Ressource en eau : plus de permis de construire à compter du 1er mai
Entre les épisodes récurrents de sècheresse et la pollution aux PFAS, le territoire de la Communauté de Communes Rumilly Terre de Savoie est sous tension concernant sa ressource en eau. Afin d’anticiper les problématiques futures en matière de distribution d’eau potable, au vu de l’accroissement démographique et donc de l’évolution des besoins, l’intercommunalité a opté lors du conseil communautaire du 24 avril pour la mise en place d’un plan d’urgence. Ce plan d’action stratégique pour la préservation de la ressource et la sécurisation de l’approvisionnement en eau potable prévoit l’interdiction temporaire de délivrance de permis de construire dès le 1er mai dans la plupart des communes du territoire, proposition qui n’a pas fait l’unanimité.
De probables difficultés d’approvisionnement à venir
Dès la sècheresse de l’été 2022, le territoire a fait l’objet d’arrêtés préfectoraux de gestion de crise avec des restrictions de consommations pour divers usages, afin d’assurer l’alimentation en eau potable et préserver les milieux. Suite à la sècheresse hivernale du début d’année 2023, la recharge est qualifiée d’insuffisante, laissant présager des difficultés d’approvisionnement pour les mois à venir (à cause de la pollution, le territoire est provisoirement alimenté en eau potable par le réseau du Grand Annecy, qui pourrait également être touché par la sècheresse). Jean-Pierre Lacombe, vice-président en charge de l’eau et de l’assainissement, a insisté sur le fait que «pour avoir suffisamment d’eau cette année, il faut que nous soyons très économes et que le système de traitement au charbon actif fonctionne». Christian Heison, président de l’intercommunalité, a tenu à rappeler qu’ «aujourd’hui nous avons une chance incroyable, nous serions dans une situation dramatique et je mesure mes mots, si le Grand Annecy n’avait pas pu venir à notre secours ».
«Limiter les opérations d’urbanisme»
Face à l’accroissement des besoins en eau potable sur le territoire, et dans l’attente de la finalisation fin 2023 du schéma directeur Eau Potable en cours d’élaboration, il est jugé nécessaire de faire une pause en matière de délivrance d’autorisations de droit des sols ou du moins de restreindre fortement la délivrance de telles autorisations créant de nombreux logements sur le territoire (permis de construire, permis d’aménager, division parcellaire) «pour lesquels les collectivités ne seront pas en mesure d’assurer l’approvisionnement en eau potable de façon certaine». Il est également jugé nécessaire de «limiter les opérations d’urbanisme intensifiant la pression sur la ressource en eau sur des secteurs déjà en fragilité». En parallèle, la Communauté de communes met à l’étude une tarification incitative orientée vers l’encouragement à la sobriété hydrique.
Selon la collectivité, « le bilan entre les ressources mobilisables en période d’étiage (débits des sources et débits de pompage autorisés) et les besoins en eau (consommation des usagers et pertes) témoigne dès aujourd’hui d’une situation déficitaire en étiage sur le territoire. Cette situation implique l’utilisation de secours». De nombreuses communes ne pourront plus délivrer d’autorisation de permis de construire, à compter du 1er mai, sur les territoires identifiés comme «secteurs avec contraintes fortes» : il s’agit de Rumilly (bas service), Bloye, Marigny-Saint-Marcel, Massingy, Etercy, Marcellaz-Albanais, Boussy, Sales, Thusy (principale), Saint-Eusèbe (Chef-Lieu), Vaulx, Saint-Eusèbe (Thusel), Hauteville-sur-Fier, Vallières-sur-Fier (Chef-Lieu). Ces interdictions, prévues jusqu’au 31 décembre 2023 «sous réserve d’avoir trouvé des solutions pérennes à la fois techniques et financières», ont suscité quelques réactions.
«La solution n’est pas adaptée au problème»
«Vous avez l’unanimité sur le constat et la nécessité de prendre des mesures pour faire face à cette crise. Néanmoins, je m’interroge sur la pertinence des solutions : vous dites que de nombreux projets sont encore à l’étude par les promoteurs, notamment sur le centre-ville de Rumilly, qui représentent un potentiel de logements déraisonnable par rapport à la situation de notre territoire. Je ne voudrais pas qu’il y ait donc comme un effet d’aubaine à apporter des solutions à une autre problématique. Cette situation apporte une solution réelle à la ville de Rumilly mais pose en revanche des problèmes pour les communes rurales qui ont des projets modestes. On a l’impression que tout est sacrifié sur l’autel des plus gros, la solution n’est pas adaptée au problème» a commenté Sylvia Roupioz, maire de Boussy, soutenue par Serge Bernard- Granger, conseiller communautaire de l’opposition : «Quand on voit que le PLUi (Plan local d’urbanisme intercommunal, Ndlr) de 2020 prévoyait 4000 logements en 10 ans et qu’en 2 ans il y en a eu 1200, ce n’est pas très juste qu’aujourd’hui on pénalise des projets sur des petites communes alors que d’autres se sont rapidement développés ailleurs». Roland Lombard, vice-président en charge des transports et des mobilités, maire de Hauteville-sur-Fier, a lui aussi fait part de ses doutes quant à cette décision : « Je suis perplexe et le mot est faible. Les trois quarts de la délibération me conviennent à deux cents pour cent, en revanche la problématique de l’urbanisme me pose question. Et ce qui m’embête le plus, c’est que l’on nous dit que cette proposition vise à pallier une situation ponctuelle jusqu’au 31 décembre pour faire face à la pollution. Mais le problème majeur dans cette interdiction des permis de construire, c’est que les effets se produiront dans un an et demi au mieux. Je n’adhère pas donc pas à cette mesure-là». Christian Heison s’est voulu rassurant : «Nous analyserons cas par cas les situations financières des communes concernées car l’idée n’est pas de bousculer ou casser tous les projets».
Ce vote a reçu 35 voix pour et 6 abstentions dont 5 issues de maires de communes rurales.