«Nous sommes en train de passer progressivement de la sobriété à la rigueur»

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En ce tout début d’année, Christian Heison, maire de Rumilly et président de la Communauté de Communes Rumilly Terre de Savoie depuis juin 2020, dresse le bilan de la presque première moitié de mandat, fait le point sur les dossiers d’actualité, les projets lancés ou qui le seront prochainement, et évoque les perspectives pour 2023 dans un contexte particulier de crises.

Comment qualifiez-vous ces deux ans et demi de mandat ?

«C’est un mandat que j’avais évoqué comme étant atypique et que je qualifie aujourd’hui d’exceptionnel, avec d’abord les conséquences de la crise Covid qui sont encore plus ou moins présentes, des troubles mondiaux d’augmentation des énergies, la sécheresse, phénomène qui va perdurer et auquel nous réfléchissons régulièrement, et plus récemment les problématiques de contamination de l’eau, où nous avons réussi à passer à côté d’un problème majeur. C’est un mandat qui nous occupe bien et qui demande une exigence de tous les instants».

Dans quel état d’esprit démarrez-vous cette nouvelle année ?

«Il faut être très optimistes, mais nous devons quand même apporter une petite touche  de relativité dans l’optimisme, en gardant les yeux grands ouverts, car pour cette année 2023 les augures sont compliqués. Les annonces télévisées nous expliquent que le carburant augmente de nouveau, que des entreprises ferment à cause de la hausse du coût de l’énergie multiplié par dix, et nous avons été informés d’une hausse de 15% pour la population globale, donc tout le monde est durement touché. En sachant que 15% sur les budgets des ménages qui sont à un euro près à la fin du mois, cela va être dur à absorber. Nous allons donc être très attentifs à cette situation car le but de la collectivité est aussi d’être aux côtés des habitants et de les accompagner pour amortir cette situation complexe. Quand on voit l’augmentation importante des chiffres des Restaurants du Cœur, le coût des produits alimentaires, je me dis que le travail d’un maire et d’un président de Communauté de Communes, en plus de faire fonctionner la collectivité et d’apporter des services, est aussi de sentir la vie de ses concitoyens et de ne pas s’écarter de leurs problématiques quotidiennes. Pour certains, dès 2023 les choses vont être extrêmement difficiles et nous, collectivités, devons nous y préparer, voir où nous serons le plus utiles et pas forcément là où nous pensions. Après plus de 20 ans d’expérience de maire, cette situation est nouvelle. J’ai toujours été à l’écoute, attentif à l’aspect humain et social, mais là, avec toutes ces crises à la fois, c’est exacerbé».

Comment préparez-vous 2023 avec toutes les problématiques actuelles ?

«Nous avançons, avec de nombreuses interrogations mais, comme je le disais, avec optimisme, car nous avons encore des capacités à agir, avec des budgets, des équipes, des compétences. Et en tant qu’optimiste forcené, je me dis que les choses ne vont pas pouvoir rester ainsi. A un moment donné, même si aujourd’hui je ne vois pas quand ni comment, les choses bougeront, on ne pourra pas vivre éternellement dans cette situation-là. Ce n’est plus conjoncturel, c’est structurel.

Nous voterons le budget au mois de mars et allons tout faire pour être capables d’organiser notre grande machine, voire de presque la réinventer, pour pouvoir être à la hauteur des attentes des habitants, du monde économique, du monde associatif sur 2023 et les années à venir».

Comment se porte le budget avec tous les imprévus qui se sont ajoutés ?

«Nous avions pris beaucoup de précautions et nous sommes en train de passer progressivement de la sobriété à la rigueur. Gérer c’est prévoir, il faut essayer d’anticiper au maximum les choses et nous avions anticipé fin 2021 avec le lancement de notre opération «Rumilly service public 2025». Nous voyions bien que les budgets de ressources commençaient à diminuer, que les dépenses augmentaient, et le point d’indice des fonctionnaires a pris 3,5%. Ce projet était donc d’analyser l’ensemble de nos politiques, pour voir si elles étaient toujours pertinentes, à quoi telle chose servait, à qui, à combien de personnes, si c’était totalement indispensable, car quand on est dans la rigueur, on évite le confort et on se limite au nécessaire. Ce projet visait également à optimiser notre fonctionnement interne en mutualisant des services. Les premiers effets se verront sur le budget 2023. La première source d’interrogation du budget concerne donc le fonctionnement. Depuis une vingtaine d’années, les collectivités parlent toutes de l’effet ciseaux, et l’on peut faire le parallèle avec les foyers : si les charges augmentent et pas les salaires, à un moment donné ce que l’on a à la fin du mois va forcément diminuer. Lorsque les dépenses se mettent à dépasser les recettes, cela devient dramatique, que ce soit pour un foyer, une entreprise ou une collectivité. Notre budget est donc extrêmement contraint et notre fonctionnement réduit».

«Notre objectif sur 2023 est de stopper cet effet ciseaux»

«Suite aux résultats de cette analyse, notre objectif sur 2023 est de stopper cet effet ciseaux. Dans un moment de crise, cela demande beaucoup de courage, d’analyse et  d’engagement.

L’année dernière, nous nous étions engagés sur le budget 2022 à avoir un taux de réalisation de 80% des dépenses d’investissement. Si l’on prend la moyenne des 5-10 dernières, nous sommes plutôt autour de 50%. Aujourd’hui, dans la situation complexe que nous vivons, ce n’est plus possible, nous devons vraiment faire ce que nous avions dit.  L’objectif de 80% de réalisation sera donc atteint sur le budget 2022, ce qui a demandé un travail considérable de la part des services. 

Ne pas dépenser plus que les recettes, tel est notre challenge, pour essayer de garder une capacité d’investissement suffisamment importante afin de répondre aux besoins que nous avions listés. Nos deux grandes sources de dépenses en investissement sont les bâtiments et les routes».

Pouvez-vous en dire plus sont vos deux grandes sources de dépenses d’investissement?

«Il y a un peu plus d’un an et demi, nous avons lancé notre schéma directeur immobilier, en effectuant un scanner de tous nos bâtiments, soit 90 000 m2. Le ratio des communes comme les nôtres étant de 65 000 m2, nous ne pouvons évidemment pas entretenir la totalité. Dans le débat d’orientations budgétaires en février, un scénario de réaménagement de quasiment tous les bâtiments publics sera annoncé, certains seront détruits ou cédés, comme Plastorex, le bâtiment «Grand-Pierre», où sera construit la future recyclerie, et le gymnase du Château. Concernant Plastorex, le Comité d’Action Economique a le dossier entre les mains et doit nous dire fin janvier s’il est en capacité de rassembler quelques petites et moyennes entreprises locales pour utiliser ce bâtiment et sinon, il sera vendu.

D’autre part, certains bâtiments assez récents n’ont apparemment pas un plan d’entretien suffisant, et certaines écoles ont besoin d’une sérieuse rénovation énergétique. Tout ce scénario sera donc validé en février, qui nous engagera à une rationalisation de nos surfaces. L’objectif est de gagner au moins  20 000 m2 en les réduisant à 70 000 m2 à partir de 2023, et de réfléchir à ce que deviendront les bâtiments actuels de la piscine, du collège Le Clergeon qui sera reconstruit un peu plus loin, et de l’école de musique.

Le plan de sobriété énergétique se poursuit et le schéma directeur immobilier y est intégré, ce qui permettra de voir les urgences et les priorités».

«L’état des routes est très dégradé»

«Une analyse de l’ensemble des voiries a été effectuée et le bilan est tombé en fin d’année : l’état des routes est très dégradé. Nous devons revoir sur le fond un grand nombre d’endroits et l’état de certains secteurs pourraient même engager la responsabilité de la collectivité, en cas d’accident notamment. Ces travaux vont demander beaucoup d’argent et nous avons déjà nos priorités pour 2023. Il faudrait engager presque 1 million d’euros tout de suite car il y a une urgence absolue. La problématique des voiries est qu’il y a ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. Ce que l’on voit, c’est l’état de surface, qui peut se résoudre avec du goudron, mais il y a beaucoup de voiries qu’il faut refaire en profondeur, en reprenant le support et le soutien de la chaussée, et c’est le cas de la moitié de nos routes. Rien de cela n’est politique, c’est totalement technique. Certaines zones devront être sécurisées et nous profiterons des travaux de réfection de voirie pour faire des aménagements de sécurisation».

Quels grands projets avancent ?

«Nous avons tout d’abord la volonté de continuer les travaux Action Cœur de Ville. La rue Montpelaz est à peu près terminée, il manque l’éclairage qui sera installé en début d’année et la végétalisation lorsque la météo le permettra, et une partie des travaux est à reprendre car nous ne sommes pas complètement satisfaits du sol granuleux à un endroit. Nous allons continuer avec la place Sainte-Agathe dans les semaines à venir, et la rue des Ecoles avec la mise en valeur de la Chapelle des Bernardines. La rue Montpelaz sera encore piétonne durant six mois, ce qui nous permettra de travailler avec les riverains et les commerçants, pour lancer une réflexion de piétonisation sur le long terme, car semi-piéton, cela entraîne tous les inconvénients des deux systèmes. Par exemple, certains commerçants pourraient installer des tables à l’extérieur, et quelques porteurs de projets viennent nous voir, pour entre autres la création d’une crêperie. Nous sommes vraiment en train d’y réfléchir et la nouvelle configuration de la rue est plutôt orientée dans ce sens de piétonisation. Mais rien n’est irréversible. Nous allons également attaquer les travaux de la rue des Tours et de l’Ilot des Tours en 2023, avec notamment la résidence pour jeunes actifs. Il y a aussi le projet de parking silo, avec les premiers travaux de démolition des bâtiments existants d’ici la fin de l’année pour un début de construction courant 2024».

«Aujourd’hui nous tenons nos deux projets de ronds-points»

«En matière de mobilité et transports, nous tenons nos deux projets de ronds-points, secteurs Gamm Vert et Supeco, pour fluidifier la circulation. Nous avons finalisé quelques maîtrises foncières, et la définition finale des ces travaux sera faite début 2023 où nous pourrons consulter les entreprises pour les retenir, et les travaux s’enchaîneront en 2024-2025. Ils seront quasiment faits en même temps, pour éviter d’avoir deux fois les contraintes engendrées. Notre plan  pluriannuel d’investissement est couvert avec ces deux projets-là qui sont finançables, contrairement au projet de déviation  avec la construction d’un pont sur le Chéran.

Nous essayons de trouver des solutions pour les «tourner à gauche» sur la rocade, car tout le monde se rabat sur une seule voie. Un cabinet d’études et en train de voir comment agencer les feux, la volonté étant de retrouver une deux fois deux voies en 2023.

Concernant les déplacements doux, et notamment la véloroute, la convention avec la Région, maître d’ouvrage, a été signée et les travaux devraient commencer fin 2023 début 2024. Le plan est aujourd’hui tracé, d’Alby-sur-Chéran à Vallières-sur-Fier, en passant par Marigny-Saint-Marcel, avec la traversée de Rumilly par le Plan d’eau, la route de la Fuly, la gare, la rue des Ecoles, la rue Charles de Gaulle et le Pont-Neuf. La question s’est aussi posée récemment pour la rue Montpelaz.

Pour évoquer le PLUiH (ndlr : Plan local d’urbanisme intercommunal et habitat), nous sommes encore sur une politique d’urbanisation votée en février 2020, et celle que nous souhaitons porter est différente, c’est pour cela que nous avons participé très activement à la révision du PLUiH pour ralentir, amortir, temporiser le développement de la ville en terme de logement et d’extension de terrains à urbaniser. Nous allons pouvoir enfin attaquer notre vision qui va dans le sens de la re-concentration des centres-villes».

L’éclairage public nocturne a été réactivité en période des fêtes ?

«C’était la période de la Coupe du monde, des fêtes de fin d’année, de la Rumill’Yette, alors nous avons pris la décision de rallumer l’éclairage public et de le prolonger jusqu’au réveillon de la nouvelle année. Techniquement, pour éteindre la ville, nous avons environ 90 boîtiers indépendants, ce qui prend plusieurs jours de travail pour effectuer des modifications d’horaires. L’extinction nocturne a repris et se poursuivra, dès 23h. Cette économie-là représentera environ 100 000 euros par an, ce qui permettra de moderniser l’éclairage, de le transformer en LED, comme nous l’envisagions, et d’aller vers des systèmes plus automatisés avec une unité centrale».

Concernant l’eau contaminée, nous sommes toujours reliés au réseau du Grand Annecy?

«Nous sommes toujours connectés au réseau d’eau potable du Grand Annecy, jusqu’au printemps. La solution technique de notre eau contaminée est le traitement au charbon actif, qui coûte beaucoup d’argent et nous nous interrogeons sur la création d’un centre de traitement, qui est un projet lourd et important. Nous nous demandons aussi s’il ne faudrait pas essayer, sur le long terme, de continuer d’apporter de l’eau issue d’autres sources qui ne soit pas chargées de perfluorés. Car nos nappes seront toujours contaminées dans 30 ans».

Où en est le projet de Centre Intercommunal d'Action Sociale ?

«Concernant le CIAS, toutes les décisions politiques sont validées et nous sommes dans la phase administrative et juridique de sa constitution. Nous avions lancé ce projet avec quatre piliers importants que sont le handicap, la gérontologie, le logement, la jeunesse. S’est rajouté sur les six derniers mois le projet d’accueil en centre de loisirs. Les 17 communes ont considéré que ce service ne pouvait plus être géré à l’échelle de communes, et qu’il serait intéressant de réfléchir à un regroupement. Le territoire étant vaste, l’idée est de créer deux pôles pour ne pas recentrer tous les jeunes au même endroit et que chacun ait sa place. Occuper la jeunesse est un fil conducteur permanent pour tout le monde, car encadrer les jeunes leur permet d’apprendre la citoyenneté et le vivre ensemble. Je pense que dans le scénario du schéma directeur immobilier en février, il y aura quelques scoops sur le sujet».

Et le projet de centre aquatique ?

«Le choix définitif de l’emplacement du terrain à la base de loisirs sera voté, et le lancement des consultations validé, lors du conseil communautaire du 30 janvier. A priori, le futur centre aquatique verra le jour en face du skate-park. Il y a certes l’effet vitrine mais aussi l’étude d’aménagement du Plan d’eau qui consiste à construire plutôt près de la route pour préserver le reste en espace naturel sensible. Les travaux seront lancés d’ici la fin du mandat.

Pour dire deux mots sur la future station d’épuration, nous avons recruté le chargé de missions qui va accompagner ce projet-là. L’étude de la réalisation sera lancé en 2023, la STEP devrait être construite sur le terrain avant l’aire des gens du voyage, et nous nous demande s’il ne faudrait pas inverser en mettant les gens du voyage avant et la station après, au niveau  du virage».

Où en est-on des 70% de projets du mandat au moins lancés en janvier 2022 ?

«Nous grimpons toujours et  approchons des 80% de projets au moins lancés. Les gens pourront le constater car nous communiquerons ces informations-là à l’été 2023, en milieu de mandat que nous poursuivons avec détermination».

Après deux ans d’absence, les vœux du maire à la population auront lieu le 12 janvier, à la salle des fêtes de Rumilly.

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