Cédric Vial présente son rôle de Sénateur

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Élu Sénateur de la Savoie en compagnie de Martine Berthet le 27 septembre dernier, Cédric Vial avait déjà une riche vie politique derrière lui puisque son premier mandat remonte à 2001, en tant qu’adjoint au maire des Échelles. Après un mois et demi passé au Palais du Luxembourg (siège du Sénat), il nous présente son rôle et la vision qu’il souhaite y apporter.

Est-ce que vous pouvez faire un résumé de votre parcours qui vous a amené à être élu aux sénatoriales ?

C'est un parcours d'engagement. C'est-à-dire que je suis d'abord un élu local : j'ai été élu pour la première fois aux Échelles en 2001, il y a 20 ans maintenant. J'ai fait un premier mandat d'adjoint de 2001 à 2008 et ensuite j'ai été élu à trois reprises maire des Échelles.
Parallèlement à ça, je suis conseiller régional Auvergne-Rhône-Alpes depuis deux ans, et j'ai été président de la communauté de communes Cœur de Chartreuse, qui a la particularité d'être à cheval entre l'Isère et la Savoie. Donc c’est un un parcours d'élu local et en milieu rural.
J'ai souhaité, à un moment donné, pouvoir me présenter aux élections sénatoriales pour représenter un petit peu à la fois ces élus locaux et cette ruralité dans laquelle je me suis beaucoup engagé depuis une vingtaine d’années.

«Le rôle du Sénat est d’améliorer le texte»

Est-ce que vous pouvez présenter le rôle du sénateur ?
Le rôle est le même que le député au final. On est, dans les deux cas, des législateurs. La loi française est écrite par le Parlement, c'est-à-dire l'Assemblée et le Sénat. On co-rédige la loi avec un rôle qui est effectivement plus connu pour l'Assemblée Nationale que pour le Sénat, mais ce rôle est le même. Tous les textes de loi, que ce soient des projets ou des propositions de loi, sont vus par les deux assemblées et son co-rédigés ensemble par un système de navette. Ça c'est le premier rôle, dans notre système la loi est faite de cette manière là.
Deuxièmement, c'est un rôle qu'on partage aussi avec l'Assemblée, le contrôle de l'action du gouvernement qui s'exerce par à la foi des questions au gouvernement ou par des auditions des ministres sur leur différentes thématiques. On est un peu le garant de veiller à ce que l'action du gouvernement se fasse selon des règles démocratiques.
Ensuite il y a évidemment un rôle de représentativité, ce qui fait qu'on a une approche qui peut être parfois un petit peu différente.
Le Sénat a un mode d'élection qui lui donne peut-être un peu plus de stabilité parce qu'il est renouvelable par moitié et pas en une seule fois.
C’est pour ça qu'on a l'habitude dire que le Sénat a aussi ce rôle d'amélioration de la loi. La loi a souvent un point de départ qui est politique de la part du gouvernement. La majeure partie des textes qu'on étudie sont des projets de loi, c'est-à-dire des propositions qui sont faites par le gouvernement, donc qui ont une origine politique. Le rôle du Sénat le plus souvent c'est d'améliorer le texte afin qu'il soit plus applicable ou plus en phase avec des règles juridiques ou des modes de fonctionnement sur le terrain.

Le Sénat a une réputation d'être un espace de personnes plus âgées, ce qui peut-être mis en relation avec l'expérience dont vous venez de parler. Pourtant, vous avez 42 ans, ce qui n'est pas vieux en politique. Donc que dites-vous de cette réputation qu'a le Sénat ?

Je pense surtout que le Sénat, par son mode d'élection, privilégiait un peu l'expérience. C'est-à-dire que c'est les élus locaux qui élisent en leur sein leurs représentants. Donc très souvent on choisit des gens qui connaissent bien les sujets, donc qui sont expérimentés. Je pense que c'est quelque chose qui est plutôt sain. Et l'expérience va souvent avec l'âge : c'est difficile, à 25 ans, d'avoir une expérience du fonctionnement des collectivités.
Deuxièmement, il fallait avoir 35 ans pour être élu, ce qui montrait aussi une volonté du législateur de choisir des gens un peu expérimentés. Cet âge est repassé à 24 ans, ce qui a permis un rajeunissement. Aujourd'hui on a quelques sénateurs qui ont moins de 30 ans, ce qui effectivement est plutôt rare.
Donc moi je ne déroge pas forcément à cette règle, vous l'avez dit je ne suis pas très âgé, mais j'ai 20 ans d'expérience d'élu local, j'ai commencé jeune. Je pense qu'on peut arriver à cumuler suffisamment d'expérience pour être un représentant du monde des collectivités pour bien les connaître sans forcément être très âgé.
Je pense que cette réputation là est de moins en moins fondée sur des faits mais qui en même temps reflétait un mandat qui durait neuf ans jusqu'à présent, il a été ramené à six ans justement pour permettre un peu plus de renouvellement.

Ça fait maintenant un mois et demi que vous êtes arrivé au Palais du Luxembourg, comment s'est passée votre arrivée ?
Ça s'est très bien passé, c'est forcément un moment un peu particulier dans la vie d'un petit élu local, parce que moi j'étais un petit maire d'une petite commune de 1200 habitants en Savoie. Se retrouver au Palais du Luxembourg, c'est forcément un moment un peu émouvant. Et en même temps, j'ai bénéficié d'un très bon accueil du personnel et des collègues donc ça s'est passé dans de bonnes conditions.
J'avais peut-être un avantage sur d'autres parce que dans mon parcours professionnel j'ai été amené à travailler notamment en cabinet ministériel, donc je connaissais bien le fonctionnement du Sénat et les lieux. Ça m'a peut-être permis d'aller un peu plus vite au départ dans l'action.
Mais en tous les cas, ça va très vite, on est élu le dimanche soir, on ne s'est pas forcément projeté sur ce qui pouvait nous arriver après l'élection et le mardi matin on se retrouve à Paris dans un contexte un peu différent. Au-delà des lieux, il y a ce sentiment un peu écrasant de savoir que notre rôle va changer.
«L'adhésion à un groupe est une obligation pour participer à la vie quotidienne du Sénat»

Est-ce que le fait de faire partie d'un groupe facilite la tâche ?
C'est indispensable pour des questions essentiellement de logistique parce que l'organisation au Sénat fait que beaucoup de choses passent par les groupes politiques. Il y a les répartitions, les temps de parole qui sont organisés par les groupes politiques, il y a énormément de choses même, ne serait-ce que pour la gestion des choses toutes bêtes, matérielles : les bureaux, notre place dans l'hémicycle etc, ce sont les groupes politiques qui s'occupent de tout cela. Le Sénat fait une répartition par groupe et ensuite c'est le groupe politique qui gère cette logistique. Donc l'adhésion à un groupe est une obligation pour participer à la vie quotidienne du Sénat.
Je fais partie de la majorité parce que effectivement j'ai soutenu Gérard Larcher. C'est quelqu'un dans lequel je me retrouve assez sur sa vision des territoires notamment donc j’ai, sans aucun état d’âme, soutenu sa démarche et donc logiquement je suis dans la majorité du Sénat.
Même si mon positionnement est un petit peu particulier parce que je suis sans étiquette politique. Je respecte les gestes barrières avec les partis politiques. En revanche dans les groupes politiques je suis dans le groupe de la majorité, rattaché administrativement.
Vous pouvez être adhérent au groupe de la majorité, qui est composé essentiellement d'élus LR, ce qui n'est pas mon cas. Vous pouvez être rattaché ou affilié au groupe, c'est-à-dire des gens qui n'ont pas leur carte au parti mais qui sont plus que des sympathisants. Ou alors vous pouvez être rattaché administrativement, ce qui est mon cas, pour toutes les questions logistiques.

Quelles ont été vos premières tâches quand vous êtes arrivé ?
La première semaine, on est déjà dans les démarches administratives, d'état-civil, d'affiliation… Des choses qui paraissent futiles : création de badge, recherche de bureau, recrutement de collaborateurs. Ça fait partie des première tâches qui sont des tâches un peu matérielles, d'organisation et de mise en place.
La deuxième chose, toujours liée à l'organisation, c'est qu'il fallait choisir ses commissions, ses délégations. Le travail au Sénat, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, ne se passe pas forcément dans l'hémicycle, c'est un travail qui se fait par commission.
Chaque sénateur est membre d'une commission, il y en a sept en tout. Donc on a une répartition dans ces commissions en fonction de nos centres d'intérêts ou d'expertise et je fais partie de la commission qu'on appelle culture, éducation et communication. Je me suis inscrit dans cette commission parce que c'est, par mon parcours personnel, des sujets que je connais bien.
Je fais aussi partie de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Elle correspond aussi à des enjeux que j'ai identifiés d'avenir sur la réorganisation de nos territoires et du lien entre l'État et nos territoires qui va prendre, au premier semestre de l'année prochaine, corps dans une loi qu'on appelle la loi 3D (Décentralisation, Déconcentration, Décomplexification), qui est un enjeu fort sur lequel je me suis beaucoup investi pendant la campagne électorale.
La commission c'est un peu des sujets d'expertise et la délégation c'est des sujets d'avenir sur lesquels je me suis engagé pendant la campagne et où je suis très content d'avoir pu participer à cette délégation qui était ne des plus demandées. Et donc qui me permettra d'avoir une continuité dans mon engagement par rapport au discours que j'ai tenu à mes collègues pendant la commande électorale.

«L’État a perdu la confiance des Français»

Vous faites partie de cette génération d'élus de la droite qui est en faveur de la décentralisation ?
Je ne sais pas si c'est une question de génération ou si c'est une question de droite ou de gauche. Je pense qu'aujourd'hui en tous les cas c'est une nécessité. Ce n'est pas ma fibre naturelle, moi je suis d'inspiration plutôt gaulliste, c'est-à-dire que je suis pour un État fort, pour une égalité sur le territoire et donc j'avais une inspiration personnelle qui était plutôt jacobine. 
Sauf qu'aujourd'hui il faut se rendre compte que ça ne marche plus. L'État n'est plus capable de mettre en place une réforme au niveau national sur les trois quarts des sujets dont il a à s’occuper, parce que la machine ne répond plus, les engrenages sont bloqués et parce qu'il a perdu la légitimité, la confiance des Français. Ce n'est pas une critique contre ce gouvernement, c'est le Gouvernement de manière générale.
Si on rajoute à ça le temps court qui est celui du gouvernement aujourd'hui, il y a trois ans utiles et deux ans de campagne électorale, on voit bien que c'est un temps qui n'est plus compatible avec des réformes de fond. Donc effectivement, si on veut continuer à pouvoir faire avancer et réformer le pays, il faut redonner le pouvoir aux élus locaux parce que les élus locaux ont encore cette confiance de la part des Français, qui est indispensable. Si on veut réformer les choses, il faut avoir la confiance des gens.
Deuxièmement parce qu'on a cette capacité d'adaptabilité aux réalités du terrain qui est beaucoup plus efficace qu'au niveau national.
Je ne dis pas qu'il faut tout décentraliser mais je pense qu'il faut qu'on revoie notre organisation, que l'État a besoin de se concentrer notamment sur ces sujets qu'on appelle régaliens : la sécurité des français, la santé. Rien que ces deux sujets, en ce moment, je pense que ça parlera à tout le monde de se dire que l'État n’a peut-être pas passé assez de temps, d'énergie ou de moyens sur ces missions régaliennes. Mais aussi l'éducation par exemple, les affaires étrangères, la défense.
Par contre sur d'autres sujets, je pense que l'État a tendance à vouloir être un petit peu trop interventionniste sans forcément avoir toujours les capacités ou les moyens de ses ambitions et qu'au niveau local sur certaines choses on arriverait à être beaucoup plus pertinents.

Vous avez des exemples pour ces responsabilités ?
Par exemple, la gestion des lycées et des collèges, c'était une compétence de l'État. Pendant la première vague de décentralisation, on en a confié la gestion aux département et aux régions et on a vu une amélioration sensible des conditions de travail, des rénovations des lycées. Quand l'État a donné la gestion des lycée et des bâtiments aux régions, ils étaient dans des états qui n’étaient pas loin d'être catastrophiques par endroit et on a vu qu'aujourd'hui la prise en compte en proximité par les régions ou par les départements a permis une remise en état et des avancées que l'État n'était plus capable d'assumer.
Aujourd'hui les priorités elles sont organisées aussi avec des élus locaux qui connaissent mieux la situation que des fonctionnaires nationaux.
Pour prendre un exemple plus proche de nous, on a bien vu que pendant la première période de confinement, quand l'État a décidé nationalement d'interdire la fréquentation des parcs ou des marchés, c'était une erreur parce qu'à Paris ça pouvait se justifier alors qu'en milieu rural c'est des décisions qui ne se justifiaient pas. Dans un deuxième temps il a laissé le pouvoir de décision aux élus locaux, ça a permis d'adapter la décision au contexte local.
Quand c'est les élus locaux qui avaient le pouvoir de mettre les choses en place, ça s'est bien passé dans 99% des cas et ça a permis d'adapter les choses au niveau local, avec des gens qui sont en plus de ça impliqués. Quand c'est le maire qui a la main sur l'organisation du marché, vous imaginez bien qu'il s'y investit, il fait en sorte de veiller à ce que les protocoles fonctionnent. Quand c'est le préfet qui doit gérer dans tout le département, ou le ministre, le suivi n’est pas le même. Ce n'est pas lui qui va venir aux Échelles ou à Saint Genix sur Guiers ou à Tignes pour vérifier si ces conditions sanitaires sont les bonnes.
Donc on a besoin de proximité sur un certain nombre de décisions.

«Faire remonter des problématiques du terrain auprès du gouvernement»

Est-ce qu’il y a des missions ou des dossiers que vous avez pu ouvrir depuis que vous êtes entré en fonction ?
Comme vous le savez, la période est un petit peu compliquée parce que malheureusement je n'ai pas pu mettre en place l'organisation telle que je l'aurais souhaité, notamment dans mes relations avec mes collègues élus. J'ai commencé quelques rencontres avant le confinement puis on a dû suspendre beaucoup de choses.
Sur les dossiers je peux vous donner un exemple, le dernier qu'on a traité. C'est une anecdote mais c'est la gestion des sapins de Noël. Vous savez que depuis le confinement, tous les produits dits non essentiels ont été interdits à la vente et donc ils se retrouvaient dans une situation à être considérés comme des produits non essentiels et avec des circuits de distribution qui n'avaient plus la possibilité de vendre leurs produits. Et si vous voulez un sapin de Noël au mois de décembre, il faut les couper maintenant.
Donc on a été alertés par un certain nombre de producteurs et on a pu intervenir auprès du gouvernement et obtenir que les producteurs de sapins de Noël puissent écouler leur marchandise dans les circuits de distribution habituels. C’est-à-dire que les supermarchés pourront les vendre, ils pourront tenir des stands sur les parkings des supermarchés, en ville en extérieur etc. 
C’est une garantie à la fois pour que la filière puisse fonctionner et à la fois pour que les gens puissent avoir un sapin, alors qu'en période de confinement ils auront le temps de le préparer. Et je pense que ça sera un symbole important.

Comment est-ce que vous comptez faire le lien entre le Sénat et les revendications au niveau plus local, savoyard ?
Je ne suis pas un porte-parole de revendications locales, ce n'est pas l'objectif. L'objectif c'est de faire la loi au niveau national donc on doit réfléchir dans l'intérêt général du pays en tenant compte des spécificités locales. Là où mon rôle peut être des fois un petit peu différent de certains de mes collègues, c'est d'essayer de faire en sorte que les particularités locales liées au tourisme, à la montagne, à une forme d'économie qu'on peut avoir en Savoie et qui est moins présente ailleurs, de faire en sorte qu'on veille à ce que ce soit pas oublié ces particularités dans les textes de loi.
Donc on pense beaucoup au tourisme par exemple. Quand on a parlé des transferts de compétence tourisme aux intercommunalités dans le cadre de la loi NOTRe, il y avait un enjeu sur les offices du tourisme ou sur les communes touristiques qui n'avait pas été prévu par la loi à cette époque là parce qu'elle concernait peu de départements mais dans un département comme le nôtre, c'était des enjeux qui étaient majeurs. 
Donc ce regard là, c'est le rôle du sénateur savoyard de l’avoir et de faire en sorte que la loi prenne en compte ces spécificités.

Est-ce que vous voulez le mot de la fin ?
Mon objectif c'est à la fois d'être à la hauteur de cette fonction, qui est une fonction importante, et de travailler en toute humilité parce que ce n'est pas parce qu'on est élu que, du jour au lendemain, on devient expert sur tous les sujets.
La règle que je me suis fixée, c'est de travailler de manière humble, de rester connecté le plus possible avec le terrain et avec mes collègues qui m'ont donné leur confiance.
J'espère tout faire pour être digne de cette confiance qu'ils m'ont donnée et d'apporter peut-être ma petite musique personnelle. C’est-à-dire que j'ai été élu sans étiquette politique avec un positionnement un petit peu différent, proche du terrain et mon objectif c'est de garder ce lien et d'arriver à conserver cette différence.
 

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