Le Noël des vieux… aussi
Je sais bien que c’est Noël et que, à Noël, on ne dit pas de mal de son prochain. Et même qu’on doit essayer de voir le monde dans sa plus grande beauté puisque, si l’on en croit ceux qui y croient, la naissance du Messie annonce le renouveau d’un monde délivré du mal…
Il n’empêche que j’ai encore envie de m’énerver un peu. Pas après les innombrables Pères Noël plus préoccupés de nous faire consommer n’importe quoi que de nous faire réfléchir sur l’avenir d’une humanité bien malade.
Pas après les adultes qui transforment nos enfants en machines à absorber des cadeaux considérés comme un dû. Non, je veux m’énerver contre un excès de sollicitude qui touche presque à la maltraitance.
J’explique ! J’ai une grand-tante, très âgée, qui a été placée dans une maison de retraite, très belle, très confortable. Ma tante a les moyens, mais elle «décartonne» un peu, parfois, et ne peut plus rester seule.
Je suis allée la voir la semaine dernière pour lui souhaiter de bonnes fêtes un peu avant l’heure (je n’aurai pas le temps après).
Elle a passé sa vie à s’occuper des autres (elle était directrice d’un établissement de soins) et, dans ses moments de loisirs, à se cultiver, à lire, aller au théâtre, au concert, etc. Et à accueillir ses neveux et nièces comme tous les enfants du quartier… Des souvenirs impérissables !
Aujourd’hui encore, même si elle a parfois quelques absences, elle continue à se tenir au courant du monde, et à donner son avis, à vouloir tenir sa place en somme.
Je l’ai trouvée un peu moins présente que d’habitude. Un peu perdue. Et ça m’a étonnée, ça ne lui ressemblait pas. Alors je l’ai fait parler. Et je me suis rendu compte que, à longueur de journée, le personnel, pourtant fort compétent et fort attentionné (on n’est pas dans un mouroir, loin de là !), s’obstinait à la prendre en charge dans ses moindres gestes du quotidien.
Lorsqu’elle veut boire, ses gestes sont un peu maladroits, alors on lui tient son verre. Si elle a des difficultés à marcher, on la met d’office dans un fauteuil roulant pour qu’elle se déplace. Etc, etc.
Elle, elle n’ose pas protester, elle se laisse faire. Mais elle en souffre. Car cet excès de sollicitude la prive de toute capacité à rester encore un peu ce qu’elle a toujours été, active. Et elle se sent encore des forces, même différentes d’avant, pour tenir un rôle dans la société, même au prix de quelques difficultés.
Evidemment je n’ai pas de leçons à donner à tous les accompagnants, les soignants, qui s’occupent, très bien, de nos vieux. Mais j’avais envie de raconter ça. Parce que ça m’a émue de voir cette vieille dame si digne, si volontaire, qu’on infantilise et à qui on ne donne plus l’occasion de tenir sa place dans notre monde, même très modestement.
Noël, c’est celui des vieux, aussi…
Lady Marianne
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