Il construit un kart radiocommandé pour son fils handicapé

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ichard Rozier, résidant à Jacob Bellecombette, est le papa d’Arthur, polyhandicapé depuis son plus jeune âge et qui du haut de ses 9 ans est un petit garçon souriant et plein de vie. Ayant toujours rencontré des difficultés à trouver des jouets adaptés et stimulants pour son fils, Richard décide, durant le 1er confinement, de se lancer dans la construction d’un kart radiocommandé. Parmi le panel de voitures pour enfants proposées sur le marché, aucune n’était réellement adaptée ni suffisamment sécurisée.

Ce technicien du traitement de l’eau, passionné de bricolage a donc conçu, en grande partie avec du matériel de récupération, un kart transformé en voiture de police qui permet à Arthur de se déplacer, s’amuser et ressentir des sensations fortes, en toute sécurité, sous l’œil et le coup de pouce bienveillants de son papa.

Il était une fois Arthur

Richard raconte la naissance d’Arthur et les mois qui ont suivi : « Sa naissance s’est bien passée mais très rapidement, sa maman et moi avons remarqué qu’il ne nous regardait pas beaucoup, qu’il était absent, on avait du mal à échanger avec lui et il dormait beaucoup, il était hypotonique. Le pédiatre nous a rassurés en nous disant que tout allait bien, qu’à cet âge-là es petits ont un champ de vision relativement réduit et qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter ».

Pourtant, lorsqu’Arthur a 5 mois, leur vie prend tournant. Victime de convulsions, le bébé est emmené aux urgences et le diagnostic tombe rapidement : Arthur a le syndrome de West, forme rare d’épilepsie qui s’accompagne d’un ralentissement voire d’une régression du développement de l’enfant.

«Il pouvait faire 15 à 20 crises par jour, sans perte de connaissance mais avec les yeux révulsés et des mouvements incontrôlés qui duraient environ 30 secondes».

Ces crises s’arrêtent vers l’âge de 2 ans, mais ont engendré des séquelles intellectuelles et motrices. Arthur marche pour la 1e fois à 5 ans et sa démarche est depuis irrégulière. Le petit garçon a également une cécité corticale qui altère sa perception du monde mais qu’il est difficile d’évaluer car Arthur ne parle pas :

«Il n’est pas autonome, pas propre, il ne s’alimente pas seul et ne peut manger que des aliments moulinés à condition que la consistance soit lisse et régulière». Lorsque Richard évoque son fils, on sent toute la fierté qu’il ressent à chacun de ses sourires : «C’est un enfant très joyeux, un vrai rayon de soleil. Il ne pleure quasiment jamais, contrairement à d’autres enfants qui ressentent la frustration de ne pas réussir à communiquer.».

Séparé de sa compagne depuis de nombreuses années, Richard vit avec Arthur 1 week-end sur 2 et la moitié des vacances. Ne pouvant être scolarisé, le petit garçon passe chaque jour de la semaine dans le centre spécialisé Accueil Savoie Handicap (association reconnue d’utilité publique), à Saint-Alban Leysse, où  «il bénéficie de séances de kiné, d’orthophonie, d’ergothérapie et participe à diverses activités de groupe, des ateliers musicaux, des jeux et des sorties» comme l’explique Richard.

De l’idée à la conception

«Je cherchais des idées pour occuper Arthur car très peu de choses suscitent son intérêt. Il aime ce qui est lumineux et fait du bruit, notamment les claviers musicaux, il adore barboter, faire de la balançoire, je lui en ai d’ailleurs conçu une dans le salon, et se regarder dans la glace» confie Richard.

Ayant remarqué que son fils avait besoin de sensations pour s’épanouir, Richard réfléchit à une alternative du kart motorisé classique, trop dangereux : «J’ai vu que beaucoup de gens fabriquaient des choses en se servant de moteurs pour hoverboard. Alors l’idée m’est venue d’utiliser une planche à roulettes et de concevoir un kart avec un système télécommandable».

Durant sa jeunesse, Richard a beaucoup pratiqué le modélisme, ce qui l’a aidé à programmer une radiocommande même s’il indique qu’aujourd’hui «l’informatique a remplacé l’électronique».

Il a cherché à utiliser le plus de «récup’» possible, et a notamment eu l’idée de remplacer les roulettes de la planche par des roulettes de rollers pour plus de vitesse. Concernant l’habillage, il s’est procuré une structure de lit enfant en plastique «imitation voiture», aux finitions arrondies pour éviter qu’Arthur se fasse mal et plus solide qu’une structure bois, qu’il a ensuite décorée avec des autocollants, avant d’y ajouter divers éclairages, une plaque d’immatriculation et des pots d’échappement conçus en carton pour rendre le véhicule le plus réel possible. Sur la planche, à l’intérieur, Richard a fixé un siège auto Groupe 3 et un simulateur de conduite pour enfant en guise de volant.

50 heures de travail lui auront été nécessaires pour concevoir le kart radiocommandé de la première touche à la dernière couche, pour un montant d’environ 300 euros (en plus du matériel de récupération, Richard a dû investir dans l’achat d’une radio neuve et des batteries de qualité).

Il a pour projet d’en construire un 2e, à double-commande (permettant une coupure à distance en cas de problème), destiné à des enfants handicapés physiques mais capables de la piloter eux-mêmes.

Arthur en balade

Dès qu’il est chez son papa, Arthur se régale de pouvoir faire un tour à bord de sa voiture bleue qui peut rouler jusqu’à 18 kilomètres/heure et se déplacer dans toutes les directions grâce au pilotage radiocommandé de Richard.

«Dès que je l’ai installé et bouclé la ceinture de sécurité, le sourire d’Arthur est rayonnant. Il adore tenir le volant et partir en balade.».

Richard, qui a été cadre fédéral au Club Alpin Français durant sa jeunesse, a gardé la passion de la randonnée. Un de ses prochains projets, qu’il espère réaliser pour l’été prochain : fabriquer une poussette tout terrain motorisée démontable et transformable en remorque-vélo. «Je voudrais un objet à double utilité : la poussette tout terrain me permettra d’emmener Arthur en montagne et grâce à la remorque-vélo, on pourra faire des balades à vélo ensemble.»

Concours Fab Life

Grâce à la construction de son kart radiocommandé, Richard Rozier a été sélectionné parmi les 20 lauréats de la 24e édition du concours Fab Life (anciennement intitulé «Concours des Papas Bricoleurs, Mamans Astucieuses et Cie»), organisé par Handicap International. Parrainé par Jérôme Bonaldi et Grégory Cuilleron, ce concours invite les passionnés de l’innovation et de la débrouille à développer des solutions permettant de faciliter le quotidien des individus aux besoins spécifiques comme les personnes handicapées, les personnes âgées, celles en perte de mobilité temporaire, etc.

Le jury, composé de professionnels du handicap et du bricolage, d’ergothérapeutes et d’experts en management de l’innovation, a choisi les 20 réalisations parmi 40 dossiers déposés. 3 prix sont décernés: le «prix du public», le «prix du jury» et le «prix du design»

«C’est Annabelle, ergothérapeute au centre Accueil Savoie Handicap, qui m’a parlé de l’existence de ce concours et encouragé à m’inscrire, à la fin de l’été dernier. Il ne restait que quelques jours avant la clôture d’envoie des dossiers, j’ai d’abord hésité avant de me dire que ce serait dommage de ne pas tenter».

Le prix du public ayant déjà été décerné, Richard a toujours ses chances de remporter un des deux prix restants qui devraient être attribués courant décembre.

«Si je gagne, tant mieux, mais la plus belle des victoires, c’est le bonheur de mon fils».

Retrouvez toutes les infos du concours sur https://handicap-international.fr/fr/actualites/concours-fab-life

Claire Castelar

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