Marie-Joseph Mercier raconte sa grande guerre 14-18
Ancien élu, anciennement adjoint du maire d’Alby Pierre Paillet, nommé premier président de la communauté de communes du Pays d’Alby (CCPA), Pierre Mercier, retraité, habitant actuellement le village de Jouvenod, très sensibilisé par le devoir de mémoire, vient d’écrire avec son épouse Dominique, "Les carnets de guerre d’un paysan Haut Savoyard ", la guerre de 14-18 de leur grand père. Tous deux ont bien voulu nous recevoir pour évoquer cet ouvrage.
6 carnets de notes jamais dévoilés
Marie-Joseph Mercier, grand père de Pierre revenait de ses trois années de service militaire, il avait repris le travail à la ferme familiale lorsque la guerre de 14-18 le rattrapait en août 1914....il ne sera démobilisé qu'en juillet 1919 !
Sur le front, ce grand-père annotait, tous les jours, ses activités du moment... qu’il consignait dans ses carnets.
De retour de la guerre, il les enfermait dans un coffret, de même que ses médailles militaires... Avec ses enfants et petits-enfants, il n’était pas question de parler du contenu de ces carnets...
"Son visage se fermait alors dans un sourire crispé, les yeux humides" et par ailleurs, son épouse, la grand-mère, faisait taire sur le champ toute velléité d’en parler.
Le temps passant, le décès des grands parents et surtout l’obstination de Pierre, permirent que ces six carnets soient transcrits tels quels sur l’ordinateur. Pierre et Dominique tenaient à ce que ce poignant témoignage soit connu et partagé, l’année du centenaire de cette terrible guerre.
Que révèlent ces notes ?
Il part de la caserne de Grenoble pour aller à la gare, tout au long du parcours, ce sont des fleurs et des drapeaux, accompagnés par des civils chantant des chants patriotiques. Mais que la mobilisation fut douloureuse avec une arrivée plutôt macabre, une rencontre avec des soldats venant des lignes, blessés, et dans un bois de sapins, gisaient à terre de nombreux blessés et mourants... ils avaient chargé à la baïonnette... massacrés par des mitraillettes boches.
Autre journée qu’il n’oubliera pas, une attaque avec un signal de l’artillerie mal donné, le canon 75 tape en plein dans une demi-section, des morts, des blessés, le reste fait demi-tour démoralisé ! "A 7 h du soir depuis 5h du matin, nous n’avions qu’un quart de jus dans le bide... mais c’était l’appétit qui manquait ! " Malade ? Le matin, jus à 9h, visite vite fait... le major ne me regarde même pas.. il dit de ne pas manger "c’est tout ce qu’il peut me donner comme médicament !". Le bombardement commence... nous partons sous les obus, et les gaz asphyxiants, au 4è coup de la pièce de 75, un homme voltigeait avec la terre et sa mitrailleuse démolie... dans nos rangs, deux hommes furent blessés et trois tués.... la nuit arrive, nous faisons des réseaux de fils de fer..."
"Nous partons de Saint-Rémy à 6h du matin, et arrivons à Vésigneul à 5h du soir (28 km),... comme il y a longtemps que nous n’avons pas bu de pinard, nous prenons une bonne cuite ! Le 14 nov 1915, départ à 8h pour la revue de décoration, il neige et fait froid, mais cela ne nous empêche pas de faire les 6km et de rester 2h immobiles les pieds dans la boue et sous la neige glacée... enfin les généraux arrivent, passent nos troupes en revue, défilé au pas cadencé, des baisers nous sont envoyés par les petites dames de la Croix Rouge... tout cela ne remplit pas le ventre ! Malade, doigts de pied et talon gelés, visite du médecin chef, sept jours de convalescence !
Du vendredi 1er au lundi 11 novembre 1918, en permission ! Quel grand jour, signature de l’armistice, quelle bombe ! Le 25 juillet 1919 arrivée au dépôt démobilisateur du 4e génie de Grenoble... Marie-Joseph Mercier est démobilisé après huit années sous les drapeaux !
Le devoir de mémoire... une obligation morale de se souvenir d'un événement historique tragique
Ce livre, un travail énorme de Pierre et Dominique Mercier, a été distribué à toute la famille, un beau cadeau aux jeunes qui grandissent loin d’un passé qu’ils connaissent pas ou très peu.
Cet ouvrage s’inscrit dans le devoir de mémoire, une expression (dixit le dictionnaire) qui désigne l'obligation morale de se souvenir d'un événement historique tragique et de ses victimes, afin de faire en sorte qu'un événement de ce type ne se reproduise pas.
C’est l’objet de cet ouvrage réécrit fidèlement.
Une des limites du devoir de mémoire vient de ce que les victimes ont souvent dans un premier temps, voire toute leur vie, des difficultés à parler de ce qu'elles ont vécu. Mais Pierre et Dominique ont redonné la parole à leur grand-père, ils ont, de ce fait gommé les résistances. Les jeunes, aujourd’hui sont informés des souffrances de l’un des leurs... à ne jamais oublier !