Retour sur la mission de secours à Mayotte
Le Commandant Marc Schmidlin est un officier chevronné des sapeurs-pompiers, spécialisé dans les interventions de secours en milieux effondrés et instables. Responsable du détachement mobilisé pour intervenir à Mayotte après le passage du cyclone, il bénéficie d’une solide expérience dans la gestion des crises et des opérations de grande envergure. Sous sa direction, l’équipe de la zone SudEst a démontré son expertise en sécurisant des infrastructures critiques et en apportant une aide indispensable à la population locale. De retour de Mayotte, il revient pour nous sur les différentes étapes qui ont vu la projection sur le terrain, de 80 sapeur-pompiers majoritairement des SDIS de la Savoie et Haute-Savoie mais également de 8 autres départements de la zone de défense sud-est.
Entretien.
Commandant Schmidlin, vous avez été engagé en tant que chef de détachement en renfort à Mayotte suite au passage du cyclone. Pouvez-vous nous expliquer comment cette mission s’est organisée ?
Tout a commencé par une sollicitation du centre opérationnel de gestion des crises à Paris. Nous avons été mobilisés pour constituer un détachement spécialisé de 80 personnes, capable d’intervenir rapidement sur place. Le cyclone avait causé des dégâts considérables, notamment à Petite-Terre, et notre mission consistait à sécuriser les infrastructures et à rétablir les accès. Dès que l’ordre est tombé, nous avons activé une équipe de spécialistes formés en amont dans le cadre d’une certification internationale obtenue en 2021, garantissant notre aptitude à intervenir efficacement dans ce type de situation.
Quels étaient les principaux défis que vous avez rencontrés ?
Les défis étaient multiples. Tout d’abord, la logistique était un enjeu majeur. Nous avons dû acheminer 19 tonnes de matériel incluant tout ce qui est nécessaire pour être autonomes : de l’équipement médical, des outils de tronçonnage, des rations alimentaires, et même une station de traitement de l’eau. Le conditionnement du matériel devait respecter des normes strictes, comme la vidange des réservoirs des tronçonneuses et des groupes électrogènes pour le transport en avion. Sur place, les défis étaient tout aussi importants : dégager les routes encombrées par les arbres abattus, sécuriser des bâtiments fortement endommagés, et travailler dans des conditions climatiques extrêmes avec des températures de 40°C et un taux d’humidité très élevé. Enfin, il fallait s’assurer que les équipes puissent maintenir leur efficacité malgré ces contraintes en garantissant des conditions de repos, de restauration...
Comment s’est déroulée votre arrivée sur le terrain ?
Nous avons quitté la métropole le 20 décembre et sommes arrivés à Petite-Terre le 24 décembre. Le voyage en lui-même a été un défi logistique, avec un transit par La Réunion avant de rejoindre Mayotte. À notre arrivée, les dégâts étaient visibles dès l’avion : des toitures arrachées, des habitations légères détruites, et des arbres déracinés à perte de vue. Nous avons établi notre camp de base dans un collège, qui offrait un abri minimal, de l’électricité, mais pas d’eau courante. Pendant toute la mission, nous avons dû produire notre propre eau potable grâce à une station de traitement incluse dans notre matériel. Ce dispositif nous a permis de subvenir à nos besoins et d’assurer une hygiène minimale pour l’équipe.
Quelles ont été vos priorités lors de cette mission ?
Nos priorités ont été définies dès le départ. Premièrement, dégager les axes de circulation pour permettre aux secours et aux habitants de se déplacer à nouveau. Cela a nécessité beaucoup de tronçonnage pour retirer les arbres abattus. Deuxièmement, sécuriser les infrastructures publiques, notamment les écoles, qui sont nombreuses à Petite-Terre. Au total, nous avons travaillé sur 17 établissements scolaires, en réparant des toitures et en renforçant des structures pour garantir une reprise rapide des cours. Nous avons également sécurisé des bâtiments administratifs, comme des mairies, pour permettre une reprise des services publics.
Comment avez-vous perçu l’accueil de la population locale ?
L’accueil a été exceptionnel. La population a fait preuve d’une grande résilience et d’une bienveillance remarquable envers notre équipe. Malgré les pertes matérielles importantes et le manque de ressources, beaucoup de gens commençaient déjà à reconstruire leurs habitations avec les moyens du bord. Nous ne nous sommes jamais sentis en insécurité, et les interactions avec les habitants étaient toujours empreintes de respect et de gratitude. Cela nous a donné une motivation supplémentaire pour accomplir notre mission.
Avez-vous rencontré des moments marquants ou des difficultés particulières sur place ?
Oui, plusieurs. Par exemple, le 24 décembre a été une journée particulière. Alors que beaucoup célébraient Noël en métropole, nous étions en mission dans un contexte très différent, entourés de gens qui manquaient parfois d’eau potable et d’électricité. Ces moments nous rappellent l’importance de notre rôle et de notre engagement. Une autre difficulté notable était la chaleur accablante combinée à l’humidité, ce qui a testé la résistance physique et mentale de nos équipes. Malgré cela, nous avons pu rester opérationnels grâce à notre préparation rigoureuse et à l’engagement de chaque membre de l’équipe.
Quels enseignements tirez-vous de cette mission hors normes ?
Cette mission a renforcé notre conviction qu’une préparation minutieuse est essentielle. La certification internationale que nous avons obtenue en 2021 a été déterminante, car elle nous a permis de travailler selon des standards internationaux, en coordination avec d’autres équipes si nécessaire. Elle garantit également notre capacité à vivre en totale autonomie pendant sept jours, ce qui est indispensable pour des missions de cette envergure. Cette expérience nous a aussi rappelé l’importance de l’adaptabilité face aux imprévus, comme l’absence d’eau courante ou les contraintes climatiques extrêmes. Enfin, elle a souligné la nécessité de maintenir un niveau de formation élevé et d’investir dans du matériel adapté.
Un dernier message pour la population de Mayotte ?
Je veux saluer leur courage et leur résilience. Les habitants de Mayotte ont fait preuve d’une incroyable capacité à surmonter cette épreuve, malgré les difficultés. J’espère que notre intervention, ainsi que celle des autres équipes de secours, a pu leur apporter un soutien concret. Nous resterons prêts à intervenir à nouveau si nécessaire, mais je leur souhaite surtout un retour à la normale le plus rapide possible. Leur force et leur solidarité sont une véritable source d’inspiration pour nous tous.
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Distribution d’eau sur place. (©sdis74)