Sur le fond comme sur la forme, le projet d’atoll sur le lac ne passe pas
La pilule n’est pas passée. Elle est même bien coincée en travers de la gorge de plusieurs conseillers communautaires qui ne se sont pas privés de l’exprimer en préambule du conseil communautaire de Grand Lac, qui se tenait mardi 26 octobre.
Le projet d’atoll artificiel de 60 mètres de diamètre au large d’Aqualac, porté par la société privée bordelaise Okahina Wave, ne cesse de susciter des réactions épidermiques depuis son annonce par voie de presse mi-octobre. Marie-Claire Barbier, maire de Chindrieux et vice-présidente déléguée à la gestion du lac, à l’environnement et au climat, a été la première à dégainer sur les réseaux sociaux : «C’est la Riviera du grand n’importe quoi ! Le lac du Bourget n’est pas l’Océan pacifique !», s’était-elle insurgée, s’opposant «fermement à ce grotesque projet» et rappelant l’incompatibilité d’une telle activité avec la volonté d’obtenir la labellisation Unesco «Homme et biosphère».
Cette sortie n’a pas été du goût de Nicolas Jacquier, maire de Drumettaz-Clarafond. «Certains ont pris une position drastique. Je comprends qu’on soit contre, mais la puissance des mots employés doit être mesurée.» Il s’en est également pris à Michel Frugier, vice-président délégué au tourisme, aux ports et aux plages. « J’ai été interpellé par l’idée que tu peux avoir du travail collectif. A quoi on sert, nous ? Je peux concevoir qu’il faille avancer sur les dossiers, mais il y a eu une lacune de centralisation.»
Renaud Beretti : «Doit-on attirer encore plus
d’usagers sur le lac ?»
Et c’est là le cœur du problème. Les élus n’avaient pas été informés du projet. «On avait un comité de lac une semaine avant, on aurait pu être mis au courant !», s’indigne le maire de Brison-Saint-Innocent, Jean-Claude Croze. Le président de Grand Lac et maire d’Aix-les-Bains, Renaud Beretti, en convient : «Cette conférence de presse a été programmée à un moment inadéquat. Une concertation aurait dû la précéder au comité de lac. Mais la République est faite de projets, et celui-ci est à 100% privé.» C’est à ce titre qu’il refuse de donner sa position publiquement, même s’il l’a envoyée à ses collègues du conseil communautaire et si on devine le fond de sa pensée. «Ce pré-projet mérite une analyse plus profonde. L’Etat va l’étudier. Peut-être qu’il s’arrêtera là, sinon s’ensuivra le processus de concertation. Il va probablement s’exporter ailleurs, à des endroits peut-être plus appropriés...»
Pour le président de l’intercommunalité, au-delà du débat, il s’agit de s’interroger sur l’aménagement du lac. «Est-ce qu’on doit, dans cet espace protégé, développer encore nos activités, attirer encore plus d’usagers avec les problèmes de stationnement, de circulation, de saturation, et, par voie de conséquence, de pollution que l’on rencontre ?», questionne-t-il. Sur ce point, son opposante Marina Ferrari le suit. «Que voulons-nous faire de notre lac?» Même si elle se dit ouverte à la question, elle émet des doutes quant aux vertus environnementales avancées par le porteur de projet, craignant qu’il ne s’agisse davantage de «greenwashing», et sur les retombées économiques pour le territoire. « Cet atoll aurait peut-être davantage sa place sur une zone à réhabiliter.»