Rentrée active pour Virginie Duby-Muller
zVirginie Duby-Muller, députée de la 4ème circonscription de la Haute-Savoie, a récemment occupé le devant de la scène en réagissant à diverses actualités. Elle est toutefois aussi retournée à l’Assemblée Nationale depuis septembre afin de prendre part aux débats parlementaires, en particulier la loi de finance qui est en train d’être examinée.
Est-ce que vous pouvez faire une présentation rapide de votre activité parlementaire depuis la rentrée ?
Depuis la rentrée on a repris à Paris avec des textes mais je dirais pas des textes de grande importance. Il y a eu la réforme du conseil économique et social et des textes en deuxième lecture, parce que le Sénat n'avait pas repris étant donné qu'il y avait les élections sénatoriales fin septembre.
Depuis début octobre, on est dans le cadre de ce qu'on appelle la session ordinaire. On attaque l'examen du projet de loi de finances, avec en première partie les recettes, et là on attaque la deuxième partie, avec l'examen de toutes les missions de l’État. Donc moi, je vais travailler sur la question livres, médias et industrie culturelle, et il y a aussi les questions sécurité et enseignement supérieur. Donc on examine tous les crédits de l’Etat, par mission.
Vous avez, il ya quelques jours, demandé la création d'une commission d'enquête sur la libération des otages au Mali. Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus ?
Suite à a la libération de Sophie Pétronin il y a quand même eu une contrepartie. Elle n'a pas été la seule otage libérée, mais il y a eu 200 djihadistes qui ont été libérés par le Mali. Sachant que parmi ces prisonniers, certains avaient été arrêtés par des soldats français dans le cadre de l'opération Barkhane, qui sont, pour un certain nombre, morts en opération. Donc pour moi il y avait une incompréhension dans cette libération dans la mesure où la contrepartie est extrêmement élevée.
Il y a évidemment la libération de ces prisonniers, et certainement une contrepartie financière qui ne nous a pas été révélée, mais j'ai eu des retours de citoyens, de militaires, qui étaient choqués du montant élevé qui a été demandé et accepté en contrepartie de ces libérations. On sait que ce sont des personnes qu'on remet de nouveau dans la nature alors qu'ils avaient des passés, pour certains, assez lourds. Donc tout le travail qui a été fait par ces militaires, ils l'ont remis un petit peu en question par la libération de ces prisonniers. Pour certains, on nous dit que leur dangerosité est amoindrie, mais pour d’autres, il y a un lourd passif et on les remet en liberté, c'est absolument incompréhensible. Quand on voit ce qu'il s'est passé encore ce week-end, on se dit que ces personnes là ont leur place sous les barreaux et pas en liberté.
Je ne demande pas une remise en question globale de la doctrine sur la libération des otages, je sais que la DGSE travaille là-dessus, qu'il y a une part de secret-défense. En revanche sur ce cas précis, il y a quand même des zones d'ombre. Et puis, lorsqu'à son retour Mme Pétronin nous dit qu'elle n’a qu'une envie, c’est de retourner au Mali, j'avoue que ça nous interpelle.
Vous avez récemment voté contre la loi qui a autorisé le retour des néonicotinoïdes. Est-ce que vous pouvez expliquer votre choix ?
Lors de la loi de 2015, je m'étais déjà abstenue par rapport à mon groupe politique qui lui ne voulait pas revenir sur l'interdiction des néonicotinoïdes.
Il se trouve que c'est une sujet sur lequel j'ai toujours été très sensible, notamment par l'intermédiaire d'apiculteurs qui m'avaient alertée. On sait à quel point ces produits peuvent être nocifs sur la biodiversité, on avait eu une première étape avec cette loi.
Là on s'est rendus compte qu'il y avait une remise en question, notamment pour tout ce qui est industrie de la betterave avec cette jaunisse qui fait qu'il y avait une filière qui était mise en danger, il y a quand même 40 000 emplois dans cette industrie de la betterave. Donc ils ont voulu faire une dérogation en revenant sur le principe d'interdiction des néonicotinoïdes à l'exception de ce secteur de la betterave. Moi je n'ai pas souhaité y être favorable parce que je considère que cette industrie n'avait pas fait le nécessaire, notamment par la recherche ou par d'autres moyens, pour essayer de trouver d'autres alternatives au néonicotinoïdes. Et si on ouvre ce champ des dérogations, après on peut avoir d'autres secteurs qui vont nous en demander.
Donc on ouvre une brèche et je n'y étais pas favorable donc je suis restée ferme sur cette interdiction. Là encore, mon groupe politique, majoritairement, y était favorable, moi j'ai voté en fonction de mes convictions. Alors c'est vrai qu'en Haute-Savoie on n'a pas de betterave donc peut-être que c'est un peu plus simple.
Il y aussi des agriculteurs qui m'ont interpellée mais moi sur ce cas précis, c'est un vote de conviction. J'ai entendu les arguments des uns et des autres mais je pense qu'il fallait maintenir cette interdiction parce que même si ce sont des graines enrobées et qu'on nous dit qu'elles ne peuvent pas se volatiliser et qu'il n'y a pas de danger pour les abeilles, il y a quand même des risques, il y a des études qui ont été faites, il y a des choses qui peuvent se volatiliser aussi donc voilà, par précaution j'ai préféré voté contre.
Actualité toujours, vous vous êtes exprimée contre le rachat de Suez par Veolia. Est-ce que vous pouvez aussi expliquer vos motivations ?
Ce sont deux grands champions à la fois sur la question de la gestion des déchets et l'eau. Il y a eu cette OPA (Offre Publique d’Achat ; ndlr) hostile, parce qu'il faut parler de ça, de la part de Veolia pour racheter des parts d'Engie - puisqu'Engie est actionnaire de Suez.
Moi je considère que toutes ces opérations ne sont pas forcément saines puisqu'aujourd'hui vous avez des collectivités locales qui pouvaient faire jouer la concurrence. Et cette concurrence, à mon sens, elle était saine alors que demain vous allez avoir un gros opérateur.
L'argument du patron de Veolia c'est d'être un très grand groupe international, de peser vis-à-vis des Chinois et autres. Moi je pense qu'il fallait au contraire plutôt privilégier notre industrie en France. On sait qu'aujourd'hui cette fusion ne se fera pas sans casse sociale et notamment la destruction d’emplois.
Peut-être que si cette fusion était valable il y a quelques mois, en début d'année, entretemps il y a eu la crise du covid qui est passée par là, un contexte économique et social qui est quand même très morose et je pense que ce n'est pas la peine d'aggraver les choses avec ce genre d'opération financière qui risque d'avoir des conséquences sur le plan social en France.
Donc c'est la raison pour laquelle je m'y suis opposée avec un certain nombre de collègues, on a notamment fait une tribune, j'ai fait une question au gouvernement.
Il se trouve que lorsqu'il y a eu le vote au niveau de Engie, l'Etat a été mis en minorité, ce qui est quand même assez incroyable. Et puis toutes les dernières grandes fusions qui se sont faites, ça ne s'est pas forcément bien terminé. Partant à la fois de ces exemples, sachant aussi les conséquences à venir, je me suis opposée à cette fusion.
Vous faites parties des 150 députés les plus actifs dans quasiment tous les domaines. Est-ce que vous dormez parfois ?
Oui, heureusement ! Mais je considère quel lorsqu'on est élu, c'est pour faire les choses avec sérieux, avec conviction. Donc ça suppose évidemment d'aller toutes les semaines à Paris, d'intervenir, d'être force de proposition, faire des amendements, des propositions de loi, des propositions de commissions d'enquête… C'est important effectivement de faire ces choses de façon sérieuse.
A contrario, les députés qui ne siègent pas, qui ne prennent pas la parole, je trouve ça un peu décevant. Vous avez une mission lorsque vos électeurs vous ont fait confiance, vous ont choisi pour les représenter. Et donc cet honneur et cette confiance, il faut en être digne. C'est en tout cas la ligne de conduite que je m'étais fixée : la disponibilité, l'assiduité, la présence sur le terrain. C'est ce qui guide mon action parlementaire.
Vous êtes une députée LR qui n’a jamais fait partie d'une majorité présidentielle. Est-ce qu’être active comme ça est la manière que vous avez de peser sur les débats ?
Oui, c'est vrai que là c'est mon deuxième mandat dans l'opposition. Nous avons un rôle, je n'ai pas d'états d'âmes à voter parfois pour certains textes du gouvernement, je crois qu'il faut être une opposition constructive et raisonnable. Au moment du Covid, du confinement etc, il y a eu ce qu'on a appelé les projets de loi de finance rectificative, en fait c'était toutes les mesures d'accompagnement économique, évidemment je les ai votées.
En revanche dès qu'il y a des choses dont on estime qu'elles ne sont pas bien, il faut aussi les dénoncer. Au moment du confinement, encore une fois, on était les premiers avec mon groupe politique à parler des pénuries de masques, des problèmes du dépistage en disant qu'il fallait l'accentuer davantage, à dénoncer ce qu'il se passait dans les EHPAD. Il se trouve que le gouvernement a mise du temps à réagir mais il faut être là aussi pour être des lanceurs d'alerte, pour mettre en exergue des problèmes.
Sur ce qu'il se passe et ce qui est arrivé vendredi dernier sur le professeur, je crois que nous avons une politique claire en matière de sécurité. Le fait de revenir sur la double peine, sur augmenter le nombre de places en prison… On voit bien qu'on a un problème de sécurité dans notre pays. Sur la délinquance, sur les sanctions qui ne sont pas appliquées et ça, ça ne va pas du tout dans le bon sens et ça fait partie des propositions qu'on peut formuler au sein de notre groupe politique.
Sur quels dossiers allez-vous être présente cette année ? Est-ce qu'il y en a certains qui vous tiennent particulièrement à cœur ?
Dans le cadre du budget, je vais être présente sur la partie presse, médias et industrie culturelle, chaque année j'examine ces crédits. Je fais partie de la commission culture et éducation, donc c'est vrai qu'on se spécialise sur ces sujets.
Je travaille aussi beaucoup sur les sujets numériques et là je suis dans un groupe de travail sur la souveraineté numérique de notre pays. Donc ça va être aussi intéressant parce qu'on se rend compte, notamment au moment de la crise, qu'on est très dépendants de la Chine et d'autre pays. Et comment on arrive à retrouver une souveraineté française, voire européenne, dans un certain nombre de domaines, dont le numérique ? Ça fait partie des sujets qui sont importants.
Voyez sur les questions sur le Cloud, sur plein de choses, il faut qu'on ait une souveraineté européenne et qu'on ne soit pas dépendants des puissances américaine ou chinoise. On a justement toutes les questions des données de santé, j'ai pas envie qu'elles soient gérées par des géants américains ou chinois. Donc ça fait partie des sujets sur lesquels je travaille.
Comment allez-vous rester au contact de vos électeurs ? Que faites-vous de ce que disent vos administrés ?
On essaie d'avoir un suivi : j'ai mes rendez-vous à la permanence, et ce que j'appelle mes tournées de communes dans toute la circonscription, et là les citoyens peuvent venir me voir. Il y a évidemment toujours des élus qui sont présents. J'essaie de transformer les requêtes en proposition de loi, en initiative.
Par exemple une sage-femme est venue me voir pour me dire qu'elles ont été complètement oubliées du Ségur de la santé. On va faire une question écrite, on va intervenir lors de l'examen du projet de loi de finance de la sécurité sociale. Ça peut être des questions qu'on va poser au ministre, en lui demandant ce qu'il compte faire pour les sages-femmes.
Lorsque je rencontre des personnes et qu'il y a des problématiques, on les remonte au niveau national, que ce soit lors de rendez-vous dans des ministères, des questions écrites, des questions orales, des amendements, des propositions de loi… Donc on va utiliser tout «l'arsenal législatif» pour pouvoir faire remonter ces choses et, le cas échéant, faire changer les lois pour intégrer ces propositions qui sont soumises par la population. Je n'oublie pas que je suis un relais et évidemment on essaie d'être les lus efficace possible pour faire remonter ces doléances au plus haut niveau.
Parfois ça demande beaucoup de persévérance. Par exemple pour la prime de vie chère, ça n'a pas évolué. J'en ai parlé récemment avec un conseiller de M. Darmanin pour les policiers, et ça fait partie des sujets que je ne lâcherai pas parce que je considère qu'il y a un véritable besoin dans notre région où le cout de la vie et du foncier sont plus élevés qu'ailleurs. Et ça il faut le prendre en compte parce qu'il y a une difficulté de recrutement de nos fonctionnaires, on a un turnover, qui est lié à ce coût de la vie, qui est l'équivalent de celui de Paris ou de Nice. Quand je vois M. Darmanin annoncer à Nice qu'il y a une prime de vie chère, je lui dis qu'il faut venir voir la situation de nos policiers à Annemasse où c'est le même niveau de loyer et que le reste à vivre est assez faible. Même si aujourd'hui il ont un hôtel de police et un environnement de travail qui est plus accueillant et plus confortable, il y a aussi cette partie financière qui mérite d'être accompagnée.