Aurore Bergé : «la France porte une vision claire et abolitionniste»
Aurore Bergé, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, s’est déplacée en Haute- Savoie jeudi 16 mai. Plusieurs thématiques ont rythmé cette visite : l’entreprenariat féminin et la place des femmes dans le milieu agricole, la lutte contre les violences faites aux femmes et le sport féminin.
Commission départementale de lutte contre la prostitution
Après s’être entretenue avec une dizaine de femmes agricultrices dans une exploitation à Sciez et juste avant de rencontrer l’association annécienne Drôles de Rames (rassemblant une quarantaine de femmes touchées par le cancer du sein qui pratiquent le Dragon Boat), la ministre a participé à la commission départementale de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle. Placée sous l’autorité du préfet, cette commission créée en 2017, au lendemain de l’adoption de la loi du 13 avril 2016 qui vise à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées (via un parcours de sortie de la prostitution, avec accompagnement individualisé par une association agréée, aide financière à l’insertion sociale et professionnelle, hébergement…), réunit de nombreux acteurs clés du territoire haut-savoyard (services départementaux de l’Etat, Police, Gendarmerie, Education nationale, Conseil départemental, parquet, association des maires, association d’aide aux victimes…).
Stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel
Afin d’intensifier les actions de lutte contre l’exploitation sexuelle, Aurore Bergé a présenté le 2 mai dernier la première stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel, réalisée en collaboration avec Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Éric Dupond- Moretti, garde des Sceaux et ministre de la Justice, Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention et Sarah El Hairy, ministre déléguée chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles ainsi qu’avec l’ensemble des acteurs institutionnels et associatifs concernés. Depuis la loi du 13 avril 2016, les personnes en situation de prostitution sont reconnues comme des victimes de violences.
La ministre a profité de cette commission pour présenter les quatre axes de cette nouvelle stratégie interministérielle, aux côtés du préfet Yves Le Breton et de la procureure Line Bonnet, en présence des députés de la majorité, de la présidente du Grand Annecy et du maire d’Annecy.
«Prostituteur» plutôt que «client»
Plusieurs questions et problématiques ont été abordées : exploitation sexuelle des mineurs, prostitution en ligne (renforcement des cyberenquêteurs), exploitation sexuelle « logée » (signature de conventions avec les grandes plateformes d’hébergement pour la prévention et la détection de ces pratiques), activité des « salons de massage » abritant de la prostitution, proximité avec la Suisse où la prostitution est légale et règlementée.
Tous sont unanimes : aujourd’hui, la prostitution est peu visible sur la voie publique mais elle est bien présente sur le territoire. « La France porte une vision claire et abolitionniste. Nous considérons que les personnes en situation de prostitution sont systématiquement en situation d’exploitation sexuelle. Ce sont des victimes de violences, de maltraitance et de traite des êtres humains » a martelé la ministre. « Le terme « client » déresponsabilise de manière absolue, il vaut mieux employer le terme « prostitueur » ».
40 000 personnes dont 30% de mineurs
En France, le nombre de personnes en situation de prostitution est estimé à 40 000 dont 30% de mineurs. « Notre attention doit être renforcée car ce sont nos enfants, des adolescents notamment issus de la Protection de l’enfance qui malheureusement deviennent des proies car ils sont en situation absolue de vulnérabilité ». La ministre insiste sur cette notion de « vulnérabilité », qu’elle décrit comme étant le point commun de toutes ces personnes : « précarité économique et financière, par exemple des femmes en situation de monoparentalité, personnes ayant été victimes de violences sexuelles, d’abus, d’inceste ou de violences intrafamiliales, etc. ». Elle rappelle que « la France est le seul pays au monde à avoir créé une allocation dédiée à la sortie de la prostitution ».
Des parcours de sortie de prostitution
L’association agréée Apreto (la seule en Haute-Savoie, implantée sur le territoire d’Annemasse) propose depuis 2018 un dispositif d'accueil et d'accompagnement en direction des personnes en situation de prostitution et/ou victime de la traite des êtres humains : l’Appart’74. « Notre objectif, c’est que de plus en plus de personnes puissent avoir accès aux parcours de sortie de prostitution qui permettent de sortir et surtout de ne plus revenir dans le système prostitutionnel » explique la directrice Latifa Adjmi. « L’association existe depuis 40 ans avec un fort ancrage territorial. Nous accueillons à ce jour plus de 1000 personnes confrontées à des problématiques addictives. Avec l’Appart’74, nous avons commencé par accompagner 6 personnes et aujourd’hui nous en accompagnons plus de 70, femmes et hommes de tous horizons ». Elle précise qu’ « au tout début, ce sujet était vraiment tabou, il nous était très difficile de pouvoir le partager et mobiliser des personnes. Dernièrement, une rencontre a été organisée à Annecy pour « comprendre et repérer le phénomène prostitutionnel » et plus de 160 personnes étaient présentes dont des institutions qui accueillent des enfants en difficulté et des établissements scolaires ».
«Apprendre le respect de son propre corps et de l’autre»
Apreto effectue de nombreuses maraudes numériques pour entrer en contact avec les personnes en situation de prostitution. « 99% ont subi des psychotraumatismes, soit dans leur famille soit durant le voyage qui les a conduits sur le territoire français. C’est un travail quotidien de dentelier car on fait du sur-mesure ». Valérie Gonzo- Massol, conseillère départementale en charge des violences intrafamiliales, a interpellé Aurore Bergé : « Par pitié madame la ministre, faites en sorte que les 3 heures d’éducation à la sexualité et à la vie affective soient réellement appliquées et avec les bons acteurs ! Ne laissez pas les directeurs, les proviseurs, les professeurs tout seuls sur les choix des acteurs » et a insisté sur la nécessité d’ « apprendre le respect de son propre corps et de l’autre ». La ministre a abondé dans son sens : « Nos enfants doivent dès le plus jeune âge savoir ce que veut dire le respect, le respect d’eux-mêmes, des autres, l’intégrité de leur corps et la question du consentement. Nous souhaitons faire un travail de refonte des programmes adaptés aux différents âges, de la maternelle jusqu’au lycée, en garantissant l’effectivité de ces heures avec l’intervention de personnes formées ».
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Echanges avec les membres de la commission dont l’association Apreto.