«Nous avons réussi à porter le sujet dans le débat public»
Mardi 28 mai, les élus écologistes dont le député girondin Nicolas Thierry, auteur de la proposition de loi sur les PFAS, Fabienne Grébert, conseillère régionale et Jacques Fernique, sénateur du Bas-Rhin et chef de file de la proposition de loi PFAS au Sénat, se sont donné rendez-vous pour une conférence de presse à Rumilly aux côtés de Cathy Athanase, secrétaire départementale de la CGT 74 et Anne Lassman-Trappier, présidente de France Nature Environnement 74. L’objectif de cette rencontre sur le territoire d’implantation de l’usine Tefal, à l’avant-veille de l’examen de la proposition de loi au Sénat : montrer front commun dans la lutte contre les PFAS.
«Le pire scandale sanitaire des dernières décennies»
Nicolas Thierry a rappelé le contexte de la loi PFAS, ses enjeux, et fait le point sur les actions menées et les avancées constatées depuis un an. Le 1er juin 2023, le député était venu à Rumilly dans le cadre de la projection-débat du film coup de poing «Dark Waters» au cinéma les Lumières de la Ville pour présenter sa proposition de loi (PPL) alors toute récente, basée sur trois axes (interdire dès 2025 la fabrication et la commercialisation des PFAS lorsqu’il existe une alternative (emballages alimentaires, mousses anti-incendie, certains textiles…) et totalement dès 2027 (hors secteurs de la santé et de la sécurité), instaurer un contrôle obligatoire des PFAS dans l’eau potable, prévoir une stratégie de dépollution des sites contaminés avec les contributions financières des entreprises responsables afin que le principe de pollueur-payeur s’applique). Il avait souligné l’urgence d’agir, «le débat est quand même enclenché depuis 25 ans aux Etats-Unis, qu’il soit public, politique et juridique, en sachant que les premières toxicités ont été constatées en 1961 » et assuré que «c’est le pire scandale sanitaire des dernières décennies».
«Un lobbying assez grossier»
Le député fait part de son optimisme «Il y a un an, la problématique des PFAS était connue à Rumilly mais pas encore au niveau national. Cela a depuis pris une ampleur médiatique et nous avons réussi à porter le sujet dans le débat public». Le 4 avril dernier, la PPL a été débattue et votée, excluant toutefois les ustensiles de cuisine. Nicolas Thierry déplore «un lobbying assez grossier de Seb et plus particulièrement Tefal lorsque la direction a payé les salariés pour aller manifester la veille devant l’Assemblée nationale»
Selon Jacques Fernique, «nos responsables gouvernementaux doivent travailler pour un vrai plan d’actions, de financement de ce qui est indispensable et urgent : la dépollution de l’eau». Le sénateur évoque «l’échéance européenne 2026 qui est déjà programmée avec des contrôles et des suivis obligatoires pour toute une série de PFAS et avec à terme des obligations de respect de valeurs limites». Il tient à souligner que «le rapporteur de la PPL au Sénat, qui n’est pas un militant écologiste, a clairement dit qu’il est impossible aujourd’hui de balayer d’un revers de main une loi sur les PFAS et que désormais tout le monde a conscience qu’une intervention législative est nécessaire car il y a une vraie problématique sanitaire et environnementale».
«Cette persistance suffit à classer ces substances comme préoccupantes»
Concernant l’innocuité du PTFE martelée par les représentants de Tefal, Nicolas Thierry insiste sur le fait que «plusieurs pays ont saisi la Commission européenne pour faire interdire d’ici 2027 l’ensemble de la famille des PFAS y compris le PTFE». Le député rappelle qu’il existe environ 12 000 PFAS, «on n’a pas autant d’études que sur le PFOA mais dès qu’on en mène, quels que soient les PFAS, on s’aperçoit qu’ils sont plus ou moins nocifs. Et ils ont tous une même caractéristique : celle d’être très persistants et selon les scientifiques, cette persistance suffit à classer ces substances comme préoccupantes». L’auteur de la proposition de loi sur les PFAS est formel : «En terme de santé publique, on peut tourner le sujet comme on veut, en 2027, 2028 ou 2030, il y aura une sortie de tous les PFAS».
«Tefal est au pied du mur»
Les écologistes pointent du doigt le groupe Seb : «Vous avez un industriel qui vous dit : mon plan pour l’avenir c’est miser sur les polluants éternels. Est-ce sérieux ? Ce qui menace l’emploi aujourd’hui, ce ne sont pas des parlementaires ou des élus qui veulent tirer la sonnette d’alarme sur la santé publique. Ce qui menace l’emploi aujourd’hui, c’est un défaut d’anticipation, et Tefal est au pied du mur». Selon eux, «l'entreprise essaie seulement de gagner du temps pour éviter l’impact. Mais l’interdiction va finir par arriver et alors les mêmes qui aujourd’hui sont en train de lutter pour éviter la règlementation qui protège la santé publique seront ceux qui demain viendront réclamer les soutiens d’argent public pour éviter de sombrer. Tefal doit prendre le virage qu’il refuse de prendre aujourd’hui en gardant le pied sur le frein. Ceux qui seront en capacité de maintenir l’emploi sont ceux qui vont conquérir les marchés de demain».
Tous s’accordent à dire qu’«il ne faut pas opposer écologie, santé publique, santé au travail et préservation de l’emploi» et qu’« il faut agir pour une transition vers une industrie résiliente, pourvoyeuse d’emploi, préservant la santé et l’environnement».