Certains élus ruraux dénoncent un abandon

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Le projet de piscine intercommunale, qui devait être l’un des grands projets structurants de l’intercommunalité, est aujourd’hui au cœur de vives tensions. Alors qu’il avait initialement fait l’objet d’un vote unanime sur le site du plan d’eau, son abandon progressif et le vote dernièrement pour un nouveau site, divise élus ruraux et urbains, laissant place à une profonde désillusion au sein de certaines petites communes. Ainsi donc, lundi soir, Martine Vibert maire de Moye, Joël Mugnier maire de Thusy, Patrick Dumont maire de Bloye, Justine Zamparo maire de Crempigny et Miguel Monteiro-Bras élu dans l’équipe minoritaire de Rumilly, se sont réunis afin de réagir suite au déroulé du dernier conseil communautaire (lire Hebdo des Savoie du 12 décembre). En cause : l’abandon du site du plan d’eau pour l’installation de la piscine intercommunale, sur le site du Collège le Clergeon.

Un vote unanime, un projet abandonné

Pour beaucoup, le projet de piscine avait tout pour réussir : une ambition partagée par l’ensemble des élus, une planification rigoureuse, et des ressources financières déjà mobilisées. Pourtant, les désaccords récents ont balayé ce qui semblait être une priorité intercommunale. Joël Mugnier exprime son incompréhension : «À un moment donné, on a fait un vote à l’unanimité pour ce centre aquatique et son site au plan d’eau. C’était bien un vote à l’unanimité. Aujourd’hui je m’aperçois qu’il y en a qui ont tourné leur veste.» Ce revirement a laissé un goût amer parmi ceux qui avaient soutenu le projet dès ses débuts. Les critiques fusent également sur l’abandon progressif du projet après des années de travail et d’investissements. «On a dépensé plus de 300 000 euros pour des études, des déplacements, des visites de terrain. Tout ça pour quoi ? Pour balayer le projet comme si de rien n’était» dénonce Joël Mugnier.

Les élus ruraux se sentent délaissés

Au-delà du projet de la piscine, c’est tout le fonctionnement de l’intercommunalité qui est remis en question par ces élus des petites communes rurales, qui estiment ne pas être écoutés ni représentés équitablement. «À l’époque, les petites communes rurales avaient deux voix. Aujourd’hui, à quoi ça sert ? Si on ne peut plus s’exprimer, pourquoi continuer à participer à cette intercommunalité ?» se demande Martine Vibert. Ces élus dénoncent également un manque de solidarité de la part des communes plus importantes, accusées de tirer profit des projets collectifs sans prendre en compte les besoins des zones rurales. «On nous critique aujourd’hui, mais si les communes rurales n’avaient pas été là, certains projets n’auraient jamais vu le jour» souligne Joël Mugnier. Le sentiment de marginalisation est renforcé par le peu de bénéfices perçus de l’intercommunalité pour les territoires ruraux. «Concrètement, qu’est-ce qu’on a obtenu ? La gestion des ordures ménagères, le transport scolaire. Et c’est tout. Pour le reste, nous n’avons rien, mais on continue de nous demander de financer des projets» commente Justine Zamparo.

Un projet structurant devenu un point de discorde

Le projet de piscine était pourtant considéré comme une priorité pour le territoire, une infrastructure capable de bénéficier à l’ensemble des habitants. Certains rappellent l’ampleur des efforts réalisés pour avancer sur ce dossier. Joël Mugnier s’insurge «On avait validé les étapes nécessaires, et les premières pierres auraient dû être posées depuis 2017. Les enfants pourraient en profiter aujourd’hui.»

Aujourd’hui, ce projet semble repoussé aux calendes grecques. «On parle de 2030, voire plus. Deux mandats vont passer sans que rien ne se concrétise. C’est une honte pour les habitants et pour nos enfants» souligne Martine Vibert. L’abandon de la piscine intercommunale est d’autant plus difficile à accepter que des ressources financières avaient déjà été mobilisées. «On a dépensé des centaines de milliers d’euros pour des études et des consultations. Sans parler du temps et de l’énergie que les élus et les services y ont consacrés.» Pour d’autres, cet échec reflète un problème de méthode et de gouvernance. «On avait un comité de pilotage avec des personnes compétentes et expérimentées, mais elles ont été écartées du projet. Aujourd’hui, on n’avance plus» souligne Miguel Monteiro-Bras.

Un climat délétère au sein du conseil communautaire

Les tensions ne se limitent pas au fond des décisions, mais concernent également la forme des débats. Plusieurs élus ont dénoncé une atmosphère dégradée et des échanges agressifs lors des derniers conseils communautaires. «Je regrette que le président, qui doit tenir l’assemblée, n’ait pas reposé les choses et fait redescendre la tension. Il a laissé faire», confie Martine Vibert qui en a fait les frais ce soir là. Certains pointent un manque de leadership et une incapacité à maintenir un dialogue apaisé entre les différents membres du conseil. «Quand on se fait fort de donner nos positions et que rien n’est écouté, rien n’est pris en compte, moi, je ne veux pas perdre mon temps» rajoute elle. Les critiques envers la gouvernance se multiplient, notamment en ce qui concerne la prise en compte des élus ruraux. «Les petites communes ne sont pas écoutées. Dès qu’on va à l’encontre de ce qu’ils veulent, ils sortent les griffes. Ce n’est pas un dialogue, c’est une confrontation permanente» rajoute Miguel Monteiro-Bras.

Des élus en désaccord avec l’intercommunalité

Face à cette situation, certains élus remettent en question leur participation aux prochaines réunions. «Ma décision est prise : je ne remettrai pas les pieds au conseil communautaire.» déclare Martine Vibert, qui ne reviendra «que si le Président m’appelle et s’explique». D’autres envisagent encore leur position, mais se disent proches de renoncer : «Je réfléchis encore, mais je ne veux pas perdre mon temps dans des réunions où rien n’avance.» Ces départs pourraient accentuer encore davantage les tensions au sein de l’intercommunalité, qui peine à convaincre de sa capacité à porter des projets collectifs. «Si on ne peut plus s’exprimer, à quoi bon faire partie de cette intercommunalité ?» s’interroge Joël Mugnier.

Un avenir incertain pour les projets collectifs

Alors que le projet de piscine s’efface des priorités, les élus craignent que d’autres initiatives subissent le même sort. «Aucun projet n’avance. On est en train de perdre des années sur des dossiers qui auraient pu transformer notre territoire.» Le constat est amer :
un projet structurant qui aurait pu unir les communes semble désormais symboliser leur division. Les habitants, principaux bénéficiaires attendus de la piscine intercommunale, risquent d’être les premiers à pâtir de cet échec. En attendant, le fonctionnement de l’intercommunalité reste sous le feu des critiques, et les fractures semblent plus difficiles que jamais à surmonter.

 

 

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