La belle aventure d’une Seysselane

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«Quel partage avec ma famille, mes amis, les supporters. Quelle aventure, quelle ambiance et quels paysages!». En quelques mots, Géraldine Prost, née Le Normand, évoque sa satisfaction d'être allée au bout des 171km proposés... même si des regrets subsistent comme elle nous l'a confié.
Une préparation 
compliquée
Course mythique qui attire les meilleurs mondiaux, l'UTMB est le Saint Graal de tout traileur.
Pour la native de Seyssel, sportive accomplie et férue de course à pied, l'Ultra Trail du Mont Blanc est un rêve vieux de 7/8 ans. Y participer n'est pas une mince affaire : "un parcours en soi" confie Géraldine qui a dû participer à de nombreuses courses à points sur plusieurs années pour atteindre l'indice de performance imposé par l'ITRA (association internationale de Trail). 
Officier dans l'armée de Terre, ce ne fut pas toujours simple pour elle,  Mais la récompense suprême a fini par arriver !
C'est en fin d'année 2018, alors qu'elle est en opération au Mali que la Capitaine Prost va apprendre qu'elle est inscrite d'office à l'UTMB 2019, ayant atteint la cote ITRA requise. 
Mais étant en pleine mission opérationnelle, elle ne peut pas courir et va donc se préparer du mieux possible en salle de sport qu'elle rejoint tous les jours à 5h du matin avant de commencer sa journée d'officier en centre d'opérations. 
Rameur, vélo (plus de 800km) et des heures de crossfit (pour muscler les cuisses) vont être "avaler" sur un rythme soutenu avec l'objectif UTMB en point de mire.
De retour en France en mars 2019, elle reprend la course à pied et constate avec satisfaction que, malgré les fatigues accumulées, elle se sent en pleine forme musculaire "les cuisses répondent bien !". Elle participe à son premier trail de la saison en disputant à Seyssel Les Princes en Foulées (28km) qu'elle gagne en féminine «cela m'a donné une force mentale d'enfer».
Suivront un top 10 à l'Ultra Trail à Madère (110km), une 7e place au marathon du Mont Blanc (90km), et même une 3e place à l'High Trail Vanoise (70km). Elle n'arrêtera pas jusqu'au jour J.
Portée par l'ambiance
Enfin vendredi 17h. Géraldine arrive à Chamonix avec son équipe de supporters : Olivier son mari, Michel son papa, Annick sa belle mère que rejoindront Angel, Rémy, Lionel, Guillaume, Mathieu, Paulette sa maman, Boris, Claire et même Robin le petit neveu venu applaudir sa tata.
La suite, c'est l'intéressée qui nous le narre : «Il y a un monde fou ! Averse orageuse ! Un bénévole me dit "c'est normal c'est l'UTMB il pleut toujours". Je me place sur la ligne de départ dans le SAS élite (avec les meilleurs mondiaux NDLR). La chanson émouvante Vengelis me donne des frissons et me fait pleurer. C'est tellement beau. Le speaker me touche avec ses paroles : "le sport réunit au-delà des frontières, des religions... autour d'un même combat...franchir la ligne d'arrivée". C'est vrai, nous sommes tous là dans un même but ultime : aller au bout de soi, franchir la ligne. Et puis, c'est le départ. 
L'ambiance est juste hallucinante, les gens crient de partout, il y a du monde jusqu'à la sortie de Chamonix ! Le départ est très rapide, nous partons à vive allure. Nous attaquons la 1re ascension, je vois le Mont Blanc face à moi, je lui demande de me donner de la force. J'aperçois le refuge du Goûter. 
Quel paysage magnifique ! Et puis 1re descente jusqu'à St Gervais. Nous retrouvons une ville en folie. Je me croirais au tour de France, du monde partout au bord des routes. Cette course est vraiment un événement dans la région. La foule nous porte, j'accélère sans m'en rendre compte».
Objectif revu à la baisse
«Nous quittons cette ambiance de folie et je rejoins mon 1er ravitaillement aux Contamines où mon papa m'attend. Je mange, je bois et repars rapidement. Mes supporters sont là ! Quel bonheur de tous les voir m'encourager. Et puis la nuit arrive. J'allume ma frontale. A ce stade-là, je sais que c'est le moment le plus difficile. 
Je dois passer la nuit sans souffrir de la fatigue... J’enchaîne Col du Bonhomme, col de la Seigne, les Chapieux (où je vois Denis Pollier un supporter de folie !)... et descente vers Courmayeur. Le jour arrive. 
Le ciel est magnifique, un mélange de rose et de rouge. Les montagnes se dressent d'un coup devant moi. Quel spectacle !
Courmayeur, gros ravitaillement ; je suis quasiment à la moitié. Le plus dur est derrière moi. Je repars rechargée mais je sens que la forme n'est pas au maximum. Je poursuis avec un bon rythme dans chaque montée mais une baisse de régime dans les descentes. Je souffre des genoux. 
A ce moment-là, je sais que je ne vais pas pouvoir maintenir mon rythme et j'abandonne le top 10 féminin. Je ne pourrais pas aller le chercher. Mon objectif désormais est de finir la course, peu importe le classement. Il faut savoir être prudent et gérer dans ce type d'épreuve. 
Cette prise de décision me fait mal mais c'est comme ça.
J'ai un gros coup de mou au niveau de Trient. Olivier le détecte tout de suite et essaie de me booster. Il m'oblige à manger mais je n'y arrive pas. 
J'ai envie de dormir. Je ferme les yeux 5mn mais il faut repartir maintenant. Il ne faut pas trop s'écouter. Je reprends ma course un peu dans le dur mais je parviens à manger sur le parcours, ça me redonne de la force. J'entame la 2e nuit. 
Puis l'horizon devient plus claire, je sais maintenant que j'irai au bout quoi qu'il arrive. Je ne demande jamais mon classement ou mon temps. Je ne cours jamais avec une montre.
35h08... 
et pourtant déçue !
Dernière ascension, le col des Montets, pas le plus facile mais l'air de Chamonix est proche... Dernière descente et enfin l'arrivée, je suis au bout. Je regarde la pendule de Cham, il est 05h07 du matin. Je suis déçue, j'aurais voulu mettre moins de 35h. 
Mais il en est ainsi. La montagne a toujours le dernier mot, c'est elle qui décide, je le sais bien. Je dois maintenant relativiser. 
J'ai terminé la course. Je n'ai pas réussi le temps voulu, mais je suis allée au bout. C'est bien cela l'essentiel».
Au final, Géraldine, "notre Seysselane", a fini 300e au général sur 2543 partants, 30e féminine toutes catégories confondues et 17ème senior féminine en 35h 8' 7".
Même si on peut comprendre sa déception, on ne peut qu'être admiratif devant  sa performance d'autant que sa préparation n'a pas été optimale, comme elle l'aurait souhaité en tout cas.
«Avec le recul, je sais que j'ai manqué de fraîcheur et de repos. L'UTMB est une course exigeante, il faut savoir se reposer avant. Je ne l'ai pas fait».
De plus, habituée des courses de 70 à 110km, elle partait un peu dans l'inconnu face aux 171km de l'UTMB. Mais grâce à son physique, sa volonté et son mental de battante, elle n'a rien lâché et terminé sa course en beauté. Nul doute qu'elle reviendra : l'UTMB lui doit bien une revanche.

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