Brucellose : abattage total d’un élevage de 235 vaches

Lecture 6 minute(s)

Suite à l’abattage de plus de 230 bovins appartenant à un éleveur de la commune de Saint-Laurent, en Haute-Savoie, et au vu des nombreuses critiques reçues à l’encontre des services de l’Etat, Alain Espinasse, préfet du département, a tenu une conférence de presse jeudi 6 janvier à Annecy, aux côtés du colonel Benoît Tonanny, commandant du groupement de gendarmerie de Haute-Savoie et de Chantal Baudin, directrice départementale de la protection des populations (DDPP) pour faire un point sur cette décision qu’il qualifie comme ayant été «extrêmement difficile» mais prise et mise en œuvre dans un cadre de droit bien précis: «La position de l’Etat, quoi que certains puissent en dire, a depuis le début été guidée par deux priorités que nous avons essayé de concilier du mieux possible: la préservation de la santé publique ainsi que la protection et l’avenir de l’éleveur et sa famille». Alain Espinasse explique que des analyses ont été effectuées durant de longues semaines et que toutes les possibilités pour éviter cette exécution massive ont été étudiées, mais qu’aucune autre solution n’était malheureusement envisageable.

«Maladie très contagieuse et souvent inapparente»

Mardi 4 et mercredi 5 janvier, un troupeau de vaches laitières a été transporté à l’abattoir de Bonneville pour être exécuté suite à la découverte, en octobre 2021, d’un cas positif à la brucellose, maladie «très contagieuse et souvent inapparente» comme l’explique Chantal Baudin. La directrice départementale de la protection des populations est revenue sur les raisons qui ont mené à la mise en place d’une règlementation européenne d’abattage total d’un élevage même quand une seule bête est testée positive à la maladie  : «Les animaux peuvent être porteurs de la bactérie sans développer de symptômes et avec des résultats de tests pouvant se révéler négatifs, en sachant que la brucellose est transmissible de l’animal à l’homme, lors de contacts directs ou lors de la consommation de produits au lait cru, et il faut savoir que c’est un danger sanitaire très grave». Depuis 2005, le pays est officiellement reconnu «indemne» de la brucellose bovine par l’Union Européenne, mais en 2012, une résurgence avait été constatée avec la contamination de deux enfants, par la même souche bactérienne que celle détectée en automne dernier à Saint-Laurent, après avoir consommé du fromage au lait cru issu du troupeau d’une exploitation laitière située dans le massif du Bargy. «Ces enfants en gardent des séquelles» alerte le préfet, ajoutant qu’on avait retrouvé à l’abattoir des bactéries du genre Brucella sur deux des animaux dont la sérologie s’était pourtant préalablement révélée négative.

Chantal Baudin précise qu’avant les années 90, «on ne faisait que des abattages partiels, mais on observait des résurgences 4-5 après avec des cas positifs dans le cheptel, c’est donc pour ces raisons que l’Etat et l’Europe ont décidé de procéder à un abattage total». La brucellose est classée au niveau européen comme une maladie à «éradication obligatoire».

Aider et accompagner l’éleveur

Alain Espinasse reconnait que ces deux journées d’abattage ont été éprouvantes pour tout le monde : «Les gens venus manifester leur opposition et leur incompréhension, l’éleveur, ses proches, et aussi les services de l’Etat même s’il est évident que l’on n’arrivera jamais à l’émotion et la douleur que l’éleveur a pu ressentir». Il a ensuite souligné l’importance de le soutenir financièrement et moralement dans cette épreuve : «On va travailler dans les semaines et les mois qui viennent pour l’accompagner et l’aider à reconstituer son cheptel, même si rien n’indemnisera jamais la douleur ni l’attachement sentimental de l’éleveur pour ses animaux». Une aide lui sera versée pour compenser cette perte et pour la prise en charge des dépenses annexes tels que le nettoyage ou encore la désinfection des lieux.

Décision ne faisant pas l’unanimité

De nombreuses personnes s’étaient mobilisées, notamment sur les réseaux sociaux, afin de réclamer la préservation du troupeau, comme le collectif «Sauvons les vaches de Saint-Laurent», soutenu, entre autres, par des élus écologistes, des agriculteurs et des vétérinaires, qui avait lancé une pétition ayant atteint près de 85 000 signatures le premier jour de l’exécution.

Plus d’une centaine d’opposants se sont réunis mardi 4 janvier au petit matin, à proximité de la ferme, pour former un cortège pacifiste autour des bétaillères en soutien à l’éleveur et ses bêtes. Une pancarte accrochée à un tracteur portait le message «L'Europe a participé au génocide de cet élevage».

«Je comprends que la famille de l’éleveur puisse trouver cette décision injuste car elle touche à son outil de travail, à l’investissement d’une vie et à toute l’affection qu’elle a pu mettre dans son troupeau. Je serais plus critique sur le fait que certains aient pu entretenir l’idée que le préfet, et l’Etat en général, pouvait décider de ne pas en arriver là. Cette décision a été prise sous le contrôle du juge qui en a confirmé la légalité» déclare Alain Espinasse.

Concernant l’encadrement des opérations, sous l’autorité préfectorale, le colonel Benoît Tonanny indique que les gendarmes mobilisés «n’ont eu de cesse de gérer cette situation avec respect, humanité et responsabilité. Respect pour l’éleveur et sa famille vis-à-vis de leur douleur, humanité vis-à-vis de l’émotion collective et des marques de soutien, responsabilité parce qu’il fallait que cette décision soit mise en œuvre.»

1500 prélèvements doivent être effectués dans des laboratoires spécialisés, coordonnés par le Laboratoire National de Référence (LNR), sur les organes des bêtes abattues afin de vérifier si elles étaient porteuses ou non de la bactérie. Les résultats devraient être connus d’ici 2 mois.

Publicité
Icone

Hebdo des Savoie

www.hebdo-des-savoie.fr

Ajouter à l'accueil