Il se lance un défi pour ses 40 ans : l’ascension du Kilimandjaro
Le rumillien Gilles Lambert, marié, père de quatre grandes filles et conducteur de train en Suisse, qui avait pour habitude de beaucoup voyager en famille avant la crise sanitaire, ressent dès le début du confinement le besoin de se lancer un défi pour, comme il le dit, « marquer le coup de la quarantaine ». En manque de sensations, de dépaysement, ce sportif et voyageur dans l’âme ayant toujours rêvé de voir les neiges éternelles d’Afrique, décide, il y a tout juste un an, de partir seul à la conquête du Kilimandjaro.
Une année de préparation
Afin de préparer au mieux cette ascension, Gilles Lambert fait d’abord des recherches sur le web et plus particulièrement sur des forums, dans le but de trouver une équipe sur place qui puisse l’aider à organiser son périple. Il entre en contact avec un guide local apparemment réputé puis avec six accompagnateurs supplémentaires (un guide francophone, quatre porteurs et un cuisinier) qui s’engagent à partager cette aventure avec lui.
Une fois ces recherches effectuées et le groupe solidement constitué, l’étape suivante, et non des moindres, consiste à trouver un bon équipement d’alpinisme (paires de chaussures mais sans crampons, vêtements et sacs de couchage chauds, matelas isotherme, etc…) puis à se préparer physiquement, bien que Gilles Lambert admette ne pas s’être entraîné à un rythme soutenu. Il confie avoir couru de temps en temps et monté quelques sommets de la région dont la Tournette, mais n’avoir guère effectué plus d’entraînement que ses activités sportives habituelles. Concernant la préparation mentale, le jeune quadragénaire avoue ne pas s’y être du tout penché, à tort, car « le mental est ce dont on a le plus besoin dans ce genre de situations, surtout lorsqu’on part seul et qu’on n’a personne derrière pour nous pousser. »
Après un an de préparatifs, Gilles Lambert, qui a eu quarante ans le 23 juillet, quitte Rumilly le 11 août en direction de l’aéroport de Genève puis s’envole vers la Tanzanie.
L’arrivée en Tanzanie
et l’ascension
Gilles atterrit à l’aéroport du Kilimandjaro en soirée, vers 20h, où son guide l’attend pour l’amener à l’hôtel dans la ville de Moshi (à une vingtaine de kilomètres du Mont Kilimandjaro). Ensemble, ils vérifient l’intégralité de son équipement et décident de ce qu’il est nécessaire d’emporter ou pas. Le lendemain matin, ils retrouvent au pied de la montagne les porteurs et le cuisinier (qui leur préparera une soupe chaque soir, des plats à base de poulet et même une pizza) puis répartissent le poids des sacs, en sachant que chaque porteur doit porter 20 kg maximum. Une fois cette répartition établie, ils peuvent commencer leur ascension.
D’une moyenne de 11 kilomètres parcourus quotidiennement, l’ascension se fait en cinq jours (au lieu des sept initialement prévus), ce qui représente en moyenne entre cinq et huit heures de marche selon l’allure à laquelle le groupe avance. Ils arrivent dans un premier camp à 2900 mètres environ (le camp Machame), après avoir emprunté la voie Machame, réputée difficile en terme d’acclimatation mais considérée comme un des itinéraires les plus beaux. Les tentes sont déjà installées par les porteurs qui partent toujours les derniers mais arrivent les premiers sur un camp. Par ailleurs, Gilles estime avoir beaucoup de chance de faire cette ascension dans une période où il y a peu de touristes (seulement cinq groupes, alors qu’en temps normal il y en a environ trois cents).
« Les deux premières journées étaient tranquilles, j’avais l’impression de me promener dans une forêt tropicale, avec la sensation d’être en vacances. Je n’étais pas encore dans l’effort. »
Une fois les 4500 mètres franchis, le troisième jour, les difficultés physiques commencent à apparaître (maux de tête, perte d’appétit) et dès la dernière nuit, pourtant très froide, Gilles n’arrive plus à manger.
Au camp de base final, dans lequel il y a plus de monde car deux voies s’y rejoignent, il est 17h, l’ascension est prévue à 1h30 du matin. Ce soir-là, il y a beaucoup de brouillard, l’atmosphère est austère mais Gilles tient bon.
« J’étais épuisé, sans force, mais je me suis dit que je ne devais pas lâcher »
Arrivé au sommet, la magie opère. C’est une véritable montée d’adrénaline et d’émotion, y compris pour les accompagnateurs dont il s’agit, pour certains, de leur première ascension. C’est un vrai plaisir pour tous de se retrouver là-haut, sur un des plus beaux toits du monde.
« Malheureusement, le guide francophone n’a pas pu faire l’ascension finale à cause du mal des montagnes (caractérisé par de gros maux de têtes et des nausées). Mais on est heureux de constater que d’autres personnes rencontrées durant la montée ont réussi aussi. Je pense en particulier à ce couple de costaricains avec qui j’ai sympathisé et que j’envisage de revoir ». « Un des jeunes porteurs était tout excité de voir ma joie. Il sautait partout, chantait puis me serrait dans ses bras ».
La descente est plus rapide : «J’ai proposé à deux de mes accompagnateurs de descendre en courant. On était les seuls à le faire, c’était magique, ce moment restera à jamais gravé dans ma mémoire ».
De retour au pied de la montagne, Gilles reçoit un diplôme et partage un moment de chants avec les guides et les porteurs.
Et les proches, dans tout ça ?
Gilles pensait beaucoup à sa famille le soir, plus particulièrement à son épouse et ses filles mais également à ses parents et ses frères et sœurs. Issu d’une fratrie de 11 enfants, il est le seul aventurier de la famille. Ses parents étaient très inquiets de ce défi pas comme les autres. Ils n’ont pas compris sa démarche (pourquoi prendre des risques, chercher le danger ? ) mais l’ont malgré tout soutenu. Son épouse, habituée à ses idées farfelues et sa soif de challenges, n’a pas été plus surprise que ça lorsqu’il lui a annoncé son projet. Avec le recul, elle aurait même aimé partager cette expérience avec lui, car selon Gilles, elle en aurait été capable.
« C’est donné à tout le monde, nul besoin d’être un grand sportif pour tenter l’aventure. Avec une bonne santé et un bon mental, on peut y arriver. Il ne faut pas se mettre de barrières, se dire que l’on n’en est pas capable. J’ai croisé un couple de parisiens pas plus sportifs que ça et je les ai retrouvés au sommet. Ils ont réussi parce qu’ils étaient déterminés. »
Bilan de cette aventure
Ce que Gilles Lambert retient de ce voyage, en plus de la fierté d’avoir réussi, d’être arrivé au bout, au sommet, c’est la belle aventure humaine qu’il a vécue.
« Ce qui m’a marqué chez les accompagnateurs, c’est leur joie de vivre, ils chantaient toute la journée, et quand ils voyaient des fleurs, ils souriaient en disant « nos ancêtres » ! ». On a crée de véritables liens et resterons en contact.
Quant à l’après, il cherche un nouveau défi. Il aurait bien tenté l’Everest mais son épouse trouve que c’est trop dangereux.
Quoi qu’il en soit, le rumillien est heureux d’être allé au bout de cette aventure (plus de 60 pour cent des gens arrêtent aux alentours de 5500 mètres, soit tout près du but) et il encourage tous ceux qui sont tentés, sans vraiment oser, à se lancer.