Entre développement local et collaboration régionale
Dans cette interview, Jean-Claude Martin, maire de la commune d’Alby-sur-Chéran, nous éclaire sur les choix stratégiques, les projets en cours et l’avenir de cette commune dynamique située à proximité d’Annecy. Une réflexion sur l’importance des services publics, de la mobilité et des collaborations intercommunales. Mais c’est aussi l’occasion de revenir sur l’intégration de la commune dans le Grand Annecy
Vous avez décidé d’intégrer Alby au Grand Annecy plutôt que de fusionner avec Rumilly. Qu'est-ce qui a motivé ce choix ?
C’est une question qui m’a longtemps préoccupé, car les deux options avaient leurs avantages. Cependant, en analysant la situation avec mon conseil municipal et après avoir échangé avec d’autres élus, nous avons opté pour Annecy. Ce qui a été déterminant, c'est ma sensibilité aux services publics. À Annecy, la gestion de l'eau, de l’assainissement, des déchets et des transports se fait via des régies publiques. C’est un modèle que je soutiens fermement, car je voulais éviter de déléguer ces services essentiels à des entreprises privées, comme Veolia, qui aurait pu prendre la main sur notre eau ou nos déchets. La régie publique garantit que ces services restent accessibles et contrôlés par la collectivité, ce qui est crucial pour notre autonomie. Le choix d’Annecy correspondait à une vision à long terme, et même si cela m’a coûté ma place de président de la Communauté de Communes du Pays d’Alby, je ne regrette rien. Je crois fermement qu'en intégrant le Grand Annecy, nous avons pris la bonne direction pour assurer un développement harmonieux et cohérent de notre territoire.
La mobilité semble être un point essentiel dans votre vision pour Alby. Quelles sont vos priorités en la matière ?
Absolument, la mobilité est un enjeu clé, surtout pour une commune comme la nôtre, qui se trouve en périphérie d’une grande agglomération. Nous avons déjà beaucoup fait, notamment en renforçant la ligne de bus 40, qui relie Alby à Annecy. Cette ligne, que j'avais initiée lorsque j'étais Président de la Communauté de Communes, est devenue vitale pour de nombreux habitants. Mais je pense qu'on peut aller plus loin. J'aimerais que cette ligne soit prolongée jusqu'à Aix-les-Bains, car cela permettrait à nos jeunes étudiants, mais aussi à d’autres usagers, d’éviter d’avoir à utiliser leur voiture. Réduire le nombre de véhicules sur la route est non seulement bon pour l'environnement, mais cela réduit aussi le budget transport des ménages, qui est de plus en plus lourd. De plus, je suis un fervent utilisateur du vélo. Je me déplace régulièrement à Annecy ou à Rumilly en deux roues, et je pense que nous devons accélérer le développement des pistes cyclables et des voies sécurisées pour encourager cette alternative de transport. La mobilité douce est l’avenir, et j’aimerais que notre territoire soit à l’avant-garde dans ce domaine.
La collaboration avec d'autres communes semble être un sujet qui vous tient à coeur. Pourquoi est-ce si important ?
Oui, je crois fermement à la coopération entre les territoires, surtout dans un contexte où les ressources sont de plus en plus limitées. Prenez l'exemple de Rumilly. Nous avons des habitants qui travaillent à Rumilly, et des jeunes qui pourraient profiter des commerces et des services, mais les infrastructures de transport et de services publics ne sont pas suffisamment développées pour faciliter ces échanges. Si nous renforcions notre collaboration avec Rumilly, notamment sur les transports et les services essentiels comme l’eau potable ou la gestion des déchets, cela bénéficierait à tout le monde. Par exemple, la station d’épuration de Rumilly connaît actuellement des difficultés. Il serait judicieux de mutualiser nos efforts pour assurer un traitement des eaux optimal sur l'ensemble de notre territoire. Cela éviterait des surcoûts et améliorerait la qualité des services. L’eau potable est un autre domaine où la collaboration pourrait s’intensifier. Une partie de l’eau de Rumilly provient de la Veïse à Gruffy, et il me semble essentiel de développer une gestion commune des ressources en eau pour anticiper les pénuries ou les besoins croissants à long terme. Il ne s’agit pas de fusionner les communes, mais d’instaurer une coopération plus solide et plus efficace.
Concernant le développement économique, quels sont les projets actuels sur le territoire d’Albi et comment le Grand Annecy y contribue-t-il ?
Le développement économique est un axe stratégique pour notre commune. Cependant, il est vrai que nous disposons de peu de terrains disponibles à Alby même. Il reste quelques espaces à la sortie de l'autoroute, près du parking de covoiturage, qui est d’ailleurs une réussite. Quand nous avons lancé ce projet il y a dix ans, certains étaient sceptiques, mais aujourd'hui, ce parking est plein tous les matins, preuve que le covoiturage et les mobilités douces ont un avenir prometteur. Nous avons aussi des projets de densification, avec des bâtiments mixtes qui pourraient accueillir des bureaux, et au-dessus des logements. Cela permettrait d'optimiser l'espace restant. Nous avons également deux pépinières d’entreprises, dont une à Alby, qui sont quasiment pleines. Cela montre le dynamisme entrepreneurial de la région, mais aussi la nécessité de prévoir de nouveaux espaces pour accueillir ces entreprises. Sur un plan plus large, la zone industrielle de Vovray, à l’entrée d’Annecy, pourrait être réhabilitée pour accueillir des activités plus denses, avec des bâtiments à plusieurs étages. Nous voulons éviter l’étalement urbain, qui va à l’encontre des directives de non-artificialisation des sols. C’est un enjeu crucial : il faut concilier le développement économique avec la préservation de notre environnement.
Vous avez déjà mentionné l’importance du logement social. Comment est-ce que la commune d’Alby s’en sort dans ce domaine ?
Alby n'est pas soumise à la loi SRU, qui impose 25% de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants, mais cela ne nous a pas empêchés d’adopter une politique ambitieuse en la matière. Nous avons atteint 23% de logements sociaux, ce qui est remarquable pour une commune de 2 750 habitants. Cette politique sociale a été initiée bien avant mon mandat, sous le docteur Payet, et je suis fier de la poursuivre. Ce qui est particulièrement intéressant à Alby, c’est la diversité de notre population. Nous comptons pas moins de 23 nationalités différentes. Cela fait de notre commune un lieu de mixité sociale et culturelle très riche. Nous mettons également beaucoup de moyens dans les écoles pour favoriser cette cohésion sociale. Il est essentiel que chacun, quelle que soit son origine, trouve sa place dans la commune. Cependant, les demandes de logements aidés augmentent, notamment de la part de familles monoparentales, ce qui nous pousse à continuer nos efforts. Je souhaiterais que d'autres communes suivent cet exemple pour répondre aux besoins croissants en matière de logement.
Alby semble avoir une population jeune, mais qu'en est-il des services pour les personnes âgées ?
C’est vrai que nous avons une population relativement jeune, mais nous n’oublions pas pour autant nos aînés. Alby a initié la création de la maison de retraite du Gruffy, un projet porté par la communauté de communes il y a une dizaine d’années. Malheureusement, nous n’avons pas pu en construire une deuxième, même si un projet était prévu à Chapeiry. Il n’a pas vu le jour à cause du manque de soutien de l’Agence Régionale de Santé (ARS). Le vieillissement de la population est une question majeure, non seulement pour Alby, mais pour tout le territoire. Au Grand Annecy, je travaille en lien avec le Conseil de développement pour organiser en 2025 une conférence sur le grand âge. L’objectif sera d’identifier les besoins des personnes âgées et des associations qui les soutiennent. Il est crucial de renforcer les services de maintien à domicile, qui sont souvent préférés par les seniors, et qui coûtent aussi moins cher à la collectivité que l’hébergement en EHPAD.
Pour conclure, quels sont les défis majeurs auxquels la commune d’Alby et son territoire doivent faire face dans les années à venir ?
Le défi majeur, c’est de trouver un équilibre entre développement et préservation. Je ne parle pas de fusionner les communes, mais je crois qu’une mutualisation plus importante des services entre les communes est inévitable. Nous avons déjà des exemples de collaboration, comme avec Saint-Felix pour un poste partagé en urbanisme. Il faut aller plus loin, notamment dans la gestion des budgets, des ressources humaines, et d'autres services administratifs. Cela permettrait de réduire les coûts et de maximiser l’efficacité. Par ailleurs, nous devons relever les défis financiers. Avec la suppression de la taxe d’habitation, l'augmentation des coûts de l’énergie et les obligations salariales imposées par l'État, les communes comme la nôtre sont sous pression. Nos marges de manoeuvre financières sont de plus en plus limitées, et cela nous pousse à être plus créatifs dans notre gestion des ressources. La fiscalité locale ne peut pas tout résoudre, et c’est pourquoi je milite pour une réforme de la répartition des ressources fiscales entre les communes et l’intercommunalité.