Des action menées face aux enjeux de la raréfaction de l’eau
Le SMIAC (Syndicat Mixte Interdépartemental d’Aménagement du Chéran), créé en 1995, oeuvre pour améliorer la qualité de l’eau, assurer la continuité écologique et le bon fonctionnement de la rivière Chéran, des ruisseaux qui s’y jettent et des zones humides qui l’entourent.
Face aux enjeux de raréfaction de l’eau, entre changement climatique et développement démographique, et pour ainsi mieux concilier les usages, deux missions ont été pilotées par le syndicat : une étude de volumes prélevables, visant à quantifier les débits nécessaires aux cours d’eau pour maintenir un fonctionnement biologique correct, et une opération de suivi de l’état d’écoulement des cours d’eau pour mieux cibler les zones à préserver. Ces deux actions ont pu être réalisées grâce à la force du collectif, en y associant les parties prenantes de la ressource en eau.
41% de cours d’eau diagnostiqués étaient à sec fin août
Les 27 juillet et 24 août, deux campagnes de suivi d’étiages ont été menées, en collaboration avec dix structures (associations, collectivités, etc.) Cette opération a permis de relever l’état d’écoulement de plus de 431 km de cours d’eau (sur les 680 km existants sur le bassin versant du Chéran), et de créer une carte la plus précise possible, selon quatre codes couleurs : bleu pour les écoulements bien visibles, jaune pour les écoulements faibles, orange pour les écoulements discontinus et rouge pour les assecs. «Fin juillet, 1/3 des cours d’eau diagnostiqués étaient soit à sec soit à l’état de flaque, et fin août c’était les 2/3. En un mois, le milieu a perdu 30% de sa fonctionnalité» constate Yohann Tranchant, président du SMIAC. Le bilan fait état de 27% d’assecs et de 33% d’écoulements bien visibles en juillet puis de 41% d’assecs et 17% d’écoulements bien visibles en août. «Au-delà des assecs, qui seront de plus en plus nombreux et concernent les plus petits cours d’eau, ce qu’il est important d’observer, ce sont les endroits qui vont bien, les cours d’eau qui seront demain des sortes de refuges et pour lesquels nous devons dès aujourd’hui être vigilants afin de les préserver. Car même si c’est triste, il faut être réaliste, on ne pourra pas sauver les 680 km de cours d’eau». Vincent Mennessier, directeur opérationnel du SMIAC, complète : «Ce qui est intéressant, si on ne regarde que les zones en bleu, c’est de voir comment le réseau respire, comment il s’étale en hiver et comment il se rétracte l’été, et où se trouvent les foyers névralgiques». Cette campagne devrait être reconduite chaque été.
Des prélèvements pour l’eau potable devraient être réduits de moitié
L’étude sur les volumes prélevables lancée en 2019 est en cours de finalisation. En avril dernier, Yohann Tranchant nous expliquait que «durant certaines périodes de l’année, on prélève beaucoup mais il y a aussi beaucoup d’apports, ce qui ne nuit pas au milieu. Cependant, il y a également un effet ciseaux lorsque, au moment où les sources gravitaires sont taries, on prélève dans les nappes alors que le ruisseau lui-même est dans un débit qui descend : on va alors puiser encore plus et l’assécher». Il indiquait que l’enjeu était de pouvoir poursuivre les activités, en consommant moins, et de concilier les usages. «Nous sommes dans des démarches de qualité, de sobriété, d’optimisation avant d’arriver à des virages qui seraient plus brutaux. L’objectif est de rendre compatible la dynamique du territoire avec l’écosystème».
Des concertations ont eu lieu entre les parties prenantes, dont les collectivités qui sont préleveurs publics en eau potable, l’Agence de l’eau, l’Office français de la biodiversité (OFB), les Directions départementales des territoires (DDT) de Savoie et Haute-Savoie. Cette étude a conclu que dans la partie savoyarde (Bauges), «l’objectif sera de ne pas augmenter les prélèvements sans pour autant les réduire, car ils sont relativement faibles, et que les déficits sur les ruisseaux voire les assecs ne sont pas a priori dus à des prélèvements officiels», alors que dans la partie haut-savoyarde (Albanais), «nous avons validé un objectif de stabilisation des prélèvements, car il y a deux sous-bassins versants, les ruisseaux Véise et Dadon, où les collectivités prélèvent beaucoup d’eau pour nos divers usages et sur lesquels il faudrait travailler à des réductions de l’ordre de moitié». L’idée serait de réduire ces prélèvements de juin à octobre, les cinq mois les plus sensibles pour les milieux, sur des objectifs de moyen terme : «On ne demande pas aux préleveurs actuels de fermer les robinets à 50% dès 2024».
«Nous sommes dans une crise. Il ne faut pas paniquer, mais il faut agir»
L’objectif est d’aboutir à un plan de gestion de la ressource en eau partagé entre tous les acteurs et usagers du bassin du Chéran, dans un contexte climatique très évolutif. «Le SMIAC donne des prescriptions vis-à-vis des milieux et les collectivités ont des obligations vis-à-vis des besoins, donc tout l’enjeu de nos travaux est de pouvoir concilier les deux, sachant que les ressources ont tendance à se réduire pendant que les besoins ont tendance à globalement augmenter». Yohann Tranchant fait le parallèle avec le choc pétrolier de 1973 : «Je pense que les années 2020 sont le choc de l’eau, et que sur notre territoire il est peut-être un peu plus prégnant qu’ailleurs. On peut faire bouger les choses collectivement. Nous sommes dans une crise. Il ne faut pas paniquer, mais il faut agir et innover».
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