Rhizomex rend la renouée du Japon désirable
Considérée comme une plaie, cette plante invasive contient pourtant une molécule très utilisée par l’industrie cosmétique et le domaine des compléments alimentaires, le resvératrol, un antioxydant qui ralentit le vieillissement cellulaire. En éradiquant la renouée du Japon, la start-up Rhizomex, à Savoie Technolac, s’approvisionne en rhizomes dont est extraite cette molécule, montant ainsi une filière vertueuse.
Transformer un fléau en aubaine. L’idée a germé dans l’esprit de Luc Jager, actionnaire principal de la start-up Rhizomex dont les bureaux se trouvent à Savoie Technolac, au sein de l’accélérateur Village by CA des Savoie. La société a été créée en 2017 avec l’intention de favoriser l’éradication de la renouée du Japon, plante invasive nuisant à la biodiversité, tout en valorisant une des molécules qu’elle contient.
Ingénieur en génie chimique, issu de l’industrie pharmaceutique, Luc Jager s’est lancé dans l’entrepreneuriat avec l’ambition d’y intégrer des valeurs qui lui sont chères : la protection de l’environnement et l’économie circulaire, en donnant une nouvelle vie à un coproduit voué à la destruction. «Cela nécessitait de faire un pas de côté, de considérer que cette plante pouvait être autre chose qu’une nuisance», explique-t-il.
Le long de son rhizome _ tige souterraine dans laquelle la renouée du Japon stocke les nutriments, qui lui sert d’organe de reproduction _ vont éclore de nouvelles plantes appelées propagules. «Un fragment d’un gramme de ce rhizome peut générer une nouvelle propagule, ce qui rend cette espèce très envahissante. Si on l’attaque à la pioche, elle se propage», décrit le chef d’entreprise.
Luc Jager s’est rapproché du laboratoire Edytem, unité de recherche de l’université Savoie Mont-Blanc (USMB) et du CNRS, pour analyser cette plante. «Des chercheurs en chimie ont mis au point un procédé, désormais breveté, permettant d’extraire, grâce à des ultrasons, des molécules de ces rhizomes. L’une d’entre elles est le resvératrol, un antioxydant qui ralentit le vieillissement cellulaire, utilisé en cosmétique et dans les compléments alimentaires, principalement produit en Chine selon un procédé utilisant des solvants. L’idée consiste donc à créer une filière française d’approvisionnement de resvératrol, selon un procédé de chimie verte, sans solvant et économe en énergie», détaille l’ingénieur. Rhizomex a obtenu la licence exclusive d’exploitation de ce brevet, avec le concours de la SATT (société d’accélération du transfert de technologies), associée au sein de la start-up.
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Une fois ramassés, les rhizomes sont lavés puis réduits en poudre. (©Rhizomex)
Une levée de fonds
pour financer
l’automatisation du tri
Un autre associé, Bertrand Godillon, issu des travaux public, permet à Rhizomex de maîtriser l’ensemble de la filière. La start-up se charge de l’éradication de cette plante envahissante et s’approvisionne par ce biais en rhizomes d’où sont extraites les molécules de resvératrol. «Personne ne pouvait fournir ces rhizomes qui sont systématiquement détruits. Nous avons créé un nouveau protocole, en creusant à 1,5 m de profondeur à la pelle mécanique pour aller les chercher. Contrairement aux autres entreprises spécialisées dans l’éradication, nous trions tous les matériaux : la terre grâce au tamisage, puis les rhizomes et les pierres par le biais du tri manuel, effectué par des personnes en insertion. La terre et les pierres reviennent en milieu naturel», précise Luc Jager.
La renouée est très présente sur le territoire. Rhizomex a déjà exécuté des chantiers dans la vallée de l’Arve, en Isère, dans la Loire, mais aussi en région parisienne et dans la Marne. Les clients de la branche éradication demeurent les communautés de communes, les Départements, le ministère des Armées, les gestionnaires d’infrastructures comme les sociétés d’autoroute, la SNCF, EDF, la CNR, les aménageurs et promoteurs immobiliers. «A la différence de nos confrères qui détruisent, nous nous engageons à un résultat en repassant un an après pour arracher les nouvelles repousses.»
L’autre activité de Rhizomex, l’approvisionnement en resvératrol, vise l’industrie cosmétique pour laquelle la start-up est encore en phase de prospection, le secteur des compléments alimentaires, mais pas seulement. «Nous travaillons avec une autre start-up sur la fabrication d’un produit de défense des cultures et nous nous intéressons aux entreprises qui fabriquent cette molécule de manière synthétique et qui souhaitent compléter leur catalogue en proposant des extraits naturels.»
Soutenue par la BPI, Rhizomex est en pleine phase de levée de fonds. Elle a déjà récolté 250.000€ sur les 400.000 nécessaires à son déploiement R&D. «Alors que le processus manuel nous contraint à intervenir sur de petits secteurs de 1500 m² maximum, nous cherchons à automatiser notre tri. Nous montons un prototype que nous testerons en juillet», annonce l’entrepreneur.