Restauration en vue d’une exposition
En avril 2021, le tableau «Le baptême du Christ par Saint Jean-Baptiste», huile sur toile peinte par Antoine Baud en 1845, avait été retiré de la tribune de l’église Sainte-Agathe, où il était stocké depuis 1974, afin d’être restauré. Cette année-là, d’importants travaux de réaménagement et de restauration de l’édifice avaient été entrepris dans le chœur et la nef: le tableau avait alors été déplacé mais jamais réintégré. Ainsi, durant près de 50 ans, la toile et son cadre ont souffert de la poussière et de l’humidité. Marie-Magali Bernadet, responsable du Musée Notre Histoire, s’est rendue à l’atelier de restauration Moreaux-Jouannet à Aix-les-Bains pour observer l’avancée des travaux. La toile a été confiée à Isabelle Moreaux-Jouannet, restauratrice de tableaux depuis 30 ans, récompensée par le titre de Meilleur Ouvrier de France, et le cadre confié à Agnieszka Derniaux, restauratrice de bois doré depuis 22 ans.
Cette restauration a été décidée en vue d’une exposition sur l’œuvre des frères Baud, en septembre 2023. A l’issue de l’exposition, le tableau réintègrera l’enceinte de l’église où il sera mis en lumière.
[[{"fid":"33393","view_mode":"default","fields":{"format":"default","field_file_image_alt_text[und][0][value]":false,"field_file_image_title_text[und][0][value]":false},"link_text":null,"type":"media","field_deltas":{"1":{"format":"default","field_file_image_alt_text[und][0][value]":false,"field_file_image_title_text[und][0][value]":false}},"attributes":{"height":412,"width":314,"class":"media-element file-default","data-delta":"1"}}]]
Du désencrassement
à la greffe de toile
«Le baptême du Christ par Saint Jean-Baptiste» est un tableau aux dimensions impressionnantes : 2,02m x 2,75m et 2,50 x 3,15 avec son cadre.
Cette longue conservation du tableau posé à même le sol dans la poussière et l’humidité ont inévitablement dégradé la toile. L’humidité a provoqué, sur la surface, un décollement de la couche picturale et l’accumulation de la poussière qui s’est alourdie d’humidité sous le châssis a déchiré la partie basse. Les couleurs de la peinture avaient perdu de leur vivacité. «C’était tellement encrassé que la toile était marron» indique Isabelle Moreaux-Jouannet.
Le travail de restauration a d’abord consisté à assainir la surface picturale et le revers de la toile en enlevant la crasse grâce à un gommage puis avec l’utilisation de solvants. La restauratrice travaille actuellement sur la réintégration des reliefs et des couleurs, et la prochaine étape sera la greffe et l’inclusion de la partie basse de la toile.
Du nettoyage à la retouche en passant par le masticage, un vernis isolant est posé pour protéger la toile et éviter que des écailles de peinture tombent lors de la manipulation, avant la pose du vernis final. «Sur la partie haute, j’ai posé ce que l’on appelle un vernis provisoire. Cela nourrit le tableau et lui permet de retrouver ses couleurs. Une fois que j’aurai fait la remise à niveau des reliefs avec le mastic, je réintègrerai la peinture dans les zones lacunaires avec des pigments, comme une sorte de trompe-l’œil avec des petits points de couleurs différentes» explique Isabelle Moreaux-Jouannet.
La greffe et l’inclusion de toile sont deux travaux distincts : la greffe consiste à retisser avec la zone déchirée avec de la toile de lin, et l’inclusion à reconstituer un morceau de toile manquante selon le même principe qu’une pièce de couture.
Mouler les ornements manquants et faire briller la dorure
Le cadre, constitué de bois recouvert de feuilles d’or, présentait des manques d’ornements et des trous d'insectes xylophages. Agnieszka Derniaux, qui a appris son métier en Pologne, son pays d’origine, a commencé par effectuer un refixage des parties écaillées puis a réalisé un traitement insecticide et fongicide. «On injecte un produit pour consolider le bois vermoulu et reboucher les trous». La spécialiste de la restauration de bois doré explique que l’étape suivante est la prise d'empreintes pour le moulage des ornements manquants pour pouvoir les réintégrer puis le nettoyage de chaque partie de la dorure avec des solvants, selon un protocole assurant la préservation de l’or. «On nettoie pour redonner de la brillance à la feuille d’or et ensuite on effectue un gommage à sec pour ôter les petits résidus restants», la finalité étant d’harmoniser les parties restaurées avec les parties anciennes conservées.
Retour sur le départ
en restauration
Lors de l’opération de déplacement, le tableau avait été monté sur un châssis spécialement conçu puis descendu d’une dizaine de mètres par la balustrade grâce à l’aide de l’équipe des services techniques de la Ville qu’Isabelle Moreaux-Jouannet qualifie comme ayant été « exemplaire ». «C’était tellement bien préparé et organisé que tout s’est fait très vite ». Le tableau avait ensuite été soigneusement emballé puis acheminé à l’atelier par des transporteurs spécialisés, où il est resté en période de stabilisation et d’adaptation à un nouveau lieu et une nouvelle température car les toiles du XIXe siècle sont décrites comme étant fragiles et réactives.
Restaurer pour mieux…exposer
L’exposition sur les frères Baud est prévue de septembre à décembre 2023. Le tableau «Le baptême du Christ par Saint Jean-Baptiste», qui sera exposé au rez-de chaussée du Musée, en sera la pièce phare. Des visites de l’église seront organisées pour découvrir les œuvres ne pouvant être déplacées. «Beaucoup de peintures murales ont été réalisées par les frères Baud. Des restaurateurs travaillent actuellement sur les œuvres des 2 chapelles latérales, les peintures murales du chœur ont été restaurées il y a quelques années. L’idée est de faire un zoom sur ce tableau resté aux oubliettes, de le valoriser et d’expliquer le processus de restauration» informe Marie-Magali Bernadet.
En attendant son grand retour à Rumilly, à la veille de l’exposition, le tableau, qui ne pourra être stocké dans les réserves du musée au vu de ses dimensions, restera au chaud et à l’abri de l’atelier, entre les mains réparatrices de ses deux restauratrices.
Antoine et Laurent Baud
Né en 1810 et mort en 1850. Antoine Baud est formé à l’école des Beaux-Arts de Genève. Les commandes de tableaux et portraits religieux lui permettent de vivre de sa peinture. A l’âge de 17 ans, il part pour Paris et y reste 2 ans. À son retour il devient professeur de peinture et de dessin au Collège Royal de Chambéry.
Son frère Laurent, né en 1827 et mort en 1907, bénéficie de son enseignement et devient à son tour professeur de dessin au collège Saint-François de Thonon-les-Bains, après avoir peint, entre autres, la fresque en trompe-l’œil de l’église Sainte-Agathe de Rumilly en 1863.