De l’art contemporain en ville tous publics
Quand on parle d'art contemporain et du solarium tournant du Docteur Jean Saidman, l'association du même nom n'est jamais loin. Après une première exposition «Arrière plan» à l'automne 2016 puis des résidences d'artistes en 2017 au Grand Hôtel et au jardin vagabond et l'année suivante au coeur des Thermes Pétriaux au sud du bâtiment des anciens Thermes, Anthony Lenoir et Émilien Adage ont cette fois-ci travaillé sur le projet d'une Biennale de l'architecture disparue dont le premier chapitre, abordant la thématique du mouvement, se déroulera du 10 octobre au 29 novembre dans différents lieux publics de la ville d'Aix-les-Bains, ou sa proche périphérie, ainsi qu'au Musée Faure. Leur souhait est d'inviter les personnes à déambuler d'une œuvre à l'autre afin d'en apprécier toutes les subtilités. Premier événement de l'association imaginé sous cette forme, la médiation y occupera une place centrale et se fera notamment par le biais d’un dispositif mêlant signalétique et textes explicatifs ainsi qu'à travers plusieurs animations (performances, rencontres, etc.).
Le Docteur Jean Saidman et la notion de mouvement
Le solarium tournant du Docteur Jean Saidman implanté à Aix-les-Bains, inauguré en 1930 et détruit près de trente cinq ans plus tard, était un outil en déplacement constant. Chaque jour, sa plateforme haut perchée tournait à 180 degrés pour suivre la course du soleil. Les patients étaient amenés à se mouvoir jusqu’au centre de soin situé sur la colline surplombant la ville. Le Docteur Jean Saidman était lui-même en déplacement par ses allers et venues entre Paris (son Institut d’actinologie), Aix-les-Bains (son lieu de résidence) et Vallauris et Jamnagar en Inde où deux autres solariums tournaient. Ses recherches enfin l’obligeaient à rester continuellement en mouvement, remettant en cause ses hypothèses, vérifiant ses intuitions, décrivant les résultats de ses innombrables expérimentations. En 1929, quelques semaines avant la fin de la construction de son premier solarium tournant à Aix-les-Bains, le Docteur Jean Saidman avait fait réaliser un film, certainement à but promotionnel, relatant la fin des travaux et le temps de l’inauguration. Le spectateur découvrait alors la carcasse métallique actionnant la rotation, la charpente, l’ascenseur et la vue offerte sur la ville. Puis ce sont les premiers curieux qui défilaient à l’image et enfin l’inauguration officielle. Les salles de soin étaient évidemment mises en avant, tout comme les outils et les scientifiques. Pourtant, un détail a priori sans importance tenait une place particulière. La face qui n'était jamais exposée au soleil, seulement ouverte de quelques petites fenêtres fixes, d'un bâtiment dont on pouvait pourtant faire le tour car construit à 360 degrés. Son nom, «Le côté ombre».
Une approche différente des artistes
La Biennale de l'architecture disparue - Chapitre 1 «Le côté ombre» est l'aboutissement d'un travail de plusieurs mois qui mettra à l'honneur les oeuvres de 15 artistes dont certaines ont été intégralement pensées et créées cet été dans la villa Rubaud située chemin des Griattes à Aix-les-Bains. Elle ambitionne de tisser un réseau de relations entre la démarche du docteur en actinologie (technique naturopathique par l'action des rayons du soleil, de la lumière et des couleurs sur les tissus vivants) et les pratiques artistiques contemporaines autour de la notion de mouvement. Pour les artistes exposés, cette notion peut être constitutive, formelle, anecdotique voire apparente dans un second temps. Chez Capucine Vever, Auguste Rodin et Johan Parent, elle est à l’origine même des sujets représentés. Dans les oeuvres de Camille Ayme, Christophe Doucet, Wandrille Duruflé ou Ibai Hernandorena, c’est le geste de l’artiste (qui se déplace, sculpte, peint) qui apparaît dans son propre mouvement. Avec l’installation d’Éléonore Pano-Zavaroni ou la performance de Fanny Guérineau, la pratique crée des temps et des espaces de rencontre. Pour Rémi Voche, Estelle Deschamp, Jean-Xavier Renaud ou François Dehoux, l’oeuvre est un condensé ou une partie du mouvement perpétuel de l’histoire humaine qu’elle soit architecturale, artistique voire même géologique. Chez Laurent Le Deunff ou François Dufeil, c’est la proximité de l’objet avec une hypothétique fonction qui le met dans un état constant de déplacement entre sculpture et outil. Plus généralement, chez le Docteur Jean Saidman, comme chez les artistes plasticiens, le déplacement est constant car l’activité se construit sur une pensée en mouvement dans laquelle, le côté ombre est la structure même de l’oeuvre.
Des lieux d'exposition inédits
Avec cette Biennale de l'architecture disparue - Chapitre 1 «Le côté ombre», le mouvement n'est pas seulement présent dans la démarche artistique mais se retrouvera également du côté des visiteurs qui se déplaceront d'un endroit à l'autre pour apprécier les œuvres qui s'offriront à leur regard. En voici les coordonnés GPS, une idée pratique de l'association pour permettre plus facilement à tous de se repérer : Musée Faure (45.69245, 5.91587) avec les œuvres de Laurent Le Deunff (Sapins à chat, en cours depuis 2016), Johan Parent (Laboratoire Vertigo, 2020), Jean-Xavier Renaud (Le feu, 2016) et Auguste Rodin (L’homme qui marche, 1900) ; parking de la Chaudanne (45.69039, 5.91466) avec les œuvres de Camille Ayme (15ème et dernier, 2020), Estelle Deschamp (Empire Aix Building, 2020), Ibai Hernandorena (Les Yeux Au Ciel, 2020), Fanny Guérineau (Performance, 2020) et Rémi Voche (Performance, 2020) ; place Maurice Mollard (45.6878, 5.91369) avec l'oeuvre de Christophe Doucet (Artémis et ses lapins, 2020) ; Bois Vidal (45.68202, 5.91701) avec les œuvres de Camille Ayme (15e et dernier, 2020), François Dehoux (Stellations, 2016) et Éléonore Pano-Zavaroni (Astérisme, 2020) ; Esplanade Lamartine dans la baie de Mémard (45.70677, 5.88777) avec l'œuvre de François Dufeil (Four solaire à vapeur, 2020) ; Marina du Grand Port (45.70303, 5.88504) avec l'oeuvre de Wandrille Duruflé (Géomorphosite, 2020) ; Cap des Séselets (45.65751, 5.89356) avec l'oeuvre de Capucine Vever (Les petits arbres feuillus se balancent, 2020).
Quelques mots
de l'organisateur
Pour Anthony Lenoir il n'y aura pas qu'une manière d'aborder l'exposition : «Il sera possible de suivre un cheminement pour découvrir les œuvres installées à partir de notre plan ou bien les voir au détour d'une déambulation. Pour nous le parking de la Chaudanne est un lieu important. Pensé et construit par l'architecte aixois Jean-Louis Chanéac, c'est pour nous l'occasion de le montrer d'une autre manière avec une œuvre visible de l'extérieur sur les vitres de la montée d'escalier et une sur les toits, un endroit méconnu des Aixois et offrant pourtant une vue panoramique sur la ville». Le co-créateur de l'association Solarium Tournant évoque l'un des deux artistes performers participant à cette Biennale : «Fanny Guérineau, qui sera présente le 9 octobre lors de la soirée de vernissage, est dans une pratique de la rencontre entre elle-même, artiste plasticienne, et le spectateur, le passant, le tout-venant, durant laquelle elle va poser des questions adaptées au contexte de l'exposition. À Aix-les-Bains durant quatre jours en août, elle était sur le marché et au bord du lac et a posé deux questions : C'est quoi un paysage pour vous ? C'est quoi le vivant pour vous ? Des questions pas si simples amenant à une diversité de réponses, qu'elle a ensuite analysé et compilé pour au final les restituer oralement lors d'un temps de déclamation à l'aide d'outils qu'elle conçoit elle-même. Elle a choisi de porter une tenue rouge fluo, la même que celle utilisée dans les travaux publics, pour attirer l'oeil. Une couleur par ailleurs reprise par les communicants».
Infos : site Internet www.solariumtournant.com et page Facebook «Solarium Tournant»
Florent Leroux