L’eau polluée aux PFAS devrait être traitée au charbon actif courant juillet

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Lundi 24 avril, le conseil communautaire était largement consacré aux problématiques de la pollution de l’eau aux composés perfluorés (PFAS). Différentes mesures figuraient à l’ordre du jour pour la préservation de la ressource et la sécurisation de l’approvisionnement en eau potable. Le lancement d’un programme de recherche et de développement partagés, la mise en place d’une unité de traitement au charbon actif ou encore l’arrêt des autorisations de permis de construire dans les secteurs du territoire identifiés comme «fortement contraints» par la sècheresse, étaient soumis au vote. Cette séance publique s’est déroulée en présence d’une vingtaine d’habitants.

Pour rappel, à l’été 2022, les autorités sanitaires découvraient des concentrations anormalement élevées en PFAS dans les ressources destinées à l’alimentation en eau potable d’une grande partie du territoire de la Communauté de Communes Rumilly Terre de Savoie. Deux captages (Broise et Madrid) situés à Rumilly avaient donc été provisoirement déconnectés à l’automne du réseau d’eau potable de la collectivité pour une interconnexion avec celui du Grand Annecy (captage Chez Grillet). Cette solution a d’un commun accord été envisagée à court terme, avant la période estivale où les recharges pourraient être insuffisantes en cas de sècheresse.

«Nous n’avons pas la certitude que d’autres activités n’utilisent pas de ces polluants»

Jean-Pi e r re Lacombe, vice-président de la Communauté de communes en charge de l’eau et de l’assainissement, a présenté les trois sujets sur la pollution de l’eau soumis à délibération, à commencer par le lancement d’un programme de recherche et de développement partagés avec le Syndicat Mixte Interdépartemental d’Aménagement du Chéran (SMIAC), la Ville de Rumilly et le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM). Ce programme vise à améliorer la connaissance et la compréhension de la pollution, de ses impacts sur la ressource en eau et sur l’environnement au sens plus large, à optimiser la gestion des ressources en eaux et des milieux, et à préserver la qualité de vie des habitants. Plusieurs problématiques et interrogations ont alors été soulevées par des élus de l’opposition : «Etudier les impacts, c’est vraiment une bonne chose mais est-on sûrs qu’aujourd’hui cette pollution est stoppée et qu’elle ne va pas évoluer de jour en jour ?», «si le principe du pollueur-payeur est retenu, car on voit s’accumuler des montants significatifs, il faudra aussi mener une enquête pour rechercher les responsabilités » ou encore « que va-t-on transmettre aux générations futures ? On parle d’étude sur l’impact de ces PFAS mais quel est le délai pour avoir des résultats et pouvoir ensuite rectifier le tir, si on arrive à le rectifier ? Car il y a urgence». Concernant les délais, Jean-Pierre Lacombe a expliqué que des réponses seraient données «dès que le BRGM aura mis les pieds sur le territoire et commencé ses investigations».

Un coût estimé à 2 562 809,30€ HT

En matière de responsabilités et de principe du pollueur-payeur, ce dernier a tenu à rappeler que «les PFOA découverts dans l’eau de Rumilly ne sont aujourd’hui plus utilisés par l’entreprise Tefal puisque ces molécules sont interdites. Mais nous n’avons pas la certitude que d’autres activités n’utilisent pas de ces polluants, sachant qu’il existe des milliers de PFAS utilisés dans tous les domaines». L’élu a ajouté qu’à ce jour, «la DREAL (Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement, Ndlr) travaille pour savoir comment cette pollution est arrivée et qui devra à terme la prendre en charge et à ses frais», soulignant la distinction entre les entreprises qui utilisent ces molécules et celles qui les ont fabriquées. Yohann Tranchant, vice-président en charge de la prévention et de la valorisation des déchets et des milieux aquatiques, a précisé que «ce problème dépasse largement les limites de la commune de Rumilly et de la Communauté de communes. Pour rappel, il y avait déjà eu des traces de perfluorés retrouvées sur la zone Espace Leader à Alby-sur-Chéran».

Afin de pouvoir retrouver le plus vite possible une autonomie dans la distribution d’eau à ses habitants, l’intercommunalité a décidé de prendre les choses en main : «Le captage de Madrid assurant des besoins essentiels du territoire intercommunal en matière d’alimentation en eau potable, il devient nécessaire de mettre en place sans délais une solution de traitement de l’eau puisée dans cette ressource». La solution retenue, pour une période de trois années (travaux et exploitation), est la construction d’une unité de traitement au charbon actif pour la nappe de Madrid (trois sites potentiels : en bordure de la RD53 dite route de Saint-Félix, en bordure de la rue de Madrid ou en bordure de la rue Magrin de Madrid). Le coût est estimé à 2 562 809,30€ HT selon le site d’implantation retenu (1 329 064,63€ pour la partie travaux et 1 233 744,67€ HT pour la partie exploitation), montant supérieur à celui initialement prévu.

«Nous serons les premiers en France mais sans doute pas les derniers»

Christian Heison, président de la Communauté de Communes et maire de Rumilly a apporté quelques éclairages face aux divers questionnements au sein de l’assemblée : «Nous saurons dans les premiers jours ou semaines de la mise en route si c’est la bonne méthode et à quel taux. Espérons tous que cela fonctionne, sinon ce sera très compliqué. Nous serons a priori les précurseurs dans le pays avec la mise en place d’une telle structure, pour une quantité d’eau à traiter de cette manière-là. Nous ne le faisons pour l’instant pas sur l’ensemble de nos nappes phréatiques mais à titre expérimental sur la zone de Madrid. Il existe des industriels qui filtrent au charbon actif mais à notre échelle, avec de telles quantités, c’est vraiment une interrogation. Nous sommes d’ailleurs sur un traitement transitoire, ce n’est pas une unité de traitement définitive, la plupart des équipements seront loués. Si cette expérimentation fonctionne bien, nous réfléchirons à une unité de traitement à l’échelle du territoire. Des recherches sont faites au niveau national, nous serons les premiers en France mais sans doute pas les derniers », avant de conclure : «Cela révèle une autre problématique, nous allons essayer de stocker les polluants éternels dans du charbon actif, mais une fois stockés, ils existeront toujours et il faudra bien trouver une filière de destruction. Nous sommes donc au début d’une très grande aventure collective». Des appels à subventions ont été lancés et quelques aides devraient être apportées.

Ce vote a reçu un avis favorable à l’unanimité.

 

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