PFAS : l’association AERA a financé des tests sanguins
L’association citoyenne Agir Ensemble pour Rumilly et l’Albanais (AERA) s’investit pour la protection de l’environnement et du vivre-ensemble à l’échelle de son territoire. Reconnue «organisme d’intérêt général», AERA veut être à l’écoute des habitants et force de propositions auprès des collectivités. L’eau, ressource essentielle pour l’être humain et tous les êtres vivants, est une thématique majeure qui intéresse et questionne les membres de cette association collégiale. Tous suivent de près la problématique de pollution locale de l’eau potable aux PFAS (composés perfluorés dits « polluants éternels ») révélée au grand public en novembre 2022.
Pour rappel, les résultats d’analyses effectuées fin août 2022 par l’Agence Régionale de Santé (ARS) sur deux captages d’alimentation en eau potable (AEP) indiquaient des teneurs en PFOA 1,5 fois supérieures (114 ng/L et 117 ng/L) à la valeur maximale établie en 2017 par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) qui recommande de ne pas dépasser 75 ng/L. Le PFOA est un composé PFAS dont l’utilisation et la fabrication sont interdits depuis 2020 au niveau international en raison de ses effets potentiellement cancérogènes. «En deçà de cette valeur, aucun effet sanitaire indésirable n’est attendu» indique l’Agence Régionale de Santé. Depuis l’annonce de cette pollution, les services de l’État, les collectivités et le gestionnaire du réseau se sont coordonnés pour élaborer des solutions à court et moyens termes. Dès novembre 2022, les captages contaminés (Broise et Madrid) ont été déconnectés du réseau et reconnectés à celui du Grand Annecy, puis en octobre 2023 une unité de traitement au charbon actif a été mise en place afin que la collectivité puisse dépolluer son eau potable.
Présence de taux élevé de PFOA dans le sang humain
Les trois coprésidents d’AERA dévoilent les résultats d’analyses de sang pilotées par un professionnel de santé rumillien et financées par l’association. Cinq femmes de plus de 40 ans, vivant à Rumilly depuis au moins dix ans, ont été testées. Le verdict est sans appel : toutes ont des taux de PFOA supérieurs aux valeurs sanitaires indicatives fixées par la Commission Nationale de Biosurveillance allemande. Les «Human Biomonitoring Values» (HBM values) sont des valeurs seuil correspondant à des concentrations considérées comme préoccupantes pour la santé des individus de la population générale lorsque qu’elles sont dépassées. Ces teneurs varient entre 8,4 ng/mL (nanogrammes par millilitre) pour la plus jeune (41 ans) et 13 ng/mL pour la plus âgée (76 ans). Les autres taux sont de 10,7 (43 ans et 46 ans) et 11,5 (55 ans). «En sachant qu’entre 15 et 44 ans, elles devraient être en dessous de 5 qui est la valeur maximale pour une personne en âge de procréer, et que les plus de 44 ans devraient être en dessous de 10». Ces analyses ont été réalisées par Eurofins Forensics Belgium, laboratoire dirigé par des experts en toxicologie. Selon Eurofins, qui analyse également la présence des PFAS dans l’environnement, «ces substances sont persistantes, bioaccumulables et présentes dans le monde entier».
Les coprésidents précisent «avoir conscience de ne pas avoir un échantillon représentatif, car pour cela il faudrait plus de 50 personnes testées avec divers paramètres à croiser. Mais notre budget est limité et notre objectif n’est pas de lancer nous-mêmes une étude épidémiologique».
Des PFAS détectés dès 2018 sur un captage d’eau potable
Le mois dernier, ces derniers ont été troublés par le contenu d’une récente étude hydrogéologique de l’ancienne usine Salomon (fermée en 2008) publiée sur le site de l’ARS. «Des arrêtés préfectoraux ont demandé aux différentes entreprises susceptibles d’être à l’origine de la pollution de faire des études historiques sur leur process industriel, sur l’utilisation des produits et une étude du fonctionnement des nappes et les interactions entre leurs activités». Dans cette étude Socotec, des données (disponibles sur le site de l’ADES - portail national d’accès aux données sur les eaux souterraines) indiquent des prélèvements effectués tous les 6 mois entre mai 2017 et mai 2022 qui révèlent des teneurs en PFOA sur le captage AEP de Madrid. «Cela veut dire que depuis mai 2017, quelqu’un cherche du PFOA dans l’eau potable de Rumilly. Sur les deux premières mesures, on est en dessous du seuil de 100 ng/L mais entre mai 2018 et mai 2022, les taux varient entre 118 ng/L et 221 ng/L». AERA s’interroge : « Qui a fait ses prélèvements ? Pourquoi ? Pour qui ? Pourquoi de tels taux ont été détectés sans que personne ne tire une sonnette d’alarme avant l’automne 2022 ?»
«Nous ne remettons pas en cause la gestion de la crise mais le manque d’implication citoyenne»
Au-delà des réponses attendues concernant les enjeux de santé publique, l’association souhaite que les citoyens soient informés «en toute transparence» sur la situation et concertés. «Nous ne remettons pas en cause la gestion de la crise mais le manque d’implication citoyenne que nous avons pourtant demandée par courrier à la préfecture, à la mairie de Rumilly et à la communauté de communes Rumilly Terre de Savoie» expliquent les trois coprésidents. «Un comité de pilotage a été mis en place, nous aurions aimé y être associés, soit en tant que citoyens soit en tant qu’association, d’autant plus que nous avons quelques compétences sur le sujet. Certains d’entre nous ont des formations scientifiques».
AERA veut avancer collectivement dans une démarche constructive et pouvoir apporter un regard citoyen. Elle est en contact avec plusieurs associations, locales, départementales et régionales pour créer un collectif interassociatif. L’objectif : ne pas porter seuls ce sujet de la pollution et de l’eau en général, mener des actions et mutualiser des financements. «Ce qui nous questionne le plus, c’est l’impact sanitaire. Et nous partons du principe qu’on avance mieux et plus vite avec de l’intelligence collective».
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