demandent pas la lune, ils veulent simplement continuer à gagner normalement leur vie, pouvoir travailler tout simplement …
Bravo à toutes celles et ceux qui acceptent de se faire photographier dans le plus simple appareil. La nudité n’est pas de l’exhibitionnisme ou de la séduction vulgaire, mais une vraie expression personnelle forte et engageante ! Cette action collective en est encore une preuve ! Espérons qu’elle portera ses fruits avant qu’il ne soit trop tard…