«Faire d’une catastrophe annoncée quelque chose de positif !»

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Certains jours, la vie d’un élu municipal réserve de sérieux motifs de colère. En particulier lorsque des décisions prises à un niveau totalement inaccessible viennent mettre à mal les efforts engagés au plan local. 
Ce genre de situation, le maire de Rumilly l’a vécu il y a peu de temps, le 27 mars précisément, lorsque le responsable territorial de «SNCF Gares et Connexions» est entré dans son bureau. «SNCF Gares et Connexions», c’est une branche de la SNCF, chargée de gérer et de développer les gares voyageurs du réseau ferré national français, et le responsable en visite à Rumilly était venu, tout simplement, annoncer la fermeture du guichet de la gare pour le 1er juin 2019. 
La raison : même si la gare de Rumilly voit passer quelque 620 000 voyageurs chaque année, ce qui fait d’elle la troisième gare haut-savoyarde, peu d’entre eux achètent leur billet au guichet. La plupart bénéficient d’un abonnement. D’où la fermeture annoncée du guichet, remplacé par des bornes automatiques.
En fait, cette décision entre dans le cadre beaucoup plus général d’une transformation en profondeur de la SNCF dans son ensemble, dans un contexte d’ouverture du transport ferroviaire à la concurrence européenne, qui passe par un plan de privatisation des bâtiments.
«Pas acceptable !»
Dire que l’entrevue s’est déroulée dans une ambiance feutrée serait sans doute excessif et les murs du bureau ont un peu vibré de la colère du premier magistrat de la commune. «J’ai exprimé avec véhémence mon mécontentement», raconte Pierre Béchet toujours aussi «remonté». Et même les explications, un peu embarrassées il faut bien le dire, du représentant de la branche «gares«  de la SNCF, n’ont pas vraiment détendu l’atmosphère. 
Bref ! Aucune possibilité de négocier. Rumilly n’est pas la seule ville concernée : la SNCF a lancé un plan de privatisation de 1 000 gares en France, pour lesquelles elle a lancé des appels à projet.  
La seule proposition, au départ, c’est un appui symbolique pour mettre en place un système d’aide aux personnes à la recherche de renseignements et de billets de train. 
A la charge de la collectivité locale, évidemment, qui devrait prendre elle-même en compte tous ceux qui, pour diverses raisons, ne peuvent utiliser les moyens informatiques de réservation et d’achat de billets. «Ce n’est pas acceptable !», s’est insurgé le maire.
On en était là au début du mois d’avril quand la rumeur s’est répandue : «La gare va fermer !». Du côté des élus, on prépare alors une riposte qui mobiliserait à tous les niveaux : maires, élus communautaires, parlementaires, etc. Sans grandes illusions puisque dans de nombreuses autres communes, on vit la même situation, y compris dans certaines grandes gares.

Un sursis
Jusqu’à un coup de téléphone : pour le moment, on ne ferme rien. Le guichet ne sera pas supprimé au 1er juin et sa suppression devra être liée à l’avenir de la gare. 
Un avenir à négocier entre les différents partenaires. Et c’est le sens de la demande exprimée par le maire de Rumilly : une rencontre entre les responsables de «SNCF Gares et Connexions», la ville de Rumilly, la communauté de communes Rumilly Terre de Savoie et les éventuels partenaires concernés, dont la région. Pour poser les bonnes questions, même si «c’est inéluctable !». 
Et puisque rien ne fera changer les actuels propriétaires de la gare, autant «faire d’une catastrophe annoncée quelque chose de positif», propose Pierre Béchet. 
En se demandant quels services pourront désormais être rendus dans la gare, quelles en seront les conditions de gestion, et par qui ? «Pour le moment, on ne sait rien ! Mais tout est à discuter». Des idées, il y en a, entre  accueil du public, ouverture de services, développement de la multi modalité, ouverture d’une vélostation (une idée déjà ancienne), voire des espaces sur place de télétravail. Entre autres possibilités. 

Par le haut !
Mais, même si «quoiqu’il en soit, on est victimes !», rien ne doit se faire avant que les discussions aient abouti. Et, au plan local, il s’agit de s’en sortir «par le haut», peut-être en intégrant ce nouvel élément dans le plan «Action Cœur de Ville». 
En tout cas, avec la volonté de faire du futur de la gare de Rumilly «un projet exemplaire qui serve de modèle».
Il faut donc se faire à cette idée, la gare va changer. Finie l’ambiance particulière d’un lieu public dont on ne retrouvera sans doute les effluves que devant un écran de cinéma. Mais pour le moment, rien ne change à Rumilly pour les voyageurs. Le temps de mettre en place une nouvelle organisation pour tous les usagers, qui, dans un contexte général de rentabilité et d’ouverture à la concurrence, permettra, on le souhaite, de conserver un peu de ce que l’on appelle encore le «service public».
 

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