Martial Saddier, le Président du renouveau
Président du Département depuis le 1er juillet 2021, Martial Saddier revient sur ses premiers mois de mandat et met en avant l’importance du travail d’équipe. Action sociale, environnement, pénurie de personnels, journées cantonales, découvrez les actions et ambitions d’un homme politique qui se dit « de terrain » et qui souhaite enrichir, dans tous les sens du terme, son département.
Vous êtes Président du Conseil Départemental depuis le 1er juillet 2021. Quel bilan faites-vous de ces 4 premiers mois, en sachant que vous avez pris vos fonctions en pleine période estivale et dans un contexte sanitaire encore fragile?
En effet, ce sont 4 mois qui n’en sont pas vraiment car mon installation s’est effectuée en juillet et août. Le bilan, ce n’est pas seulement à moi de le faire, c’est aussi à mes collègues, aux observateurs, aux gens extérieurs. Mais ce que je peux dire, à titre personnel, c’est que je suis satisfait. Satisfait d’être plutôt en avance sur mon calendrier, bien précis jusqu’à la fin de l’année, satisfait du travail collectif effectué par l’Assemblée départementale, qui est vraiment opérationnelle dans sa reprise en main de tous les dossiers, satisfait de collaborer avec une équipe de qualité, nouvellement reconstituée, satisfait que l’on ait réussi à clairement identifier les points forts et les points faibles à la fois du Département et du SDIS (Service Départemental d’Incendie et de Secours) : il y a une tendance lourde de fond à l’évolution de leurs fonctionnements respectifs, on sait dans quel secteur ça pêche, quels sont les maillons faibles et de quelle manière on doit agir, quel que soit le temps que cela prendra.
Une des grandes missions du Conseil Départemental est l’action sociale (plus de la moitié du budget de fonctionnement). Quelles sont vos ambitions dans ce domaine de compétences qui concerne principalement l’aide à l’enfance, aux personnes handicapées et aux personnes âgées ?
L’ambition, au sens large, dépasse le social. Mais l’action sociale restera ma 1ère action, puisque la toute 1ère mesure de ce mandat a été de conforter le pôle « enfance en danger » en renforçant les moyens pour l’accompagnement des mineurs placés par la Justice. La ligne de conduite, c’est d’abord d’effectuer ce que la Loi nous demande de faire et ensuite de nous concentrer sur nos compétences. Cette compétence-là, la protection de l’enfance, est peu connue du grand public mais elle est extrêmement importante. Il y a en moyenne plus de 3000 signalements effectués dans le Département chaque année sur des mineurs potentiellement en danger (malnutrition, agressions verbales, physiques, d’ordre sexuel, etc…). La Loi dit que le Magistrat peut prendre des mesures d’accompagnement sur ces enfants en fonction de la gravité des faits auxquels ils sont confrontés : placement en journée, en semaine, dans un établissement spécialisé ou en famille d’accueil. Quand il estime que le mineur est réellement en danger, il le place sous l’autorité du Président du Département qui doit enclencher une procédure de vérification. Et puis, il y a le cas ultime où le Procureur de la République constate que l’enfant est en danger immédiat chez lui, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, les gendarmes sont donc missionnés pour aller le chercher et le déposer ensuite au pôle « enfance » le plus proche. Dès lors, c’est au Président du Département de trouver une solution rapide.
Aujourd’hui, sur le plan social, on rencontre des difficultés car on est déficitaires en personnel, ce qui est le cas dans tous les domaines, et les structures d’accompagnement des mineurs en danger sont par conséquent en manque de places d’accueil. Donc concrètement, on est en train de monter un plan et de s’activer pour essayer de trouver des solutions.
Le handicap est également une compétence du Département, on est partenaires, on finance les structures d’accueil, même si on souhaite évidemment laisser les personnes le plus souvent et/ou le plus longtemps possible à domicile. L’accompagnement des foyers, cela fait partie de nos gros projets. Un de ceux que je souhaite concrétiser au cours du mandat, c’est la reconstruction du centre Arthur Lavy à Thorens-Glières qui est vraiment dans un état catastrophique, il y a nécessité absolue que le Département s’engage sur cette réédification.
Concernant l’aide aux personnes âgées, on souhaite de la même façon accompagner et laisser les gens à domicile le plus longtemps possible, et quand ce n’est pas possible, faire en sorte qu’il y ait une place dans le parcours de soin au sein des établissements spécialisés et là, il y a ce qui dépend de moi et ce qui ne dépend pas de moi. Puisque par exemple, la création de lits nouveaux dépend uniquement de l’Agence Régionale de Santé (ARS), donc de l’Etat. Quoi qu’il en soit, le Département s’implique très fortement dans le financement des murs, sur la construction en elle-même. Et donc chaque fois que l’Etat formulera les autorisations de lits nouveaux, le Département financera la construction pour accueillir des personnes âgées. On a déjà des projets en cours un peu partout sur le territoire.
La proximité avec la Suisse a pour conséquence une pénurie de professionnels, et certains domaines comme la santé en pâtissent plus durement. Quelles solutions peuvent être apportées pour y remédier ?
On a une telle attractivité de la Suisse et une telle différence de salaire qu’on défend bien évidemment le débat sur la revalorisation salariale, sauf que 180 euros ou 200 euros de plus en Haute-Savoie, c’est certes une somme importante mais ça ne règle pas le problème puisqu’en Suisse les gens gagnent 2 fois voire 2 fois et demie plus. On travaille donc activement avec les bailleurs sociaux à une expérimentation en lien avec l’environnement professionnel pour essayer de trouver des pistes annexes en terme de logement, transport, crèche, etc… afin d’attirer et fidéliser le personnel. J’ai challengé les bailleurs sociaux en leur demandant d’être des inventeurs. Car je suis persuadé que l’on n’arrivera pas à régler le problème avec les solutions d’hier. Il faut inventer des solutions nouvelles. Tous les secteurs étant touchés, il faut que j’arrive à créer de nouveaux systèmes et pour cela on doit réaliser des essais. On vise en priorité le secteur médico-social car il faut bien commencer par une profession et dans ce domaine il y a urgence, compte tenu de la situation catastrophique dans les hôpitaux, les soins de suite, les EHPAD, les foyers, etc. On vient d’opter pour une expérimentation et j’espère, car c’est une volonté très forte du Département, qu’elle sera lancée dans les jours à venir.
La COP 26, Conférence internationale sur les changements climatiques, se déroule actuellement à Glasgow. Depuis 2015, l’autorité compétente pour planifier et gérer la transition écologique est le Conseil Régional. Cependant, le Département a un rôle à faire valoir, concernant notamment la réduction d’émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation du territoire au risque climatique. Est-ce l’une de vos priorités et quelles actions avez-vous mises ou allez-vous mettre en place ?
La priorité, c’est que la délégation à l’environnement soit une délégation qui travaille en collaboration avec l’ensemble des vice-présidents, pour s’assurer, à chaque fois qu’ils proposent une politique, que celle-ci tienne compte du développement durable. C’est-à-dire qu’il faut qu’on sorte de l’environnement de réparation, que dans tout ce qu’entreprend le Département, les éléments environnementaux soient intégrés en amont. Par exemple, j’ai arrêté le projet de sécurisation d’un tronçon de route importante qui n’intégrait pas une piste cyclable dédiée ; j’ai dit « Non, vous recommencez. On relance l’appel d’offre, on refait le cahier des charges et vous intégrez une piste cyclable». Voilà ce que je souhaite. Et vous verrez que dans toutes les actions et les politiques du Département, l’environnement sera la porte d’entrée des plans (infrastructures, mobilité, agriculture, économie, sport, tourisme, etc…). On a également opté pour la réduction d’utilisation de papier. Lors des élections professionnelles en interne, l’année prochaine, les votes seront électroniques. Bientôt, les élus feront leurs frais de déplacement sans support papier. C’est une goutte d’eau mais c’est du papier en moins. Dans les appels d’offre, on va intégrer des critères environnementaux. Les 2/3 de mes sujets de prédilection sont l’eau et l’air, et ils nécessitent une politique spécifique qu’on va renforcer. On souhaite également se donner les moyens de maîtriser les derniers espaces qui sont des joyaux naturels ou agricoles et pour cela on a décidé de mener une politique beaucoup plus offensive, en les achetant, le but étant de les préserver et les rendre accessibles au grand public. Il y a donc 2 volets : la vision globale, à savoir intégrer l’environnement à toutes les politiques, et ensuite cibler quelques sujets spécifiques sur l’air, l’eau, les espaces naturels sensibles et les espaces agricoles. Et le Département doit faire plus que ce qu’il a fait jusqu’à présent.
L’air et l’eau sont donc vos sujets « dada ». Vous avez récemment été réélu à la présidence du Comité de bassin Rhône-Méditerranée. Quelles sont les nouvelles ambitions et dynamiques concernant la gestion de l’eau en tenant compte de l’évolution du climat ?
J’ai travaillé durant 10 ans sur la qualité de l’air, et même si tous les problèmes ne sont pas réglés, je pense que le plus dur est derrière nous (Fonds Air Bois, diminution de l’écobuage, etc…) car elle s’améliore. Par exemple, la Vallée de l’Arve est l’endroit où l’on a le plus abaissé les polluants, et notamment les particules fines, à tel point qu’aujourd’hui ce secteur n’est plus celui, en Haute-Savoie, où la pollution de fond est la plus importante, parce que pendant 10 ans il y a eu un effort colossal. Il faut continuer, ne pas baisser la garde et aller plus loin grâce aux nouveaux outils que l’on a crées.
Pour en venir à l’eau, il y a vraiment de nouvelles choses à inventer. Il faut d’abord faire comprendre aux Haut-Savoyards qui sont habitués à voir les lacs, les cours d’eau quels qu’ils soient, que l’on n’est pas à l’abri d’un manque d’eau à certains moments de l’année. Il faut prendre conscience que c’est un bien rare et que par conséquent il faut l’économiser, ce qu’on ne fait pas assez. La politique du Département reste donc à écrire et à dévoiler concernant l’économie d’eau. Il faut aussi ralentir son écoulement car elle s’écoule trop vite du Mont-Blanc à la Mer Méditerranée, ce qui peut provoquer beaucoup de dégâts, et quand elle ne fait pas de dégâts, elle ne prend pas le temps d’alimenter les nappes stratégiques. Il faut donc désimperméabiliser les sols, à savoir retravailler les espaces de respiration de nos cours d’eau de manière à ce qu’ils alimentent ces nappes, car c’est à ce prix-là qu’on aura encore de l’eau en qualité et en quantité dans les 20-30 ans qui viennent. Contrairement à d’autres départements, qui sont dans la réparation profonde, on a ici l’avantage de posséder un capital énorme, on est dans l’adaptation et on peut encore gérer intelligemment le problème. Mais il ne faut plus tarder, il y a urgence et je souhaite qu’on augmente l’engagement financier du Département à la fois sur la qualité de l’air et de l’eau.
Quelle sont vos priorités pour le budget 2022 et les 5 années qui suivront ?
Le budget 2022 sera voté, à priori, fin février. On est en train d’y travailler, de construire les grands équilibres, je ne peux pas tout dévoiler mais depuis que je suis élu, j’ai reçu du monde dans de nombreux domaines (logement, handicap, mémoire, personnes âgées, sport, culture, etc…). Tout est programmé pour que, d’ici à Noël ou d’ici à fin février, en tout cas au moment du vote du budget 2022, on ait rencontré les principaux acteurs socioprofessionnels, économiques, environnementaux du département, ce qui nous permettra d’écrire un premier budget qui donnera la tendance de fond de la nouvelle équipe pour la durée du mandat.
Vous vous êtes récemment rendu dans le canton de Rumilly, vous avez rencontré les élus locaux et fait le point sur les projets des 17 communes du territoire : quels étaient les objectifs de cette visite et quelle en sera la suite ?
Je voudrais commencer par dire que ces journées cantonales, cela ne s’était encore jamais fait et c’est juste génial. L’enjeu, pour moi, c’est de transformer les 17 programmes des 17 cantons en 1 programme départemental. Et pour cela, c’est là que m’est venue l’idée, il faut amener tous les conseillers départementaux à s’intéresser aux problèmes des autres cantons. Parce que les conseillers départementaux sortent quand même principalement sur leur propre canton, qu’ils connaissent merveilleusement bien, de fond en comble, et il est indéniable qu’ils connaissent un peu moins le canton d’à côté, encore un peu moins le canton d’après et puis le canton qui est à l’autre bout du département, je ne dis pas qu’ils ne le connaissent pas du tout mais ils le connaissent beaucoup moins. Ainsi, pendant la 1ère année du mandat, j’invite les 34 conseillers départementaux à venir passer une journée au service et à l’écoute des 2 conseillers départementaux d’un canton qui invitent le Président et l’Assemblée départementale. Ce sont eux qui font le programme, c’est totalement libre et je mets à leur disposition. Je souhaite également faire la connaissance des maires qui sont les interlocuteurs privilégiés du Département.
Ce genre de visite, c’est à la fois passionnant et enrichissant, pour nous comme pour les gens que l’on rencontre. On découvre les territoires, j’ai beau être élu depuis 25 ans, j’ai encore fait des découvertes. Et on rencontre des gens qui ne nous laissent pas insensibles. Le fait de se déplacer permet de se rendre compte qu’on pourrait mieux faire ou différemment. A Rumilly, on a eu confirmation d’un certain nombre de projets intéressants que sont tout l’aménagement du site autour de l’eau et du plan d’eau, le débat de la station d’épuration, le projet de la piscine, la reconstruction du collège du Clergeon, on a vu le Rugby et l’association qui est vraiment formidable, avec des bénévoles qui s’impliquent de façon incroyable. On a également découvert le très beau site culturel et sportif d’Alby-sur-Chéran puis rencontré la directrice de l’établissement de handicap à Héry-sur-Alby qui nous a livré un témoignage poignant concernant les difficultés rencontrées par son personnel. Se rendre sur le terrain, à travers tout le territoire, c’est aussi une reconnaissance et une valorisation de ces gens qui ne sont pas forcément dans la lumière mais qui font ce merveilleux département.
Comment imaginez-vous la Haute-Savoie de demain ?
La Haute-Savoie est un département magnifique. Je pense que je fais partie du personnel politique qui a vraiment eu des fonctions permettant de comparer avec le reste de la France. Député pendant 20 ans, Vice-président de la Région à l’Economie, Président de l’Agence de l’Eau, c’est ¼ de la France, Président de l’ANEM, Président du CNM, je suis persuadé plus que jamais que la beauté de nos lacs, nos stations villages, nos vallées, nos produits du terroir font que tout ce qui se passe ici ne se passe nulle part ailleurs. Donc la Haute-Savoie dans 50 ans, c’est une Haute-Savoie qui aura fait comprendre à la République qu’on est vraiment un département atypique et qu’ici il faut expérimenter des choses que l’on ne trouvera peut-être nulle part ailleurs. Sans quoi on n’arrivera pas à répondre aux défis qui sont devant nous. Il faut également que l’on arrive à canaliser ce trop-plein d’énergie lié à tous nos atouts économiques, pour que d’un point de vue écologique on ne fasse pas de bêtises. Je pense que j’aurai réussi mon mandat, avec mes collègues élus, si l’on arrive à trouver le fil conducteur entre une Haute-Savoie économiquement forte et écologiquement responsable.