Mise en service de l’unité de traitement au charbon actif mi-novembre
Christian Heison, président de la Communauté de Communes Rumilly Terre de Savoie et maire de Rumilly, l’a annoncé lors d’une conférence de presse mardi 24 octobre : l’unité de traitement aux charbons actifs pour filtrer l’eau contaminée aux PFAS (composés perfluorés dits «polluants éternels») sera mise en service aux environs du 15 novembre.
Pour rappel, à l’automne 2022, les résultats des analyses effectuées par l’Agence Régionale de Santé (ARS) sur le réseau d’eau potable du territoire de la Communauté de Communes Rumilly Terre de Savoie révélaient des concentrations anormalement élevées en PFOA (composé PFAS dont l’utilisation et la fabrication sont interdits depuis 2020 au niveau international en raison de ses effets potentiellement cancérogènes) dans deux nappes phréatiques qui alimentent plus de 10 000 habitants. Le 14 novembre 2022, les captages de Madrid et de Broise à Rumilly ont donc été déconnectés du réseau de la collectivité pour être reconnectés à celui du Grand Annecy (captage chez Grillet à Chavanod). Cette solution de court terme, d’abord envisagée jusqu’à la période estivale face au risque de sècheresse, a finalement dû être prolongée, le temps de mettre en place le système de traitement de l’eau retenu. «Le Grand Annecy s’est d’ailleurs mis en difficulté sur certaines nappes pour nous rendre service» souligne Christian Heison, précisant que la collectivité voisine «nous a permis de passer de 1,3 million de litres distribués par jour à presque 5 millions».
«Cette pollution éternelle nous est tombée dessus comme une chape de plomb»
Lors de ce point presse en présence de Jean-Pierre Lacombe, vice-président chargé de l’eau et de l’assainissement, de Franck Etaix, directeur général des services et de Fabien Guers, chargé de mission sur la ressource en eau, Christian Heison a rappelé qu’ «il y a déjà un an, nous apprenions donc que ces deux nappes étaient sévèrement touchées, avec des taux à l’époque d’environ 130 nanogrammes/litre». A noter que la valeur sanitaire maximale établie en 2017 par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) pour l’alimentation humaine est de 75 nanogrammes/litre (ou 0,075 μg/L). Selon les services de l’Etat, en deçà de cette valeur, aucun effet sanitaire indésirable n’est attendu.
«Cette pollution éternelle nous est tombée dessus comme une chape de plomb, sans comprendre ce qui nous arrivait» se souvient Christian Heison, ajoutant qu’ «après la stupeur et l’incompréhension, nous avons voulu chercher des solutions, en faisant un copier-coller d’un endroit en France ou en Europe confronté à une situation similaire, sauf que nous n’avons trouvé aucun équivalent». Il évoque la situation de Pierre- Bénite «pas réellement dans la même configuration car les concernant, il s’agissait d’une pollution actuelle, du fait que les entreprises continuaient à fabriquer des produits chimiques de ce type-là, alors que nous, nous étions dans une pollution plutôt historique puisque que les entreprises du territoire étaient aux normes en terme de rejet de pollution».
Jusqu’à 3 millions de litres d’eau traités par jour
Cette station qualifiée d’expérimentale au vu de sa capacité de traitement (ce système existe déjà mais à plus petite échelle, notamment dans l’industrie) filtrera jusqu’à 3 millions de litres d’eau par jour grâce à l’utilisation de charbons actifs qui retiendront les PFAS. Elle sera composée de deux silos pouvant filtrer 1,5 million de litres d’eau chacun et contenant respectivement 18m³ de charbons actifs. D’après les premiers tests réalisés fin septembre sur le silo déjà installé et dont les résultats viennent de tomber, «l’abaissement du taux de PFAS est plus qu’excellent, il est globalement à zéro» se réjouit Christian Heison. Ces essais ont été effectués selon trois débits : 40m³/heure, 60m³/heure (débit retenu) et 80m³/heure (capacité maximale du filtre) qui ont chacun été concluants.
A noter que ces filtres devront être changés tous les trois mois environ car au fur et à mesure qu’ils absorbent les polluants, certains PFAS se fixent et l’eau est de nouveau contaminée. «Nous avons déterminé un seuil maximal de 25 nanogrammes par litre, ce qui correspond à des traces. A noter que ce seuil a été défini pour la sortie de filtre, mais qu’au robinet il sera inférieur puisqu’on aura un mélange avec de l’eau arrivant d’ailleurs. Ce sera donc dilué» informe Jean-Pierre Lacombe. Dès la mise en route, des analyses hebdomadaires seront faites sur l’eau filtrée. «Une fois retirés, les filtres seront reconditionnés chez le fabricant et les charbons actifs seront régénérés par combustion dans des fours à haute température» explique Fabien Guers.
Comment fonctionne ce système ? L’eau est puisée dans la nappe via trois forages, elle est ensuite filtrée dans un des silos, puis elle est désinfectée avant d’être distribuée à la population.
«Nous sommes tous contents de la situation d’aujourd’hui»
Entre les problématiques de pollution et de sècheresse, les intervenants rappellent l’importance de continuer de réduire sa consommation d’eau, aussi bien du côté de la population que des industriels (qui consomment 40% de l’eau distribuée) et des collectivités. Certains industriels semblent l’avoir baissée de 25%.
Christian Heison explique que les prochaines étapes, en plus du suivi du fonctionnement de cette unité de traitement, seront de comprendre l’origine de cette pollution, en collaboration avec notamment les services de l’Etat (ARS, DREAL…), le BRGM Auvergne Rhône Alpes (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) ou encore les industriels qui ont utilisé ces composés perfluorés par le passé et dont certains sont en train de mettre en place leurs propres systèmes de traitement (Tefal et Cereal Partners France).
«Quoi qu’il en soit, nous sommes tous contents de la situation d’aujourd’hui pour l’intérêt général, à savoir que l’eau distribuée au robinet est potable. C’est une vraie satisfaction» a conclu Christian Heison, avant de remercier tous les acteurs locaux oeuvrant aux côtés de la collectivité pour la santé publique.