Des pompiers et des soignants indignés

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Depuis le 15 septembre 2021, la vaccination contre la Covid-19 est obligatoire pour un  grand nombre de personnels de santé et pour l’ensemble des pompiers, professionnels ou volontaires, sous peine d’une suspension de leur contrat de travail. Face à cette entrée en vigueur que beaucoup considèrent comme abusive, certains ont décidé d’agir, ensemble, en créant des groupes comme «Freedom 74» (collectif de pompiers haut-savoyards) et «Les blouses éveillées» (collectif de soignants annéciens). Tous refusent cette atteinte à leur liberté par un système auquel ils s’opposent, car selon eux, il s’agit avant tout d’une crise politique et non sanitaire. De nombreux pompiers et soignants, suspendus ou en arrêt maladie, ne peuvent plus porter secours à la population «mettant en péril la santé de certains bien plus que la non vaccination» selon leurs propos. Trois pompiers et une soignante ont accepté de témoigner pour évoquer leur incompréhension voire leur indignation.

 

Témoignage pompiers Collectif Freedom 74

Le département compte environ 3500 pompiers professionnels et volontaires (dont 150 officiers qui ne sont pas sur le terrain).

Parmi les «anti-vaccination», certains ont déjà tiré un trait sur leur carrière, mais d’autres, passionnés, s’y refusent. Au 15 septembre, environ 12,5% des pompiers n’étaient pas vaccinés en Haute-Savoie (10% des professionnels et 15 % des volontaires). Sébastien*, Victor* et Vladimir*, membres du Collectif Freedom 74, expliquent que la hiérarchie les a poussés à se mettre en disponibilité, ce qu’ils ont refusé : «Ma dernière garde était le 3 septembre, l’officier est venu me voir en me disant qu’en étant suspendu, je ne pourrais pas exercer une autre activité et que par conséquent je n’aurais aucune rentrée d’argent, alors qu’en me mettant en disponibilité, je le pourrais. » explique Sébastien*.

Victor*, quant à lui, déclare que la hiérarchie a voulu minimiser leur mouvement qui est pourtant massif. «10% de sapeurs-pompiers professionnels non vaccinés en Haute-Savoie, ce n’est pas rien, pour des métiers qui sont en tension comme la santé. On voit aujourd’hui des casernes, des centres de secours  qui sont parfois contraints de fermer la nuit et/ou le week-end» assure-t-il.

Le collectif Freedom 74, qui compte 170 membres, est né de la concertation de quelques pompiers qui, se sentant esseulés, ont décidé de se regrouper via un collectif fin juillet, suite à l’allocution présidentielle concernant le projet de loi d’obligation vaccinale pas encore votée à ce moment-là. Le Conseil constitutionnel a fini par l’adopter le 5 août, avec cependant certaines modifications car dans la première version proposée par l’Assemblée Nationale, à l’issue de 2 mois de suspension, le salarié pouvait être licencié. Cette possibilité de licenciement a été supprimée.

Cependant, tous restent dans le flou, dans l’incertitude concernant leur avenir. Certains ont peur de ne plus jamais pouvoir exercer le métier qu’ils ont choisi et qu’ils aiment.

Sébastien* déclare que des documents de la DGSC (Direction Générale de la Sécurité Civile, qui régit tous les pompiers et l’organisation des secours au niveau national) ont circulé, spécifiant que la non vaccination pourrait être considérée comme faute grave entrainant des demandes de sanction. «On ne sait pas trop sur quel pied danser, on ne sait pas si on peut rester 4 mois, 6 mois, 8 mois suspendus et faire autre chose en attendant de pouvoir reprendre notre travail. On a zéro nouvelle de notre employeur, ni du service de santé ni de la hiérarchie, et 30 CDD ont été employés pour remplacer les effectifs manquants» indique le pompier qui exerce ce métier depuis une quinzaine d’années.

Selon les membres du collectif, cette situation pourrait devenir dramatique. Actuellement, des casernes sont vides et les délais d’interventions sont plus longs. Ils expliquent que par exemple, en cas d’appel pour un arrêt cardiorespiratoire dans une commune où l’effectif restreint est déjà en sortie, ou pire, dans une commune où il n’y a plus d’effectif du tout, il faudrait faire venir une ambulance d’un autre secteur et les chances de réanimer la personne à temps seraient amoindries. «Aujourd’hui, certains officiers se retrouvent sur le terrain sauf que ce n’est pas leur rôle» confie Sébastien*. De plus, nombreux de leurs collègues travaillent en heures supplémentaires et sont proches de l’épuisement.

«Il n’y a plus de solidarité comme avant»

Dans l’équipe de Victor*, sur 12 adjudants, 2 ne sont pas vaccinés. Un de ses collègues a été suspendu et lui-même est en arrêt maladie. Parmi les 10 toujours en activité, un fait grève tous les matins de 7h à 8h, une façon honorable de se montrer solidaire selon Victor*.

«Il n’y a plus de solidarité comme avant. Ce métier a perdu de ses valeurs, de celles de la famille qu’il était auparavant. Il y a 20 ans, tout le monde aurait posé le bip. La société a évolué. Quand on voit que dans certains villages les amicales ne trouvent plus de bénévoles pour les aider à organiser des lotos, les gens sont moins solidaires, plus individualistes d’un point de vue général. Il y a seulement quelques mois, on se faisait la bise le matin et du jour au lendemain, plus personne n’est là pour prendre des nouvelles. En 3 semaines, je n’ai reçu qu’un seul coup de fil, alors que je m’entendais bien avec la plupart de mes collègues et qu’on est quand même dans un métier de l’humain» déplore le pompier qui approche les 30 ans d’activité et n’aurait jamais cru en arriver là.

Sébastien* voit dans le comportement de la hiérarchie et de certains collègues une forme de discrimination : «Ceux qui considèrent nos arrêts comme des arrêts de complaisance, j’ai envie de leur répondre que les 3 dernières semaines d’août pendant lesquelles tous les 3 jours je devais faire un test dès que je quittais ma garde et que les vaccinés ne faisaient rien du tout alors qu’ils pouvaient être porteurs du virus et me le transmettre, j’ai trouvé cela violent et discriminatoire. Et quelque part, si ceux qui étaient réfractaires à l’idée de se faire vacciner étaient restés droits dans leurs bottes et solidaires, à nos côtés, on n’en serait pas là aujourd’hui.».

«Ce n’est pas complotiste mais pragmatique»

«On veut nous vacciner alors qu’on ne risque rien. C’est stupide. Ca aurait été aussi grave qu’Ebola, on aurait compris.  Nous ne sommes pas contre les vaccins. Au contraire, j’ai souscrit à différents vaccins que je considère comme nécessaires. Mais concernant celui-ci, ce n’est pas le cas. Sur le terrain, on a vu ce qui se passait, les effets secondaires violents, et puis personnellement, je n’ai pas envie de me faire vacciner contre une maladie que j’ai déjà attrapée et qui ne me met pas en danger. Ce n’est pas complotiste mais pragmatique» explique Vladimir*, rappelant qu’au départ, le vaccin avait été créé pour protéger les personnes vulnérables. 

Aucun ne comprend que l’on puisse imposer une vaccination censée être au stade d’expérimentation, selon le libre consentement de chacun.

Sébastien* se dit choqué par toutes ces décisions politiques :
«Derrière leur soi-disant crise sanitaire, c’est une crise politique que l’on vit. Parce que si c’était vraiment une crise sanitaire, ils ne déprogrammeraient pas des interventions chirurgicales, ils ne fermeraient pas des services. Au 16 septembre, ils seraient déjà revenus en arrière et ils ne dégageraient pas 300000 soignants et pompiers. Cet avis est totalement personnel mais c’est à se demander s’ils ne cherchent pas à décrédibiliser le système de santé français pour le privatiser derrière ?»

Actions pour faire réagir

Le 15 septembre, les pompiers ont mené une action symbolique pour exprimer leur colère vis-à-vis de cette obligation vaccinale. Ils se sont rassemblés sur le pont de la Caille à Allonzier, lieu tristement connu à travers une série de suicides, déposant leurs casques au dessus du vide. Cette action, décriée par certains, avait pour but d’évoquer la mort symbolique de leur métier.

Le 30 septembre, 6 pompiers sont montés au sommet du Mont-Blanc en tenue de travail, afin de prouver leur bonne santé physique et leur aptitude à travailler, rappelant qu’ils pourraient être sur le terrain à sauver des vies plutôt que de subir une suspension qu’ils qualifient d’«aberrante» et «injustifiée».

Message à faire passer 

«C’est dramatique d’être rejeté comme ça de notre métier. Les gens s’insurgent qu’on ne se fasse pas vacciner mais ils ne s’insurgent pas que cette loi passe au dessus de plein d’autres et que la liberté des droits de l’homme soit bafouée, qu’on n’a pas le droit de nous obliger à nous vacciner, sans consentement. Est-ce qu’à un moment donné les gens vont se réveiller et ouvrir les yeux ? Car aujourd’hui c’est ça et demain ce sera quoi ?» concluent les 3 hommes qui espèrent pouvoir un jour retrouver le chemin de ce métier qu’ils aiment tant.

 

*Les prénoms ont été modifiés

 

 

 

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