«Journée éducative sur la tragédie de Saint-Eustache et la Déportation»
L’idée a pris naissance du fait que la date anniversaire de la commémoration de la tragédie de Saint-Eustache étant le 31 décembre, il est pratiquement impossible d’y voir des scolaires, et peu probable de faire adhérer la jeunesse.
C’est pourtant tout l’objet de ces commémorations : ne pas oublier !
C’était une bien belle rencontre que cette journée éducative auprès des scolaires !
Aussi, ce vendredi 2 juin 2023, au coeur même du village bauju martyrisé, une journée éducative et mémorielle était co-organisée par la Mairie, l’Association du «Souvenir des Déportés de St Eustache» et l’Association «Mémoire des Pays du Chéran».
En matinée et dans la salle polyvalente, pour suivre une conférence historique et le récit du drame évoqué par les descendants de Déportés, une cinquantaine de personnes, dont la moitié de jeunes adolescents d’une classe de Première du lycée professionnel «Porte des Alpes» de Rumilly, avait répondu présents.
Pour les élèves et leurs enseignantes, il s’agissait de nourrir leur cours d’Histoire de faits réels, survenus dans les villages de proximité régionale, de l’Albanais et du massif des Bauges.
La salle, et l’animation de la conférence, a également bénéficié d’une exposition d’une vingtaine de panneaux pédagogiques sur la Déportation en Europe, accompagnée par les explications avisées de l’équipe dirigeante de la Fédération Départementale des Internés, Déportés, Résistants et Patriotes.
La conférence du matin s’est terminée par un échange de paroles, sous forme de questions-réponses, pendant lequel chacun a pu s’exprimer et, pour les nombreux descendants de Déportés présents, de rappeler brièvement, et avec beaucoup de douleur, le cas personnel de sa propre famille.
Et pour perpétuer le souvenir des aînés, si cruellement massacrés, anéantis ou traumatisés, en reconnaissant leur force, leur courage et leur pugnacité, le chant des Bagnards de Mauthausen, intitulé «chant d’espoir», a été écouté religieusement et dans une profonde méditation. (Ce «chant d’espoir», a été écrit en mars 1944 à Gusen- Mauthausen).
Pour finir, ce n’est pas sans émotion que le doyen du jour, président d’honneur de «Mémoire des Pays du Chéran», Jean Lyonnaz-Perroud a cité quelques auteurs ayant témoigné aussi par l’écriture, des références en la matière, sur les camps nazis et sur les horreurs de la guerre (Cf. livre de Primo Levi : «Si c’est un homme». Janvier 1947 et livre de Hélie de St Marc : «Les sentinelles du soir». Décembre 1999).
L’après-midi a été consacrée à une petite cérémonie patriotique et pédagogique, avec dépôt de gerbes et Marseillaise collective, pour rendre hommage aux disparus de St Eustache et plus généralement aux Déportés de la seconde Guerre Mondiale.
La symbolique de Saint Eustache : «Non à l’oubli, non à la haine».
Ne pas oublier et pardonner, c’est pratiquer ce devoir de mémoire qui nous incombe tous, sans s’enivrer d’idéologie, d’intolérance et de vengeance, en empruntant le chemin de la vie et de la paix.
La tragédie du 31 décembre 1943 à St Eustache est liée à la Résistance française, aux maquis et aux parachutages alliés dans le secteur. Elle s’inscrit dans la série d’une dizaine d’épisodes de répression allemande, d’attaques et d’épreuves qui précèdent la libération d’août 1944.
Dans l’ombre de cette rafle de St Eustache plane l’image de tous les martyrs de la Déportation, ceux qui ne sont pas revenus et les quelques rescapés qui ont raconté l’enfer concentrationnaire. La déportation nazie n’a pas seulement été un internement dans des camps de concentration, c’était une entreprise sanguinaire destinée à faire souffrir, à humilier et à exterminer.
Mr Marcel Abonnen, président de Mémoires du Pays du Chéran, nous relatait que par «leurs témoignages, les survivants de l’horreur ont tenté d’exprimer l’incommunicable, de traduire l’incompréhensible, de transmettre l’indicible d’une autre planète où les valeurs étaient en quelque sorte inversées. Ils nous supplient de s’en souvenir !»
Et ajoutait par ailleurs que «Malheureusement, la liberté et la paix ne sont jamais définitives, les monstres n’ont pas disparu et se manifestent immanquablement, à l’exemple de l’Ex-Yougoslavie par l’épuration ethnique des années 90, et très régulièrement en Afrique par des exactions raciales de peuples opprimés.
Aussi, compte tenu par ailleurs des nombreux conflits actuels, polarisés dernièrement sur la barbarie de nouveau aux portes de l’Europe, cette journée a constitué une étape cruciale dans la prise de conscience de l’abomination de la guerre, sous le signe de la transmission aux jeunes générations.
Mesurons que nos aïeux, qui ont triomphé des tortures et du désespoir, sont un exemple de résilience et de grandeur, et l’âme de notre fierté et de nos desseins.»
Et de citer également, cette méditation de Hélie de St Marc, devant nos petites difficultés quotidiennes, tout en restant lucides et forts. «Nous vous confions nos raisons de vivre, qui furent souvent des raisons de souffrir, mais toujours des raisons d’espérer».
Cette rencontre éducative est avant tout un hommage à ceux qui ont vécu l’enfer organisé, morts ou réchappés, dont nous portons aujourd’hui le flambeau devant les générations montantes. A n’en pas douter, ce 2 juin 2023 à Saint- Eustache, les jeunes générations ont compris le message !
Pour commémorer ensemble les 80 ans de ce drame local, le rendez-vous est fixé à Saint- Eustache le 31 décembre prochain.
«L’Association «Mémoire des Pays du Chéran» est née de la volonté de quelques individus de l’espace Semnoz-Chéran d’entretenir le souvenir de passés régionaux douloureux. Elle s’y emploie depuis plus d’un quart de siècle, par le recueil de témoignages audiovisuels, uniques et authentiques.
A ce jour, une trentaine de films, sous forme de DVD ou sur clef USB (MP4), sont disponibles, dont de précieux témoignages de Déportés : Flavien Demaison (St Eustache), Robert Marchal (Cran Gevrier), Francis Paquet (Alby-sur-Chéran) et Lucien Colonel (journaliste haut- savoyard).
Se renseigner auprès de memoiredespaysducheran@ orange.fr
