Erick Warin : nageur de l’extrême en eau glacée, prépare les mondiaux

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Erick Warin, sportif dans l’âme et dans le cœur ayant pratiqué plusieurs sports à haut-niveau, participera aux prochains championnats du monde de nage en eau glacée (Ice Swimming 2022) qui se dérouleront à Glogow, en Pologne, du 3 au 6 février prochains, et où il représentera, parmi d’autres concurrents, les couleurs de la France pour parcourir 1000 mètres en 25 minutes maximum dans une eau à 1°C. Il devait également participer fin janvier aux championnats de France dans le lac des Dames, à Samoëns, récemment annulés par la Fédération Française de Natation au vu de la situation sanitaire dégradée. L’homme de 58 ans, salarié d’un groupe industriel international et moniteur de ski aux Aillons-Margériaz, revient sur son parcours de vie et explique comment il en est arrivé à pratiquer ce sport de l’extrême.

La nage en eau glacée, c’est quoi ?

Erick Warin pratique depuis 5 ans la nage en eau froide (température de l’eau comprise entre 5 et 10°C) et en eau glacée (température comprise entre 0 et 5°C). Pour qu’un candidat soit sélectionné aux championnats du monde en eau glacée, il faut qu’il ait validé un temps selon une température de l’eau strictement inférieure à 5°C.

Cette discipline, restée longtemps dans l’ombre, est depuis quelques mois rattachée à la Fédération Française de Natation (FFN) dans la catégorie «nage en eau libre». En octobre dernier, la FFN a signé une convention de partenariat avec l’International Ice Swimming Association (IISA) et l’International Ice Swimming Association France (IISA France) qui regroupe les nageurs licenciés souhaitant pratiquer la nage hivernale en eau gelée à l’étranger. Cette signature est une première mondiale et une reconnaissance officielle de la «nage glacée»  qui pourrait prochainement intégrer le programme des Jeux Olympiques d’hiver. 

Depuis les premiers championnats de France en 2019 à Vichy, qu’Erick Warin avait suivis avec beaucoup d’intérêt, la nage hivernale réunit chaque année de plus en plus de participants. La 1ère édition comptait une soixantaine de nageurs, la 2nde environ 150 et la 3ème plus de 200.

«C’est un sport dont on parle de plus en plus et qui attire de plus en plus de gens. L’immersion en eau glacée est reconnue pour procurer une sensation de bien-être, mais il ne faut pas confondre la nage, qui demande un effort physique, et les bains glacés comme ceux pratiqués dans les pays scandinaves à la sortie des saunas».

Les épreuves vont généralement de 25m à 1000m et sont ouvertes à toute personne, de 18 à 99 ans, ayant de bonnes conditions physiques et mentales.

De bonnes conditions physiques et mentales

Pour participer aux championnats, «très encadrés et très sécurisés» un entraînement adapté est nécessaire et passer des examens médicaux, tel qu’un électrocardiogramme, est obligatoire pour confirmer l’aptitude du candidat à ce genre d’épreuves physiquement violentes d’autant plus qu’elles sont effectuées en simple maillot de bain et non en combinaison. Le mental joue un rôle essentiel pour la défense de l’organisme.

«On s’entraîne en adaptant petit à petit son corps à la baisse des températures, d’abord en automne puis en hiver, soit en restant statique pour travailler la résistance au froid et la respiration soit en nageant pour habituer son corps aux mouvements. Certains utilisent des piscines extérieures, parfois gonflables, et d’autres se servent de bacs de récupération d’eau qu’ils laissent toute l’année dehors car l’eau stagnante refroidit fortement.»

Le sportif apporte des précisions sur l’état physique durant la nage puis à la sortie de l’eau :

«On est en hypothermie, le corps descend à 34, et à 0 ou 1 degré, on a les extrémités qui gèlent. Généralement, on vous porte à la sortie de l’eau car vous ne pouvez plus marcher, vous ne sentez plus vos mains ni vos pieds, vous ne pouvez plus parler, la mâchoire est complètement figée. Il y a un protocole de réchauffement drastique. Après de longues minutes dans l’eau, on a ce que l’on appelle un état euphorisant appelé «lune de miel», pendant 5 à 10 minutes, tout va bien, vous êtes détendu mais le corps continue à descendre en température, ce que l’on appelle l’ «after drop», et il est obligé de lutter encore plus pour se réchauffer. On vous emmène dans une salle de réchauffement où on vous pose des serviettes de bain trempées dans de l’eau chaude, sous l’observation d’un médecin, jusqu’au moment où vous commencez à trembler, ce qui signifie que le corps relance la pompe pour refaire circuler le sang. Et par les tremblements, le corps se réchauffe. Après l’after drop, on est apaisé, serein et cette sensation est addictive.»

Revanche sur la vie

Erick Warin revient sur son enfance et l’accident dont il a été victime adolescent: «Petit, j’étais asthmatique et j’ai passé tous mes étés, entre 6 et 12 ans, en foyer d’enfant pour suivre une cure à Allevard, loin de mes parents qui étaient dans le Nord. A 14 ans, j’ai eu un accident de surf, dans l’eau. Je me suis coupé un orteil et j’ai attrapé un staphylocoque doré qui a attaqué l’os de ma jambe gauche. On m’a alors annoncé qu’il faudrait peut-être m’amputer. Finalement, ma jambe a été sauvée mais j’ai dû passer une année entière en fauteuil roulant.»

Il poursuit en évoquant les années qui ont suivi cette épreuve ; sa passion du sport l’a poussé à pratiquer diverses disciplines au niveau national tels que le hockey sur glace, le football américain ou encore le Ju-jitsu: «J’ai rebondi, rencontré des gens extraordinaires, je me suis battu et j’ai découvert le hockey sur glace qui m’a mené en équipe de France, puis j’ai été international au Canada, et en 1985, j’ai fait les championnats du monde aux couleurs de la France, ce qui a été pour moi une première belle revanche».

Comment en êtes-vous arrivé à la nage en eau glacée?

Les compétitions rendant difficile la gestion à la fois du sport, du travail et de la vie de famille, ce père de 4 enfants a mis sa carrière sportive entre parenthèses et a choisi de pratiquer le triathlon pour le plaisir et le bien-être : «Malheureusement, j’ai dû rapidement arrêter la course à pied pour éviter une opération mais j’ai continué le vélo et surtout la nage sur les conseils de mon chirurgien». Travaillant sur Annecy, Erick Warin confie qu’il prenait beaucoup de plaisir à nager dans «cette belle piscine qu’est le lac».

«Pendant un an, je mettais ma combinaison de triathlon. Et je me suis rendu compte, en la retirant dans l’eau, que j’arrivais à résister au froid, donc l’année d’après j’ai commencé à nager en maillot et petit à petit j’en suis venu à la nage en eau glacée. Quand j’ai découvert les 1ers championnats de France de Vichy, je me suis inscrit à l’IISA et il y a 2 ans, lorsque j’ai appris qu’ils auraient lieu à Samoëns, ça m’a donné un objectif.»

Véritable «ours solitaire» comme il se décrit lui-même, il s’entraîne tout seul à la piscine des Marquisats, à Annecy, où il a pris une licence au club d’aviron pour bénéficier du vestiaire. Il se dit «en dehors de tout schéma et de toute structure d’entraînement».

«Concernant les championnats du monde, je sais que ça va être dur, que je vais avoir mal. Je n’ai jamais nagé dans une eau en dessous de 3-4 degrés, mais j’aime me faire violence. J’ai besoin d’être épuisé, sinon ce n’est pas du sport, c’est du loisir. Et de par mon histoire personnelle, je suis heureux d’être debout sur mes deux jambes et de réaliser des challenges. Cette compétition me tient à cœur car à bientôt 59 ans, je sais que je n’en ferai pas beaucoup. Mon objectif est d’aller au bout de ce kilomètre dans mon temps imparti. Je ne vais rien lâcher. Je n’ai aucune prétention de médaille, je sais que devant moi il y a aura du monde et du beau monde, mais je ne fais pas ça pour la gloire, je le fais pour me sentir vivant».

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