«En 2024, nous devrions être la seule compagnie de bateaux européenne à être entièrement électrique»
Décarbonation de la flotte, numérisation des pratiques et formation des pilotes sont les trois sujets qui occupent Philippe Gausset, PDG de Tourisme Participations, la holding qui détient les trois compagnies de bateaux d'Aix-les-Bains, d'Annecy et, plus récemment, d'Aiguebelette.
Maintenant qu'il a goûté à l'univers des bateaux, Philippe Gausset s'y sent comme un poisson dans l'eau. Arrivé dans le métier il y a seulement 10 ans, le septuagénaire est à la tête de Tourisme Participations, la holding qui détient trois compagnies de bateaux, celle d'Aix-les-Bains acquise en juin 2010, celle d'Annecy depuis janvier 2019 et celle d'Aiguebelette, créée en mars 2020, «juste avant le confinement», sourit-il.
La crise a fait l'effet d'un coup de massue sur le plan financier. Sur l'exercice 2020, la compagnie, qui réalise un chiffre d'affaires annuel de 6,5 M€, a enregistré une baisse de 80% à Annecy et 65% à Aix. L'entrepreneur mise sur un retour à la normale en 2023-2024. Et s'y prépare activement. «En 2024, nous devrions être la seule compagnie de bateaux européenne à être entièrement électrique», se félicite-t-il. Dès cette année, il va entamer la conversion de l'ensemble de sa flotte. Son bateau 12 places circulant sur le lac d'Aiguebelette, souvent privatisé, est déjà électrique, les moteurs thermiques y étant proscrits. L'Amiral, l'un de ses six bateaux annéciens, est hybride. L'opération de rétrofit concerne donc ses cinq embarcations aixoises et cinq autres annéciennes. «L'Hydra Aix (bateau restaurant) sera équipé en avril 2022, l'Hélios et l'Aix'Space (bateau restaurant) en 2023, les deux derniers en 2024.» A Annecy, la décarbonation s'échelonnera sur 2023 et 2024. «Rien que le coût des batteries représente 4,8 M€, soit les deux-tiers de l'investissement», précise M. Gausset. Il s'y retrouvera, en revanche, en coût de fonctionnement, de maintenance, et en confort acoustique. Ce qui réjouit le chef d'entreprise qui planifie de transformer la salle arrière de son bateau-restaurant d'Annecy, le Libellule, en lounge bar, avec le concours d'un architecte, dès lors que l'ambiance ne sera plus perturbée par le bruit du moteur thermique, en 2023. Le bateau-restaurant va être entièrement réhabilité, ses salles et cuisines réaménagées, le simple vitrage remplacé par du double vitrage, permettant de naviguer l'hiver, la climatisation et le chauffage refaits. Les bateaux de Philippe Gausset passent régulièrement par la cale sèche pour y subir un coup de jeune.
Une école pour former des pilotes dès ce printemps, à Aix
Le numérique est un autre axe de développement de la société, qui embauche trois informaticiens. Un mot d'ordre : booster les ventes en ligne et les bons cadeaux. La réservation sur internet est devenue légion. Billetterie, achats, devis, gestion des stocks, facturation, caisses, et bientôt maintenance préventive et curative sont digitalisés et le site internet a été refondu.
Le dernier cheval de bataille de Philippe Gausset concerne la formation. «Ce sujet va devenir un vrai problème, anticipe M. Gausset. En France, on est en pleine négociation d'une transposition d'une directive européenne visant à faire passer la formation pratique des pilotes de 100 à 540 jours.» L'entrepreneur, qui n'entend pas en rester là, a alerté les parlementaires savoyards et haut-savoyards.
La société embauche six pilotes permanents à Aix-les-Bains et autant à Annecy, renforcés en saison par un ou deux effectifs à Aix et trois ou quatre à Annecy. Dans les années à venir, l'entreprise va devoir remplacer plusieurs pilotes prenant leur retraite, et ce n'est pas chose aisée. «Au départ, j'allais chercher du personnel ailleurs, provenant de grosses compagnies. Mais plusieurs difficultés se sont fait jour : trouver un logement, un travail pour leur conjoint(e) et des habitudes de travail radicalement différentes. J'ai essayé à deux reprises et ça n'a pas fonctionné.» Parce qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même, Philippe Gausset mise sur l'apprentissage pour recruter ses talents de demain. Rien que cet été, la compagnie a accueilli 23 apprentis. «Parmi eux, nous en avons repéré quatre ou cinq susceptibles de devenir pilotes.» Alors que la France ne compte que deux centres de formation _ le premier en région parisienne, le second à Montélimar _, Philippe Gausset travaille à la création d'une école à Aix-les-Bains, qui devrait être opérationnelle dès le printemps. Elle disposera de cinq formateurs certifiés et pourra prendre en charge entre trois et cinq élèves par session.