Lyon-Turin : le Département veut préserver Aix et Chambéry du fret
Dans la perspective du Lyon-Turin, le conseil départemental s'est prononcé, à 30 voix contre 8, en faveur d'un tracé réservé au fret sous la Chartreuse et Belledonne, avant la réalisation d'un tunnel mixte (voyageurs et marchandises) sous l'Epine. L'objectif est de soulager, à terme, Aix-les-Bains, Chambéry et Montmélian du trafic ferroviaire de marchandises.
Depuis sa déclaration d'utilité publique, en 2013, le projet du Lyon-Turin a pris du retard, notamment côté français, où la question des accès au tunnel franco-italien a été gelée pendant plusieurs années. Mais elle est de nouveau d'actualité puisque, au terme de nouvelles études réalisées par SNCF Réseau, trois hypothèses sont envisagées par l'Etat et le préfet de Région a sollicité l'avis des collectivités à leur sujet. C'était l'objet d'une session exceptionnelle du conseil départemental de la Savoie, ce jeudi 13 janvier.
Il s'agissait d'opter entre trois scénarios possibles pour l'itinéraire entre Saint-Exupéry et le tunnel de base du Lyon-Turin, en Maurienne : dominante fret (avec un tunnel sous la Chartreuse puis un raccordement sur la ligne existante via Montmélian) ; grand gabarit (tunnels fret sous Chartreuse, Belledonne et Glandon) ; mixte (tunnel sous Dullin-L’Épine pour les voyageurs et les marchandises avec raccordement sur la ligne existante au Nord de Chambéry). Des scénarios «qui ne s'excluent pas les uns les autres, mais qui sont complémentaires», a nuancé le président du Département, Hervé Gaymard. En fait, tout est question de priorité mais aussi de réalisme budgétaire. L'option retenue est la plus coûteuse (6,7 milliards d'euros) mais sa capacité est de 28,2 millions de tonnes de marchandises par an. Le tunnel mixte, estimé à 5 milliards d'euros, aurait quant à lui une capacité limitée à 17,9 Mt par an.
En 2013, il était prévu deux phases pour les accès français au tunnel international : dans un premier temps, le creusement d'un tunnel mixte sous Dullin et l'Epine, puis, dans un second temps, la réalisation d'un itinéraire fret grand gabarit avec trois tunnels successifs jusqu'à Saint-Jean-de-Maurienne. Le Département de la Savoie a opté pour une inversion de ces phases, afin d'accorder la priorité au fret, qui est l'objectif premier du Lyon-Turin. Etant précisé que, quel que soit le scénario adopté, il paraît peu crédible qu'un tunnel supplémentaire soit un jour mis en œuvre...
Un débat
sur les améliorations induites ou non
pour les voyageurs
La majorité départementale justifie cette option par le fait que «cela permettra au tunnel de base de trouver sa meilleure efficacité économique. Aujourd’hui, la part du rail entre la France et l’Italie est seulement de 8% contre 92% pour la route. L’objectif est d’atteindre 50% de transport de marchandises par le rail, soit 25 millions de tonnes de marchandises par an. Ce scénario est le seul à permettre l’instauration d’un service d’autoroute ferroviaire grand gabarit.» Dans le même temps, cette solution n'exclut pas l'amélioration des «trajets du quotidien pour les voyageurs», selon Florian Maitre, conseiller départemental délégué aux mobilités du quotidien et maire de Grésy-sur-Aix : «Ce scénario évite la saturation du nœud ferroviaire de Chambéry (par l'accroissement du fret), alors même que le développement d’une véritable offre périurbaine de type TER cadencée y est souhaité.» Parallèlement, le Département escompte une «amélioration de la ligne Saint-André-le-Gaz / Chambéry, actuellement à voie unique. Son doublement, même partiel, permettrait de développer une offre TER vers la métropole lyonnaise.»
Un aspect que n'a pas partagé Catherine Chappuis (PS) : «Cet avis occulte complètement les avantages attendus de ce projet par les voyageurs». De plus, «il faut absolument respecter la DUP de 2013. Si on la fragilise juridiquement en inversant l'ordre des phases, on x temps et d'années encore dans des recours», a estimé l'élue d'opposition, fille de l'un des artisans du projet, Louis Besson.
Pour Hervé Gaymard, «on sait aujourd’hui, ce qui n’était pas le cas lors de l’enquête publique en 2012, qu’aucun des grands ouvrages souterrains des accès ne sera mis en service avant le tunnel de base. Le scénario à retenir devra donc d'emblée satisfaire aux objectifs qui sous-tendent le projet du Lyon-Turin et aux besoins des professionnels des transports et de la logistique.» Qui plus est, ce «grand projet sera inévitablement séquencé», a observé M. Gaymard, évoquant la nécessité d'ouvrir le tunnel sous Chartreuse rapidement après la mise en service du tunnel transfrontalier, tandis que la section Belledonne-Glandon pourrait être engagée par la suite.
Aux yeux de Florian Maitre, le scénario souhaité par le Département permet aussi «de nous donner un maximum de chances pour éviter que le fret puisse passer durablement par les agglomérations d'Aix-les-Bains, Chambéry et Montmélian, et le long du lac du Bourget».
Selon le calendrier annoncé par l'Etat, le gouvernement arrêtera un scénario de réalisation de la première phase des accès français dans le courant de ce premier trimestre 2022.