«Douche froide» pour le ski

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Mardi denier, la nouvelle est tombée : le ski alpin ne sera pas autorisé avant les fêtes. Les stations pourront ouvrir, bien sur, mais les remontées resteront fermées et n’accueilleront aucun public. Pour les différents acteurs de la montagne, c’est l’inquiétude qui prévaut. 

Les fondements de la fermeture
Si le ski alpin ne sera pas possible, ce n’est pas le cas d’autres activités liées à la montagne. Ainsi, les domaines de ski de fond seront ouverts, et les raquettes ou autre ski de randonnée seront praticables.
Il y a deux raisons principales qui sont données. La première, c’est que l’alpin entraine des flux de population importants d’une région à l’autre, pouvant provoquer un brassage de personnes qui ne se seraient pas croisées autrement. Ces flux provoqueraient donc une transmission accrue du virus.
L’autre raison, c’est que le ski alpin est lié à une traumatologie importante. On estime qu’il faut toujours que 4 ou 5 lits de réanimation soient disponibles en Savoie chaque hiver pour pouvoir accueillir les blessés dus à ces pratiques. Or, les départements de Savoie et Haute-Savoie sont aujourd’hui proches de leurs capacités maximums. Alain Espinasse, préfet de la Haute-Savoie, a d’ailleurs précisé : «C’est la première année où, à 15 jours de l’ouverture de la saison, il y a 70 lits en réanimation qui sont occupés».
Il a toutefois été demandé aux stations d’effectuer l’entretien de leurs domaines skiables. Le travail devra entre autre être fait sur les accumulations de neige pour éviter des départs accidentels d’avalanches.

Plusieurs problèmes au menu
L’un des premiers problèmes soulevés concerne l’entretien qui doit être fait sur les stations. Ces dernières n’auront en effet aucun revenu lié à leur fréquentation mais devront donc continuer à payer leur personnel. C’est d’autant plus le cas pour certaines stations dont l’exploitation se fait sous la forme d’une régie. Cette forme interdit l’utilisation du chômage partiel, forçant les communes à dépenser de l’argent qu’elles n’auront pas.
En outre, les saisonniers sont eux aussi inquiets. Ils ne savent pas quand ni combien d’entre eux seront embauchés. Ils sont donc à l’heure actuelle sous la menace d’une précarité assez lourde. Antoine Fatiga, responsable saisonniers à la CGT, a demandé que les stations embauchent les salariés et que ces derniers soient pris en charge par l’activité partielle. Une réponse positive à cette demande a été envoyée par le cabinet du ministère du travail, lundi matin. Il appelle donc maintenant les stations à prendre leurs responsabilités.
Bien entendu, l’économie est un facteur clé. Les domaines skiables dégagent à eux seuls 19% du PIB des deux départements du territoire Savoie Mont-Blanc. Pour la Savoie seule, les retombées du tourisme hivernal sont estimées à 50% du PIB au total (tous secteurs d’activités inclus).
L’un des arguments de l’État est que seules les remontées sont fermées, les domaines restant ouverts. Or, même si les remontées ne représentent que 20 à 25% du chiffre d’affaires d’une station, ce sont elles le moteur économique puisque les touristes vont en station pour skier.

Presque tous unanimes contre cette décision
Plusieurs dispositions ont été proposées par les différents acteurs. Tous ne souhaitent d’ailleurs pas une réouverture immédiate. Par exemple, M. Fatiga demande à ce que les conditions sanitaires soient bien remplies avant d’envisager une ouverture. Le syndicaliste n’est bien sûr pas contre l’ouverture des stations, il demande toutefois à ce que la sécurité des saisonniers soit assurée face à l’afflux de touristes qui est à prévoir. Du côté des élus, le discours tend plutôt à l’ouverture la plus rapide possible.
Patrick Mignola, député, a demandé au Premier Ministre d’étudier des dispositifs qui permettront d’apporter des réponses aux entreprises, aux collectivités et aux saisonniers. Ses demandes concernaient principalement un aspect financier ou économique de manière à protéger le secteur des retombées négatives d’une fermeture.
Typhanie Degois, en compagnie de 12 autres députés de la majorité, s’est prononcée en faveur d’un prolongement des échanges entre l’exécutif et les acteurs du monde de la montagne. Elle a par ailleurs rappelé que le premier cluster de France avait été aux Contamines, et que la station n’avait pas eu à fermer. En effet, alors qu’elle était à l’aube de son pic saisonnier (début février), une stratégie de dépistage et d’isolement avait permis de ne pas répandre le virus.
Du côté des conseils départementaux de la Savoie et de la Haute-Savoie, les présidents respectifs (Hervé Gaymard et Christian Monteil) sont sur la même longueur d’ondes. Ils rappellent combien le tourisme hivernal est important pour ces territoires et qu’ils ont tout mis en œuvre pour que la sécurité de chacun soit assurée. Ce sont ainsi 20 000 tests antagoniques qui ont été fournis par les deux départements pour les communes de montagne. De son côté, M. Gaymard déclare avoir commandé 250 000 tests du même genre, qui seront utilisés «pour les 3000 professionnels du secteur social et médico-social, en établissement et pour l’aide à domicile, les agents du département, y compris dans les collèges. Ils seront utilisés également dans les stations, pour dépister notamment les personnels saisonniers.»
Cédric Vial, sénateur de la Savoie, a de son côté indiqué qu’il est «toujours temps de prendre la bonne décision». Il affirme que les seuls autres pays d’Europe à avoir interdit la pratique du ski alpin sont l’Allemagne et l’Italie.
Or, ces deux pays réunis n’atteignent pas le niveau de fréquentation de la France en termes de journées ski (France : 55,6 millions, Allemagne : 14,9 millions, Italie : 27,2 millions). Ils n’ont donc pas vocation à servir d’exemple au deuxième pays le plus important du monde dans la discipline.

Que se passera-t-il ensuite ?
La plupart des acteurs sont donc d’accord sur le fait que la décision prise par l’exécutif est unilatérale et ne prend pas en compte le travail effectué en amont. 

Si le problème des lits d’hôpitaux est légitime, il a été rappelé par M. Gaymard que 92% des traumatologies liées à la pratique du ski alpin sont soignées directement en station. De plus, des lits et du personnel ont été engagés à l’hôpital d’Albertville, spécialement pour la traumatologie.
­-Si les stations ne devaient pas rouvrir tout de suite, il est demandé au gouvernement de proposer une date d’ouverture fixe au plus tôt afin d’encourager les clients à réserver leurs séjours ou au moins ne pas les annuler face à l’incertitude.

 

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