Journée Internationale des droits des femmes «Le levier de l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est l’éducation»
Photo : Claire Castelar
Dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes, nous avons donné la parole à deux femmes en pays de Savoie : Véronique Riotton, députée de la 1ère circonscription de Haute-Savoie, en tant que présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et Catherine Francoz, biographe savoyarde qui durant 20 ans a écrit plus de cent récits de vie, entrant dans l’intimité d’hommes et de femmes dont certaines se sont battues pour la condition féminine.
Véronique Riotton, députée de la 1ère circonscription de Haute-Savoie, est depuis 2022 présidente de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes. Elle revient sur l’origine de son engagement et évoque les sujets qu’elle porte en faveur des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Qu’est-ce que la Délégation aux droits des Femmes ?
Cette délégation a vocation à se saisir pour avis de tous les sujets «droits des femmes» qui impactent les textes de loi. Nos missions sont de répondre à des problématiques en proposant une expertise et des recommandations, puis de remettre des rapports d’information. Il existe 4 délégations à l’Assemblée nationale : Outre-Mer, collectivités territoriales, droits des femmes et depuis deux ans droits des enfants.
Quels sujets pour les droits des femmes et l’égalité avec les hommes portez-vous ?
Lors du 1er quinquennat, nous avons travaillé sur les violences sexistes et sexuelles, particulièrement dans le milieu conjugal avec le Grenelle de 2019, et sur la place des femmes dans le milieu professionnel avec l’index d’égalité pro. Quand j’ai pris la présidence, nous nous sommes attaqués à deux sujets : la santé mentale des femmes, portée notamment par la députée haut-savoyarde Anne-Cécile Violland, et la budgétisation intégrant l’égalité. En 2023, nous avons commencé à travailler sur le développement de la pratique féminine du sport et en fin d’année sur la question «Faut-il ou non introduire la notion de consentement dans la définition pénale du viol ?»
Vous avez donc proposé de revoir la définition pénale du viol ?
Fin 2023, j’ai lancé une mission d’information visant à intégrer la notion de consentement dans la définition pénale du viol. Après 15 mois de travaux, la députée écologiste Marie-Charlotte Garin et moi-même avons remis notre rapport le 21 janvier dernier, avec en parallèle une proposition de loi pour changer la définition pénale du viol et des agressions sexuelles, selon quatre axes : introduire la notion de non-consentement (permettant de distinguer la sexualité de la violence), conserver les quatre critères actuels qui sont le recours à «la violence, la menace, la contrainte et la surprise», apprécier l’absence de consentement au regard des circonstances environnantes, préciser les cas où le consentement ne saurait être déduit. C’est-à-dire que le consentement doit être «donné librement», peut être «retiré avant ou pendant l’acte à caractère sexuel» et ne peut être «déduit du silence ou de l’absence de résistance de la personne». Aujourd’hui le droit pénal définit le viol par une réaction de la victime : or dans 70% des cas, le viol se passe dans l’environnement connu, avec une stratégie d’emprise de l’agresseur qui va la mettre en état de sidération et donc de non-réaction. 8 victimes sur 10 ne portent pas plainte.
Selon vous, quelle est la clé pour combattre les violences sexuelles et sexistes ?
Le levier de l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est l’éducation. Le nouveau programme EVARS, éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité, sera lancé en septembre 2025. L’objectif est de permettre dès la maternelle une meilleure connaissance de soi et de son corps et d’apprendre le respect des autres. Il sera évolutif entre le 1er et le 2nd degrés : la sexualité ne sera abordée qu’à partir du collège. 160 000 enfants seraient victimes d’inceste dont la majorité ont moins de 5 ans. Donc à tous les détracteurs qui disent que cette éducation doit se faire uniquement au sein de la famille, c’est bien le rôle de l’Etat et de l’école de protéger les enfants et les éveiller sur ces questions. Aujourd’hui il y a une distorsion de l’éducation à la sexualité qui se fait beaucoup par le porno. On sait que l’âge moyen d’exposition est 11 ans, qu’ 1/4 des jeunes pensent qu’un rapport sexuel doit être violent et qu’ 1/4 des jeunes hommes pensent qu’une femme trouve du plaisir dans un rapport violent.
Des moments qui vous ont marquée depuis votre présidence ?
La constitutionnalisation de l’IVG le 4 mars 2024 : nous étions le premier pays au monde à le faire. Et lors des débats sur la retraite, le fait que les femmes gagnent 28% de moins que les hommes ; si on enlève la pension de réversion, l’écart est de 41%. La vie économique des femmes est vraiment un sujet important. En ce moment on assiste au niveau national et international à un recul de leurs droits concernant les combats d’égalité avec notamment le «backlash». Nous avons aussi une responsabilité à travers le monde, je vais d’ailleurs participer ce mois-ci à la 69e Commission de la condition de la femme des Nations Unies (CSW) à New-York.
La délégation aux droits des femmes compte combien d’hommes ?
Nous sommes 36 dont cinq hommes. Peu d’hommes sont engagés dans la défense des droits des femmes. C’est beaucoup une histoire de femmes et c’est dommageable. La culture machiste et sexiste est encore trop présente.
Des hommes vous ont encouragée à vous lancer en politique ?
Mon engagement, je le dois à deux hommes : Emmanuel Macron, qui le 8 mars 2017 a encouragé les femmes à se présenter aux Législatives dans les circonscriptions dites gagnables pour une assemblée paritaire, et mon conjoint qui m’a dit : «ça c’est pour toi, vas-y».
Pourquoi avoir choisi cette présidence ?
Sans que ce soit un étendard chez moi, la place des femmes a toujours fait partie de mes préoccupations. Avant d’être élue j’étais dans le management des ressources humaines où j’ai beaucoup accompagné des femmes. Une fois députée, je me suis dit que pour être considérée et entendue, il faut être en responsabilité. Lorsque Bérangère Couillard a été nommée secrétaire d’Etat en juillet 2022, j’ai saisi l’occasion. Je suis donc arrivée avec mon style : elle était plutôt militante féministe et je prône plutôt la culture de l’égalité. Je pense que le monde est meilleur quand il est en parité.