Marina Ferrari, autrice d’un rapport sur les lits froids à la demande du Gouvernement

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L'élue d'opposition aixoise (LREM), Marina Ferrari, s'est vu confier, par le ministre de la Cohésion des territoires, un rapport sur les lits froids et la rénovation de l'immobilier de loisirs en montagne. Ces appartements ne sont suffisamment occupés pour générer de la vie économique en station. Marina Ferrari s'est attaquée à ce vieux serpent de mer et doit rendre son rapport dans les prochains jours.

Pourquoi vous a-t-on confié ce rapport ? On ne vous attendait pas forcément sur ce sujet...

«Le Premier ministre est venu présenter le plan Avenir montagnes à Bourg-Saint-Maurice le 27 mai 2021. Je connais Joël Giraud, ministre de la Cohésion des territoires, depuis un certain temps. Dans le cadre de la mise en place du plan, il a souhaité me confier cette mission pour traiter la problématique de l'hébergement touristique que j'ai mené sur les Alpes, qui concentre l'essentiel du parc. J'ai accepté car je suis passionnée par notre territoire, 50% de notre PIB provient de l'économie de la montagne, et la fermeture des stations en 2021 a été vécue comme un gros traumatisme : il fallait vraiment s'intéresser aux stations.»

Comment avez-vous abordé la question ?

«J'ai rencontré une cinquantaine de personnes, à peu près tous les acteurs du secteur, beaucoup de Savoyards et Haut-Savoyards car des opérations très abouties ont été réalisées chez nous. La lettre de mission est tombée en octobre mais j'ai commencé en novembre. J'ai rendu mon pré-rapport mi-février. Je me suis attachée à faire remonter les attentes du terrain. J'ai recensé les propositions, étudié ce qui revenait le plus souvent et en ai proposé de nouvelles. Les territoires n'ont pas tous les mêmes besoins. En Savoie, Haute-Savoie et en Isère, beaucoup de choses ont déjà été faites, une ingénierie très forte qu'on ne retrouve pas forcément dans les Alpes du Sud. Il y a des dispositifs que l'on peut dupliquer dans certains secteurs et d'autres, a contrario, dont on peut s'inspirer.»

« La question de l'immobilier de montagne, on peut la transposer ici, à Aix-les-Bains»

Est-ce que ce rapport n'intervient pas trop tard dans la mesure où le plan Avenir montagnes a été lancé l'été dernier ?

«Il tombe au bon moment. Le plan offre des moyens financiers, de l'ingénierie. En plus, il y a une prise de conscience aujourd'hui qui est un accélérateur des comportements : la fréquentation estivale l'a montré, on a un gros besoin de montagne, d'air pur. On a tous les atouts pour conquérir de nouvelles clientèles. On parle beaucoup de diversification, là on est en plein dedans. Ce rapport permet aussi de dresser un bilan de ce qui a été tenté, ce qui a marché, pas marché, ce que l'on peut réactiver rapidement.»

Personne n'a encore réussi à régler le problème des lits froids...

«Une vieille problématique dont on parle depuis plus de 20 ans maintenant. Des solutions existent, ont été portées, certaines ont fonctionné, mais on a surtout un souci de massification. Pendant longtemps, la remise en marché de l'immobilier touristique a été mise de côté car on avait une dynamique de constructions neuves, avec des incitations fiscales, qui a permis d'équilibrer les choses et de ralentir le phénomène. Sauf que là on est au bout du système avec de moins en moins de droits à construire ouverts.»

Quel est le pourcentage de lits froids sur l'ensemble du parc ?

«On a du mal à évaluer précisément l'état du parc. On connaît le nombre d'unités, l'âge des bâtiments, mais on ne sait pas comment ces biens sont mis en marché. Les départements alpins concentrent 3,5 millions de lits, soit 16,7% de l'offre nationale, dont 960.000 lits marchands. Tout le reste, c'est de la résidence secondaire. On estime qu'il y a entre 1 et 3% des logements touristiques qui sortent du marché chaque année. C'est énorme.»

Pour quelles raisons ?

«60% des propriétaires ont plus de 65 ans. Ils n'ont soit pas les moyens de rénover leur bien, soit pas envie de s'embêter avec la gestion de la mise sur le marché ou n'ont tout simplement pas envie que quelqu'un vienne chez eux. En parallèle, le parc vieillit, ne répond plus aux attentes des clientèles, comme tous les grands ensembles des années 1970. Pour mettre l'accent sur la rénovation, beaucoup d'opérations ont été tentées mais n'ont pas permis un effet d'entraînement.

Le vieillissement des propriétaires signifie aussi que ces biens sont appelés à changer de main. Les nouveaux profils de propriétaires sont davantage des investisseurs, dotés d'une meilleure maîtrise du numérique.

Et le fait qu'il y ait moins de droits à construire, très contraignant pour les collectivités, oblige à travailler la question de la rénovation et de la remise en marché. D'autant que l'hébergement touristique est le deuxième poste émetteur de gaz à effet de serre en station, après les mobilités, et que les vacanciers sont de plus en plus sensibles à la question, comme le révèle une étude de G2A : plus de 70% déclarent que dans leur consommation touristique, ils prennent en compte les efforts des stations et des hébergeurs en faveur du climat.»

En parcourant votre rapport (lire ci-dessous), on a l'impression que beaucoup de solutions viennent de l'Etat...

«Et des collectivités. Si l'Etat met de l'argent mais que la collectivité ne se saisit pas du dispositif et n'entretient pas la flamme derrière, c'est voué à l'échec. D'où l'idée de cette taxation qui leur donnerait des moyens. A vrai dire, c'est un travail commun entre l'Etat, les collectivités, les propriétaires et les acteurs économiques.»

«Je veux simplement que ce rapport soit lu par les bonnes personnes dans l'administration pour que ça bouge»

Aviez-vous déjà réalisé ce genre d'étude ?

«Ce n'était pas forcément mon cœur de métier mais j'ai toujours baigné dans le milieu économique et le tourisme. Quand on est élue aixoise, on a un œil dessus tout le temps, et quand on est élue départementale, on se rend compte de la richesse générée par les stations.

J'espère humblement avoir pu contribuer à amener un petit éclairage et à me faire la porte-parole du milieu. J'ai appris beaucoup de choses ; vu ce qui se pratiquait ailleurs. Il faut un dialogue, un partage, éviter à certains territoires de tomber dans les écueils que l'on connaît aujourd'hui. Pour autant, des territoires moins avancés que nous sont peut-être plus réactifs et inventifs. On a beaucoup à apprendre d'eux.»

Comment comptez-vous capitaliser sur ce que vous avez appris ?

«Je pense continuer à travailler la problématique de par mes engagements. En tant qu'élue savoyarde, je ne peux pas détourner le regard de ce genre de chose et même si je suis dans l'opposition à Aix, je peux faire des propositions. La question de l'immobilier de montagne, on peut la transposer ici, à Aix-les-Bains. Pourquoi ne pas instaurer une maison des propriétaires ? Nous avons un club de loueurs de meublés que l'on pourrait peut-être mieux accompagner. Il y a aussi la question des centrales de réservation que de plus en plus de territoires se réapproprient. Megève porte un projet d'intermédiation locative dans le parc privé (principalement des lits froids et des logements touristiques en baisse d’attractivité, NDLR) pour le logement des saisonniers. Il y a quelques années, à Aix, nous avions mené une vaste opération d'aide à la rénovation des logements touristiques remis sur le marché en habitat permanent. Aix connaît aussi le problème des logements saisonniers. Nous pourrions peut-être mettre ce genre de chose en place.»

Quand devez-vous rendre votre rapport ?

«Je dois l'enrichir encore un peu. Nicolas Evrard, maire de Servoz et conseiller montagne et tourisme au ministère de la Cohésion des territoires, a déjà le pré-rapport. La remise officielle au ministère se fera dans les jours qui viennent.

Il sera peut-être compliqué, vu la période, de mettre des choses en œuvre tout de suite, mais l'idée est que ce rapport serve au prochain gouvernement, quel qu'il soit. Je n'ai pas l'intention de le présenter largement, je veux simplement qu'il soit lu par les bonnes personnes dans l'administration pour que ça bouge.»

Propos recueillis
par Marie-France Sarrazin

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