La totalité des viticulteurs touchés par un épisode de grêle sans précédent
A Seyssel, au moins la moitié du vignoble affiche 100% de pertes après les violents orages du lundi 24 juillet. Du jamais vu à si grande échelle. L'étendue des dégâts ne sera connue qu'au moment des vendanges, en septembre.
Si les viticulteurs de Seyssel sont rompus aux aléas climatiques et maladies décimant une partie de leur production, ils n'avaient jamais assisté à un tel carnage. Des grêlons de 5 à 6 centimètres ont frappé le secteur, lundi 24 juillet. Le premier orage, le plus dévastateur, a touché le sud de l'appellation, de la Trille jusqu'à Eilloux. Le second, moins violent, a achevé le saccage au nord, d'Orbagnoux à Eilloux. Résultat : entre 10 et 100% de pertes constatées sur les parcelles et au moins la moitié du vignoble affichant 100% de pertes. Car la totalité des vignes de l'appellation, plantées à 90% sur Corbonod et à 10% sur Seyssel Ain et Haute-Savoie, a été touchée. Phénomène extrêmement rare. Les épisodes de 1986 et 1994 gravés dans les mémoires ont ainsi été détrônés.
Quand Loïc Bernard a vu toutes ces feuilles jonchant le sol, il a mesuré l'étendue des dégâts. Le producteur, président du syndicat du cru, a subi au moins 50% de dommages sur ses parcelles, soit 150.000€ de pertes brutes. Selon leur lieu d'implantation, elles ont été plus ou moins altérées : 6 ha ont été entièrement anéantis, 5 ha de 30 à 50% et 5 ha de 10 à 30%.
Un budget supplémentaire pour déstresser la vigne
Le viticulteur évoque ces sarments sectionnés, ces feuilles et pédoncules qui sèchent, ces bois qui deviennent marron. «On a l'impression que c'est du labour, pas de la vigne.» Certains pieds possèdent encore des raisins mais plus de feuilles : «Ça ne mûrira pas». Certaines parcelles vont subir les conséquences sur deux à trois ans à cause de bourgeons, fructifères, impactés à la base. «Sur les jeunes plantations touchées, le bois va devenir cassant, et le cep ne va pas pouvoir se former, ce qui signifie au moins un an de perdu», déplore-t-il.
Les viticulteurs ont dû investir un budget supplémentaire dans des engrais foliaires. «Ce traitement vise à cicatriser les plaies, à déstresser la vigne, la faire repartir», explique Sébastien Mollex, à la tête de la Maison Mollex, qui enregistre le plus gros préjudice, évalué à 70%, soit 210.000€ de pertes brutes.
Il demeure toutefois impossible de dresser un bilan définitif, qui sera connu seulement au moment des vendanges, en fonction, notamment, des conditions climatiques qui se seront opérées d'ici là. En attendant, le syndicat est en train de solliciter toutes les aides possibles, auprès de la DDT, du Département, de la Région, de la MSA, des banques.
«L'an prochain, on manquera de vin»
Ce fâcheux épisode s'ajoute aux deux ans de Covid, à l'inflation, et vient briser une dynamique de ventes reparties en flèche depuis la fin de la crise sanitaire, avec la redémarrage des fêtes, mariages, la réouverture des restaurants. Les viticulteurs, déjà à flux tendus, comptaient sur cette saison pour reconstituer leurs stocks. Vu la faible récolte annoncée, «l'an prochain, on manquera de vin», prédit Loïc Bernard. Satisfaire toute la demande va s'avérer difficile, les producteurs devant garder des bouteilles pour leurs clients habituels, ces grandes surfaces, magasins de producteurs, restaurateurs, qui leur achètent du vin toute l'année. Un enjeu d'autant plus crucial que la clientèle peut être tentée d'aller voir ailleurs. Sébastien Mollex évoque la sécheresse de 2003. «Nous avions perdu 60% de notre récolte. Entre 20 et 30% de la clientèle n'est jamais revenue.» Son statut de négociant lui permettra tout de même de se fournir ailleurs.
Conscient que les aléas climatiques sont voués à se reproduire de plus en plus fréquemment, le syndicat réfléchit à des solutions. Mais aucune se semble idéale. Le recul est encore insuffisant pour mesurer les bénéfices des filets anti-grêle, compliqués à mettre en oeuvre en travaillant au tracteur enjambeur, et coûteux. Les ballons anti-grêle, déployés en Savoie, eux aussi onéreux, nécessitent d'être tirés en amont de l'orage et à grande échelle pour être efficaces. «Les fusées marchaient bien, mais ont été interdites», lâche Sébastien Mollex. «Les assurances anti-grêle sont hors de prix», indique Loïc Bernard.
Les viticulteurs de Seyssel ne sont pas les seuls dans ce cas. Les agriculteurs du coin paient aussi un leur tribut.