Ce que dit le rapport de la chambre régionale des comptes

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La chambre régionale des comptes s'est penchée sur la situation financière et la gestion de la Ville d'Aix-les-Bains depuis 2015. Elle décrit « une situation financière dégradée », « une organisation défaillante » et « une faible qualité de gestion ». Tandis que l'opposition se targue de « ne cesser d'intervenir sur ces sujets en conseil municipal », la majorité répond que cette situation ne correspond pas à la réalité actuelle.

Comme elle le fait avec toutes les collectivités, la chambre régionale des comptes a épluché les comptes et la gestion de la Ville depuis 2015 et a publié un rapport de 107 pages, mercredi 1er mars.

La veille, ce document a été évoqué à la fin du conseil municipal et, face aux 12 préconisations de la chambre, la majorité a énuméré, point par point, les solutions apportées.

Il faut avouer que ce rapport n'est pas tendre, en particulier sur le plan des finances, pointant « une épargne insuffisante au regard de sa politique d’investissement, du fait en partie de l’incidence de la crise sanitaire, ce qui l’a conduite à recourir de manière croissante à l’emprunt pour financer ses investissements » ; « une capacité de désendettement proche de la limite critique de douze ans », « une épargne nette devenue négative en 2021 ». La chambre enjoint la collectivité « à mieux maîtriser la trajectoire préoccupante des charges générales, de la masse salariale et des subventions versées aux organismes privés » et « à mettre en place une programmation pluriannuelle des investissements ».

Le rapport soulève ensuite « une organisation défaillante, sans pilotage, avec des relations humaines difficiles ». En cause : l’absence ou le renouvellement trop fréquent de l’encadrement. Le rapport recommande à la commune de « stabiliser son organisation interne » et de « développer les mutualisations de moyens et de services avec la communauté d’agglomération Grand Lac ». Les magistrats relèvent en matière de gestion des ressources humaines « un certain nombre d’irrégularités ». Ils conseillent ainsi d'y remédier en « évaluant l’ensemble du personnel, respectant la durée légale du travail, fiabilisant le contrôle des heures supplémentaires, mettant fin aux régimes indemnitaires irréguliers et en encadrant mieux les avantages en nature par des délibérations annuelles ».

Le rapport fait enfin état d'une « faible qualité de la gestion ». Ses recommandations portent sur « la commande publique (mettre un terme aux achats sans mise en concurrence et recenser des besoins pour la computation des seuils de mise en concurrence) ; la gestion budgétaire et comptable (enrichir le contenu du rapport d’orientations budgétaires, fiabiliser la gestion des actifs, réaliser l’inventaire physique du patrimoine communal) ; la mise en place d’un dispositif de prévention et de détection des atteintes à la probité ; et enfin, les systèmes d’information (élaboration d’un schéma directeur, mise à niveau du parc informatique, mettre en place une politique de sécurité, résoudre les dysfonctionnements du système de vidéoprotection).

La réhabilitation des anciens thermes fait également l'objet de commentaires : « Alors que la complexité de ce patrimoine aurait nécessité des études poussées, la Ville s’en est remise à des partenaires privés tout en assumant au fil de l’eau des travaux coûteux. Sur la période 2015-2020, près de 3 M€ ont ainsi été dépensés pour le désamiantage et l’entretien des bâtiments, alors qu’aucun projet cohérent, techniquement viable et chiffré n’avait encore été défini. La réhabilitation des bâtiments s’annonce onéreuse. Son coût élevé va peser lourdement sur les finances de la Ville déjà fragiles, incluant des risques juridiques et techniques conséquents non maîtrisés actuellement. »

 

« Un rapport accablant »

Le groupe Aix Naturellement, conduit par Marina Ferrari, ne s'est pas privé de commenter le rapport de la chambre régionale des comptes par voie de communiqué. Il dénonce « un rapport accablant pour la gestion Beretti », mettant en lumière « les nombreux problèmes que les membres de notre groupe soulèvent depuis 2020 et que Marina Ferrari avait dénoncés lors de sa démission en 2019 ».

France Bruyère, Gilles Camus, Marina Ferrari, Christian Pelletier reprennent ligne par ligne les conclusions des magistrats et s'arrêtent sur quelques points en particulier. Parmi eux, les dépenses de communication et de cérémonie « que Marina Ferrari dénonçait en 2019 ». « La chambre souligne en particulier que les frais de publicité, de publications et de relations publiques ont fortement augmenté dans la seconde moitié de la période. Sur l’exercice 2019, ces dépenses ont atteint 1 M€ : les dépenses concernant les fêtes et les cérémonies ont doublé par rapport à l’exercice précédent et les frais de publication ont connu une hausse significative. »

Le groupe d'opposition s'appesantit aussi sur la vidéoprotection : « Il ressort que 55 caméras de notre parc ne sont pas exploitables, soit 53% des caméras sur nos bâtiments publics et 19% des caméras sur le domaine public. 42% du parc de caméras sur le domaine public est hors garantie et menacé d’obsolescence. Plutôt que de poursuivre le développement, ne faudrait-il pas s’atteler à entretenir et à faire fonctionner correctement l’existant ? », s'interroge-t-il.

Lors du conseil municipal, Gilles Camus en a rajouté une couche : « Depuis trois ans, en conseil municipal, nous n'avons cessé d'intervenir sur les finances, les problèmes de ressources humaines, d'organisation, de gestion. Nous sommes malheureusement contraints de constater qu'à mi-mandat, peu de moyens ont été mis pour corriger ces problèmes. »

 

« Beaucoup de recommandations ont été prises en compte »

Pour sa part, le maire, Renaud Beretti, fait observer que « généralement, la chambre régionale des comptes met peu en valeur les points positifs des collectivités, mais ce qui semble préoccupant à ses yeux ». Il invite aussi l'opposition « à lire les réponses en annexe » et rappelle que « 90% de nos difficultés étaient liées à la crise sanitaire ».

Sur les finances, il évoque une situation saine. « Les indicateurs sont au vert, nous désendettons la Ville, nous n'avons pas perdu notre capacité à investir et nous n'avons pas recours à l'emprunt en 2022 et en 2023. Nous sommes à nouveau dans une épargne brute positive ».

Sur les problèmes de ressources humaines, Renaud Beretti reconnaît « l'existence de difficultés internes il y a deux ans. Depuis, les personnes sont parties ».

Il rend toutefois « grâce à la chambre régionale des comptes qui nous a permis de corriger certaines choses et même de les anticiper, parfois. Beaucoup de recommandations ont été prises en compte ».

En matière de finances, la Ville a ainsi approuvé son premier Plan pluriannuel d'investissement en octobre dernier, missionnera un cabinet pour réaliser un inventaire physique du patrimoine communal en 2023. Elle estime avoir « conservé l'essentiel du patrimoine et des réserves foncières importantes ».

Le temps de travail du personnel communal a fait l'objet d'une délibération votée par les élus lors de ce conseil, le service commande publique a été renforcé.

La Ville travaille aussi à la sécurisation de son système informatique et est en train de renouveler ses serveurs et ses ordinateurs. Pour connaître précisément l'état du dispositif de vidéoprotection, un audit de sécurité a été commandé.

 

Réhabilitation des anciens thermes : point de situation

Sur la réhabilitation des anciens thermes, enfin, Renaud Beretti souligne que l'Etat a vendu le bâtiment à la Ville et « ne s'applique pas à lui-même ce qu'il nous reproche. Nous avons géré cette situation complexe comme nous avons pu ».

Les thermes Pétriaux vont faire l'objet d'une opération immobilière privée tandis que la Ville conserve la partie patrimoniale, les thermes Pellegrini, pour y installer un Ciap (centre d'interprétation d'architecture et du patrimoine) et une médiathèque.

La chambre régionale des comptes recommandait de diligenter les études nécessaires au chiffrage du coût des travaux dont la Ville a la charge. Pour la municipalité, il s'agissait dans un premier temps de « sauver ce patrimoine essentiel. Il fallait lever les complexités juridiques et administratives avant de chiffrer un projet. Compte tenu des incertitudes, il aurait été bien prématuré d'aller dépenser 300 000 à 400 000 € d'études architecturales ! »

Désormais, « le choix d'une maîtrise d'oeuvre est en cours pour mettre le bâtiment hors d'air et hors d'eau ; les travaux débuteront en 2023. Le conseil municipal du 5 décembre a voté une provision pour l'achat de l'étude effectuée par le cabinet Archipat. Elle permettra de déterminer de façon plus fine les coûts de réhabilitation », détaille le deuxième adjoint, Michel Frugier. L'élu précise que la visite de la conservatrice de la Drac, fin 2022, s'est révélée  rassurante : « L'état des dégradations n'est pas de nature à entraîner des pertes patrimoniales irrémédiables. Le maire a missionné ses services pour les éviter après avoir procédé à une évaluation qui lui a permis de prendre des décisions coûteuses, mais nécessaires. »

 

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