L’entreprise Cartier fête ses 100 ans

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Créée en 1921 par Eugène Cartier, cette entreprise familiale est spécialisée dans la rénovation d’habitat, avec deux principaux domaines d’activité, la menuiserie et la charpente. Transmise de père en fils, sur trois générations, l’entreprise doit sa pérennité à la passion du métier partagée par une équipe de professionnels dotés d’un grand savoir-faire. Gilles, petit-fils d’Eugène, est aujourd’hui à la tête de «la maison Cartier». 21 salariés, 14 compagnons et 4 apprentis sont la force humaine et compétente de la société qui réalise pas moins de 700 chantiers chaque année, dans un rayon de 60 km à travers les deux Savoie. De nombreux particuliers, des entreprises et quelques communes en sont devenus de fidèles clients.

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Gilles Cartier, directeur de l’entreprise Cartier et sa fille Coraline, directrice adjointe.

3 générations
de père en fils

D’abord apprenti chez un menuisier, Eugène Cartier suit, dans les années 1910, des cours du soir pour perfectionner son savoir-faire en menuiserie et charpente. La Première Guerre Mondiale le contraint d’arrêter et à son retour du front, il créé l’entreprise Cartier dans la commune de Hauteville-sur-Fier, avec le peu de moyens dont il bénéficie mais avec la ténacité d’un homme passionné par le travail du bois. En 1921, il aménage un atelier dont la superficie représente la moitié de la surface de la maison familiale. Egalement agriculteur, comme de nombreux entrepreneurs de l’époque qui partagent leur temps de travail entre ferme et entreprise, Eugène travaille en parallèle la terre et se rend sur les chantiers à vélo. Au fil du temps, il équipe sa société et la modernise au gré des attentes des clients.

Le fils d’Eugène, Paul, dont la mère meurt des suites d’une appendicite lorsqu’il a seulement 12 ans, perd son père peu après ses 20 ans. Ainsi, par obligation mais également par la passion du bois qui lui a été transmise, Paul reprend l’entreprise et décide de créer un deuxième atelier sur le terrain attenant la maison. Il fait bâtir une scierie équipée d’une scie dite «battante», dont le principe est le mouvement alternatif d’une lame verticale qui agit à la montée et à la descente, actionnée par une bielle, pour scier les troncs d’arbres (aujourd’hui, la scie battante a laissé place à la scie à ruban dont les lames tournent sur deux axes de façon circulaire). Le jeune homme joue un rôle essentiel dans le développement et la modernisation de la société familiale, notamment grâce à l’acquisition de machines de plus en plus performantes.

Gilles, petit-fils d’Eugène et fils de Paul prend à son tour la direction de l’entreprise en 1978, lorsque son père part en retraite après avoir largement contribué à la notoriété de la société. Cette «passation» s’est faite naturellement, Gilles ayant baigné dans l’entreprise dès son plus jeune âge. De nombreux souvenirs lui reviennent : «Quand j’étais enfant, j’observais les deux-trois ouvriers qui travaillaient avec les machines de l’époque dont la plupart étaient actionnées par des courroies et j’étais impressionné par le fonctionnement de ces systèmes d’entraînement des moteurs, semblables à ceux des moulins. Dans l’atelier, il y avait un gros fourneau en guise de chauffage, allumé très tôt le matin pour qu’il puisse atteindre une température tiède durant la journée, dans lequel les salariés faisaient brûler les copeaux de bois». Lorsqu’il était adolescent, Gilles prenait plaisir à accompagner les ouvriers sur les chantiers, notamment durant les vacances scolaires. La reprise de l’entreprise lui a toujours paru comme une évidence voire une vocation.  Il a ainsi entrepris des études techniques en lien avec le métier pour confirmer et acquérir les compétences requises, et une fois ses études terminées, il a continué à travailler aux côtés de son père qui petit à petit, lui a cédé la direction de l’entreprise, de la façon la plus naturelle qui soit.

Gilles revoit avec précision les montagnes de troncs d’arbres qui jonchaient le sol après avoir été livrés par les bûcherons. A l’époque, les employés, qui ne faisaient ni l’abattage ni le bucheronnage, débitaient le bois qu’ils faisaient sécher à l’air libre car il n’y avait pas encore de séchoir. Le bois séchait pendant 2 ou 3 ans puis était transformé soit en grosses pièces pour la charpente soit en portes intérieures, en fenêtres ou encore parquet. «C’était passionnant, on maîtrisait à 95 % l'utilisation et la transformation du bois ce qui est à l’antipode de l’époque actuelle puisque de nos jours tout est sectorisé. Il y a des usines pour les fabrications de fenêtres en aluminium, des usines pour les fenêtres en bois, des usines qui taillent des charpentes d’une façon industrielle, etc» constate Gilles Cartier. Tout semble avoir évolué vers l’industrialisation au détriment de l’artisanat. «Pendant de nombreuses années, les particuliers, principalement des agriculteurs, apportaient leur propre bois sur une remorque accrochée à leur tracteur, parce qu’ils avaient besoin de charpente. Ils nous livraient le bois pour les pannes  qu’on débitait puis ils les rapportaient chez eux afin de les faire sécher et au bout de quelques années, ils revenaient chez nous pour l’étape de fabrication. Cette maîtrise quasi-totale du bois et sa transformation était une façon de travailler totalement différente des méthodes actuelles. Dans les années 70, les marchands de matériaux sont arrivés. Tout s’est industrialisé, motorisé, robotisé» confie le chef d’entreprise qui attache tout de même une importance à la modernisation en s’inspirant notamment de l’organisation des entreprises de l’industrie pour rendre sa société autogérable au rythme de l’évolution du monde économique.

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Un des 18 compagnons en plein travail dans l’atelier menuiserie.

 

Spécialiste
en rénovation d’habitat

Aujourd’hui l’entreprise qui s’est en grande partie développée grâce au bouche à oreille, possède deux pôles principaux de fabrication/construction grandement dédiés à la rénovation : un pôle menuiserie qui gère l’agencement intérieur (dressing, parquet, escaliers, portes) et l’aménagement extérieur (fenêtres, portes de garage, portails, terrasses) et un pôle charpente qui concerne tout le gros œuvre (couverture avec différents matériaux en tuiles, ardoise, la structure du toit, la zinguerie pour les parties métalliques qui ont pour fonction de récupérer l’eau : gouttières, tuyaux de descente, abergements) et l’isolation  des toitures. «On utilise beaucoup de produits naturels comme la fibre de bois qui a des performances très intéressantes. C’est le produit isolant qui met le plus de temps à freiner la traversée du froid et du chaud et le bois broyé est naturel, contrairement à la laine de verre, la laine de roche ou le polyuréthane qui sont des produits artificiels, chimiques et polluants» explique Gille Cartier. Ses équipes sont équitablement réparties dans les deux pôles chacun régi par un responsable qui supervise l’activité au sein des ateliers et sur les chantiers, ce qui est un gain de temps et facilite le lien avec le client demandeur de ces deux domaines de compétences.

La rénovation d’habitat nécessite des connaissances spécifiques ainsi qu’un savoir-faire, beaucoup plus que dans le neuf où tout est préconçu puis conçu selon un plan établi par un architecte. De plus, il est très important de bien conseiller le client du début à la fin, dans un rapport de confiance, car d’après le chef d’entreprise, les gens sont souvent noyés dans l’information, mal aiguillés par des professionnels peu compétents ou malhonnêtes, ce qui engendre beaucoup de malfaçons. «On a la chance d’avoir les moyens humains et techniques de qualité. Notamment le savoir-faire des compagnons. Certains sont dans l’entreprise depuis 10, 20, 30 ans. Les deux derniers récemment partis en retraite ont fait toute leur carrière chez nous. Entretenir des liens humains forts, c’est la base de l’entreprise pour conserver un climat de confiance, que ce soit entre la direction et les salariés et entre l’entreprise et les clients. Aujourd’hui, bien que ce soit l’argent qui régisse le monde, nous faisons en sorte de conserver cette philosophie de la conscience professionnelle, du travail bien fait. Et même si l’on doit évidemment rentabiliser notre entreprise, il nous semble primordial de tenir compte de ces facteurs qui sont dans nos gênes. On respecte à la fois les clients et le travail. On essaie de préserver ce lien qui fait peut-être notre différence.»

De père… en fille

«En rénovation, on essaie de trouver la solution la moins polluante, notre volonté étant de rénover au mieux et de la façon la plus écologique qui soit, tout tenant compte du confort de l’habitat du client. Si par exemple, nous sommes contactés pour un problème sur une fenêtre, on va penser à ne changer que la partie concernée plutôt que de tout enlever et tout refaire. Grâce à nos ateliers et nos menuisiers, nous sommes en capacité de retravailler une seule pièce.» ajoute Coraline, la fille de Gilles, fraîchement diplômée en Master II «entreprenariat» et qui est depuis peu directrice adjointe. Elle est pour l’instant la seule des 3 enfants à avoir eu cette envie viscérale d’intégrer la société familiale et de contribuer à sa pérennité, à l’image de son père issu d’une fratrie de 5 enfants dont aucun n’a tenu à travailler au sein de l’entreprise ni même dans le bâtiment au sens plus large. S’il n’avait pas secondé puis succédé à son père, la société aurait cessé son activité ou aurait été rachetée mais ne serait plus l’entreprise Cartier avec son histoire et ses valeurs qui ont un siècle d’existence.

 

 

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