Faut-il modifier le nom des rues ?

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Dans nombre de villes du monde, on conteste certains baptêmes de rues. Car elles portent parfois le nom de personnages qui se sont rendus célèbres par des positions que l’on ne peut plus tolérer aujourd’hui. Même s’il faut se reporter quelques décennies, voire quelques siècles en arrière, à une époque où les notions de colonialisme, voire d’esclavagisme, étaient admises et même promues par la très grande majorité des français. 
Les manifestations contre le racisme de ces dernières semaines ont mis en évidence ce qui, de nos jours, semble de bien mauvais choix. Même si étaient sans doute gens généreux ceux qui ont ainsi baptisé rues, places, écoles ou monuments des noms de Colbert, auteur  du fameux « Code noir », du « négrier » Rasteau, voire du Général Bugeaud, responsable des « enfumades » algériennes en 1840, ou d’Alexis Carrel, médecin fort précieux mais promoteur de l’eugénisme et proche des thèses nazies. Même nos voisins suisses contestent le choix de Carl Vogt pour nommer certaines artères.
Une sorte de « grand ménage » des rues est aujourd’hui demandé par une partie de l’opinion dans de nombreuses villes du monde.

Maires, héros et musiciens
A Rumilly, on peut se pencher sur cette question, bien légitime. Mais à l’examen de la nomenclature des rues de la ville, il est peu probable que la contestation soit virulente. 
Certes, on peut s’interroger sur le choix de certains maires, et pas d’autres pour donner leur nom aux voies communales. Parmi eux, Frédéric Girod (1849-1853, 1860-1870), Félix Gantin (1882-1890), Edouard André (1925-1936), Louis Amoudry (1944-1955), René Darmet (1955-1971), ou Louis Dagand (1971-1989). Mais il en manque beaucoup…
Les héros de l’Histoire sont bien peu nombreux. Et, même si on ne connait pas forcément très bien leur parcours et leurs idées, il est peu probable que, par-delà les années, on puisse leur reprocher des positions contestables. Marcoz d’Ecle a laissé trace dans l’histoire locale (ou la légende) en s’opposant, inutilement il est vrai et en le payant de sa vie, aux troupes espagnoles en 1742. La biographie de Pierre Salteur, « seigneur de la Sale » comporte bien des « trous ». Par contre, que dire de Joseph Béard, Jozè Byâ, certes médecin des pauvres et chansonnier à la verve parfois assassine, mais aussi coupable de versets particulièrement intolérants vis-à-vis des « vairons » annéciens…
Certaines rues témoignent d’un passé historique en marquant ses vestiges visibles ou non, des Remparts aux Tours, des Forts à la Croix Noire.
Rien à redire non plus sur le choix de musiciens et autres littérateurs, de Mozart à Lamartine, de Ronsard à Debussy, de Berlioz à Racine. Ainsi qu’aux grands hommes (et grandes femmes) de l’histoire récente : De Gaulle, Pasteur, Roosevelt, Jean Moulin, René Cassin ou plus récemment et plus localement, Jeanne Burdin ou Joseph Joffo. Même si, là encore, les choix sont très « ciblés ». Quant aux Frères Lumière, leur choix revient à l’un des habitants, célèbre, de cette rue, Henry Tracol…

Fleurs et plantes
Mais tout cela représente bien peu de choses dans la nomenclature des quelque 344 rues et places de la ville, et des écoles et autres sites urbains. Car, sur l’ensemble des noms, on ne compte que 7% de personnages célèbres ou non. Par contre, la ville déborde, en particulier dans les quartiers les plus récemment urbanisés, de rues affublées de noms de fleurs, de plantes, de lieux-dits, d’animaux, d’arbres ou de montagnes. Des rues qui célèbrent les pinsons, les camélias, les églantines ou autres lilas. 
Ou les séquoias, vernes, mésanges, coquelicots ou marguerites. 
Bien sûr, tout cela donne un air bucolique à la ville, toujours entre esprit urbain et attachement au rural. Mais où sont les grands (ou plus modestes) personnages qui ont marqué notre époque, les savants et intellectuels qui ont fait évoluer notre monde, y compris en le libérant d’un carcan colonialiste et raciste ? Manque d’imagination ou préoccupation de maintenir le « politiquement correct » ?

La question est posée. Au moins, à Rumilly, il est peu probable que l’on veuille déboulonner les plaques de rues…
 

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