L’hôpital au bord de la crise
C’est un véritable appel au secours à la responsabilité de chacun qu’ont lancé les responsables du CHMS (Centre Hospitalier Métropole Savoie)- vendredi dernier. En effet, au vu de l’évolution de l’épidémie, les besoins sont supérieurs à ce qui avait été prévu, correspondant même aux pires projections qui avaient été réalisées.
Le docteur Olivier Rogeaux, infectiologue à l’hôpital de Chambéry, a décrit une évolution fulgurante du taux d’incidence : 30 pour 100 000 en août, 120 en octobre et maintenant juste en dessous de 1000. C’est-à-dire qu’1% de la population du département est contaminée chaque semaine. À ce rythme, il faudrait alors un an pour que l’immunité collective puisse mettre en place sur le territoire mais le docteur a indiqué que les services hospitaliers seraient incapables de tenir le rythme.
Un second confinement trop limité
Ce second confinement a été trop limité pour avoir un impact aussi efficace que le premier. Le taux de reproduction naturel du virus est de 3, c’est-à-dire qu’une personne en consomme trois autres. Pendant le confinement du printemps, il était descendu à 0,6, permettant donc de stopper l’épidémie. Mais au moment de la publication de ces chiffres, il était toujours à 1,6, ce qui signifie que l’épidémie continue à progresser.
Pour le docteur Rogeaux, l’explication est simple : le confinement et les gestes barrières ne sont pas assez respectés. Il appelle donc les savoyards à réagir alors que le nombre de nouvelles contaminations et deux fois plus haut en Savoie que la moyenne nationale.
Le docteur Emmanuel Forestier, chef du service d’infectiologie, a ajouté que le nombre de personnes hospitalisées est lui aussi deux fois plus important qu’au moment du pic de l’épidémie en mars. Les hôpitaux sont donc surchargés et le dr. Forestier d’indiquer que «la situation hospitalière est grave, voire critique».
En termes de raison du pic de l’épidémie, les médecins ont refusé d’accuser l’afflux touristique qui a eu lieu cet été dans le département. Le pic n’étant arrivé qu’au début de l’automne, c’est assez longtemps après pour que le tourisme ne soit pas mis en cause.
Au contraire, Florent Chambaz, directeur général du CHMS, a expliqué que c’est le non-respect des règles de la part de certaines familles dans les EHPAD qui en a entrainé l’interdiction de visites. Dans ces mêmes EHPAD, le taux de mortalité des personnes de plus de 85 ans se situe autour de 20%, alors que des clusters sont toujours en activité.
Dans le même sens, le dr. Forestier a affirmé que «les lycéens et collégiens ont sans doute été responsable de l’augmentation du nombre de cas ces dernières semaines». Sachant qu’ils sont généralement asymptomatiques, l’infectiologue a affirmé que le but est alors de les empêcher de transmettre le virus aux personnes plus vulnérables.
Mobilisation exemplaire du personnel hospitalier
Le personnel hospitalier doit être redéployé pour pouvoir faire face à la crise. Ainsi, des chirurgiens peuvent être vus dans des services ou à des fonctions dans lesquels ils n’auraient habituellement jamais été assignés ou des médecins généralistes viennent donner un coup de main à l’hôpital. C’est cette mobilisation qui a permis l’ouverture de lits de réanimation supplémentaire. Ainsi, d’une capacité initiale de 18 places, le CHMS est passé à 36 la semaine dernière (dont 34 étaient occupés) et a encore augmenté sa capacité à 41 lits cette semaine.
Un travail est d’ailleurs effectué avec Médipôle pour que des patients puissent y être transférés. Florent Chambaz a expliqué qu’au début il s’agissait de personnel qualifié venu aider dans le public mais que des lits sont maintenants ouverts afin de pouvoir y prendre des patients en charge.
Sur une note plus positive, les soignants sont maintenant meilleurs qu’en mars en code qui concerne la prise en charge des patients sous oxygène. Ils réussissent maintenant à éviter de les envoyer en réanimation.
Il ne faut toutefois pas oublier que chaque semaine ce sont plusieurs dizaines de personnes qui décèdent à cause d’un virus qu’il faudrait arrêter de sous-estimer.